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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 29 sep 2009Lecture 8 min

Malaise lipothymique et bradycardie sinusale

L. KOUTBI, F. FRANCESCHI et J.-C. DEHARO

La bradycardie sinusale est le plus souvent physiologique mais peut parfois révéler une authentique atteinte organique du nœud sinusal. L’imputabilité d’une bradycardie sinusale à des symptômes peut s’avérer difficile, car ils sont peu spécifiques et très variables d’un patient à l’autre. Certaines explorations complémentaires simples peuvent apporter une aide précieuse pour poser le diagnostic de dysfonction sinusale. En cas de symptômes, le seul traitement efficace reste l’implantation d’un stimulateur cardiaque. Il pourra être mis en place dans des situations bien codifiées par les recommandations de la Société Européenne de Cardiologie (ESC, 2007)(12).

Définition/Physiopathologie La bradycardie sinusale est définie par un rythme sinusal dont la fréquence est inférieure à 60 battements par minute. Elle peut être permanente ou paroxystique, et classée en mineure (59-50 battements par minute, bpm), modérée (49-40 bpm) et majeure (inférieures à 40 bpm). Sa tolérance clinique est variable, un rythme cardiaque lent demeure le plus souvent sans conséquence lorsqu’il est modéré ou s’installe progressivement. Si la bradycardie est extrême ou survient brutalement, la scène clinique pourra être plus bruyante. Dans ce cas peuvent apparaître des malaises brefs à type d’éclipse ou de faux vertiges, des lipothymies, mais aussi exceptionnellement des syncopes. Lorsqu’il existe une cardiopathie sous-jacente, on peut retrouver de l’angor ou des signes d’insuffisance cardiaque. Enfin, dans les formes pauci symptomatiques, les symptômes peuvent se résumer à une asthénie, ou à un ralentissement idéo moteur. L’orientation étiologique d’une bradycardie sinusale est avant tout clinique. Les causes de bradycardie sinusale peuvent être classées de la façon suivante(1) : Deux étiologies de dysfonction sinusale sont plus fréquemment rencontrées dans la pratique clinique et méritent d’être développées. L’hypertonie vagale, c’est à la fois la plus fréquente et la plus bénigne des étiologies de bradycardie sinusale(2). Une bradycardie sinusale existe à l’état constitutionnel chez certains sujets normaux. Elle peut être majorée ou apparaître sous l’effet d’une hypertonie vagale. On l’observe volontiers durant le sommeil ou dans certaines circonstances : miction, défécation, déglutition, vomissements, manœuvre de Valsalva ou lors d’un effort isotonique. Ces situations favorisent une stimulation du système parasympathique, responsable d’un ralentissement de la fréquence cardiaque et/ou d’une chute de la pression artérielle. Le patient peut ressentir un malaise à type lipothymie ou une véritable syncope. On retrouve généralement un cortège de symptômes associés et évocateurs d’une origine vagale : une grande pâleur, des nausées, vomissements ou sueurs. Un malaise vagal s’observe le plus souvent suite à un facteur déclenchant qu’il faudra savoir rechercher : la station debout dans une atmosphère confinée, une douleur, une émotion ou encore un geste invasif (intubation et aspiration, ponction veineuse ou artérielle). Chez l’adolescent et l’adulte jeune, il est possible d’observer de façon anodine et sans caractère pathologique des bradycardies sinusales nocturnes de 35 à 40 /min et des pauses sinusales de plus de 2 secondes. Ces anomalies se retrouvent aussi chez le sportif de haut niveau, en particulier dans certaines activités d’endurance telle que la course à pied et le cyclisme. On peut parfois observer chez eux un rythme atrial ectopique (rythme du sinus coronaire) ou un rythme d’échappement jonctionnel(3). Ces anomalies sont liées à une augmentation du tonus parasympathique ou « hypervagotonie », secondaire à un entrainement physique important. Dans ce cas, la bradycardie sinusale peut être associée à un ralentissement de la conduction nodale, induisant un PR long, voire des périodes de Luciani-Wenckebach en période diurne. Leur caractéristique est, dans tous les cas, de disparaître à l’effort. La dysfonction sinusale dégénérative concerne 1 patient/600 âgé de plus de 65 ans et représente environ 50 % des implantations de stimulateurs cardiaques. Il s’agit soit d’une atteinte organique du nœud sinusal responsable d’anomalies de l’automatisme, soit