Cardiologie générale
Publié le 22 nov 2005Lecture