d’une atteinte de la jonction sino atriale induisant des troubles de la conduction du nœud sinusal à l’oreillette, on parle alors de blocs sino auriculaires. Une dysfonction nodale y est associée dans 25 à 30 % des cas. Sur l’électrocardiogramme, les anomalies de l’automatisme du nœud sinusal se manifestent par une bradycardie sinusale pouvant alterner avec un rythme d’échappement jonctionnel. La paralysie sinusale se caractérise par une disparition complète de l’impulsion sinusale avec la présence de pauses (arrêt sinusal). Ces pauses sont dites significatives si elles sont diurnes, ou plutôt en période de veille, et durent plus de 3 secondes. Dans 30 % des cas de dysfonction sinusale, la fréquence cardiaque ne s’accélère pas normalement à l’effort, on parle alors d’insuffisance chronotrope. Elle est définie par une fréquence sinusale inférieure à 70 % de la Fréquence Maximale Théorique (220-âge) au maximum de l’effort. Les blocs sino-auriculaires ont donné lieu à la classification de Blumberger : - Bloc du premier degré inapparent sur l’électrocardiogramme de surface. - Bloc du deuxième degré : • type 1 : caractérisé par un allongement ou un raccourcissement progressif de l’intervalle PP jusqu’à une pause inférieure au double du cycle sinusal le plus court. • type 2 : caractérisé par des pauses sinusales intermittentes égales au double du cycle sinusal basal. Le bloc de type 3 caractérisé par une disparition totale des ondes P. Les troubles de la commande ou de la conduction sinusale peuvent alterner avec des troubles de l’excitabilité auriculaire pour lesquels un mécanisme de réentrée est fréquemment évoqué. On peut observer des épisodes de tachycardies supra ventriculaires sous la forme de fibrillation, flutter ou tachycardie atriale, on parle alors de syndrome bradycardie/tachycardie ou de maladie rythmique de l’oreillette. Chez ces patients, l’utilisation de traitements anti-arythmiques est délicate car ils peuvent aggraver la dysfonction sinusale. On aura le plus souvent recours à la mise en place d’un stimulateur cardiaque. Les pauses post-tachycardie peuvent être extrêmement invalidantes. Elles surviennent lors de l’arrêt des accès de tachycardie paroxystique et peuvent être responsable à part entière de la symptomatologie clinique. Une bradycardie sinusale ne doit être rattachée au dysfonctionnement organique du nœud sinusal qu’en l’absence de tout autre étiologie, notamment iatrogène. Le diagnostic de dysfonction sinusale est souvent fortuit, lors de la réalisation d’ECG à titre systématique. La situation clinique peut être à des moments complexe, car les symptômes rapportés sont peu spécifiques, notamment chez le sujet âgé, et la corrélation d’une dysfonction sinusale à ces symptômes n’est pas toujours évidente(4). Ce n’est qu’en cas d’anomalies significatives (pause de plus de 3 secondes, grande bradycardie) enregistrées au moment d’une récidive de malaise, qu’un diagnostic de certitude de cause à effet pourra être établi. Figure 1. ECG de repos. Bradycardie sinusale à 55/min, puis pause sinusale de 2,2 secondes suivie d’un échappement jonctionnel. Figure 2. Échantillon de holter ECG. Fréquence cardiaque de base aux alentours de 60/min, on objective 2 pauses sinusales de plus de 3 secondes. Figure 3. Courbe de fréquence cardiaque lors d’un holter. Bradycardie le plus souvent en dessous de 40/min. La fonction chronotrope paraît correcte par ailleurs. Figure 4. Pause sinusale de 3,1 secondes, diurne, documentée au cours d’un holter ECG. Examens complémentaires Le holter ECG est le meilleur examen pour faire le diagnostic de dysfonction sinusale. Il a une place essentielle lorsque les symptômes sont fréquents. Les anomalies significatives à retenir sont : une bradycardie sinusale ou jonctionnelle permanente, généralement inférieure à 50/min avec un aspect « en plateau » de la courbe de fréquence ; une pause diurne (ou plutôt en état de veille) de plus de 3 secondes ; un bloc sino atrial du 2ème degré et l’alternance bradycardie-tachycardie. L’idéal est bien sur de pouvoir réaliser cet enregistrement au moment des symptômes. On pourra avoir recours à des enregistreurs externes d’évènements, équivalant à un holter de très longue durée (1 à 2 mois) dont le patient peut geler la mémoire roulante (15 min avant et après l’activation patient) en cas de symptômes. Il sera d’une aide précieuse pour corréler un symptôme, souvent aspécifique, à une anomalie du rythme cardiaque. Le holter ECG implantable peut être utile(5) dans le cadre de syncopes récidivantes inexpliquées. Il permet un enregistrement continu du rythme cardiaque sur une période pouvant atteindre 30 mois. L’enregistrement des épisodes peut être déclenché par le patient ou se faire de façon automatique sur des critères prédéfinis. Si des anomalies contemporaines de symptômes sont retrouvées, leur imputabilité sera alors évidente. Le test d’inclinaison reste la référence pour rechercher une cause réflexe ou vagale à un malaise. Il s’agit d’un examen relativement spécifique, mais peu sensible. Sa positivité n’apporte qu’une probabilité diagnostique qui sera d’autant plus importante que le patient ne présente pas de cardiopathie et que son ECG est normal. Sa négativité n’élimine pas une étiologie vasovagale surtout s’il est réalisé à distance des malaises. L’épreuve d’effort a un intérêt dans la recherche d’une insuffisance chronotrope associée à une dysfonction sinusale, en particulier chez les patients présentant une symptomatologie à l’effort. On parlera d’insuffisance chronotrope si la fréquence sinusale reste inférieure à 70 % de la fréquence maximale théorique (220-âge) à l’effort. L’exploration électrophysiologique (EEP) sera réservée aux patients ayant présenté une syncope dans des conditions particulières (en position couchée, à l’effort ou précédée de palpitations), aux porteurs de cardiopathie et enfin aux patients présentant un bloc bifasciculaire. Plusieurs méthodes ont été décrites pour étudier la fonction sinusale. La plus utilisée en pratique consiste en la mesure du temps de récupération sinusale corrigé (TRSC). Après une stimulation atriale de 30 secondes à cadence fixe, à un cycle de 600 puis 400 ms, on mesure l’intervalle entre la dernière oreillette stimulée et la première oreillette spontanée. On retranche à cette valeur le cycle de base du patient pour obtenir le TRSC. L’EEP n’est pas un bon examen dans cette indication puisque sa sensibilité et sa spécificité ne sont que de 70 %. Il ne devra jamais être réalisé dans le seul but de confirmer une dysfonction sinusale(2,6). Traitements Le traitement d’une bradycardie sinusale est d’abord celui de sa cause lorsque celle-ci est réversible. On peut ainsi adapter la posologie d’un traitement bradycardisant, voire reconsidérer son indication. En cas de malaises vagaux récidivants, certaines manœuvres spécifiques visant à majorer la pression artérielle sont conseillées lors des prodromes : croiser des jambes (contraction des muscles abdominaux, cruraux et jambiers) ; serrer fortement un objet en main ; réaliser une abduction des bras, mains jointes en crochet(7). On peut également, proposer une thérapie cognitive, identifier les prodromes et tenter une éviction des facteurs déclenchant. L’intérêt des mesures visant à lutter contre la vasodilatation périphérique ou à majorer la volémie (régimes salés, l’administration de minéralocorticoïdes ou d’agonistes alpha) est controversé. Le traitement par bêtabloquants n’a pas fait la preuve de son efficacité. Enfin, la mise en place d’un stimulateur cardiaque pour éviter une bradycardie semble peu efficace, mais pourra être discutée dans certains cas (tableau 1)(8). En cas de dysfonction sinusale intrinsèque, les indications d’appareillage concernent uniquement les patients symptomatiques (tableau 2). Dans cette population, la stimulation cardiaque n’a pas montré de bénéfice en terme de survie, en revanche, il existe une diminution des symptômes ainsi qu’une réduction des arythmies supra-ventriculaires(9).Le mode de stimulation doit être sélectionné de façon rigoureuse afin de préserver le patient de toute stimulation ventriculaire intempestive, dont les effets délétères au long cours sont désormais bien établis(10,11). Les deux modes actuellement recommandés dans le cadre de dysfonction sinusale sont d’une part l’AAI-safe R de la société Sorin Group, d’autre part le MVP (Managed Ventricular Pacing) de la société Medtronic. L’utilisation d’appareils à asservissement de fréquence peut être utile en cas d’insuffisance chronotrope associée. L’implantation d’un stimulateur cardiaque chez un patient présentant une maladie de l’oreillette permet le maintien d’un traitement anti-arythmique sans crainte d’aggraver une dysfonction sinusale pré-existante.

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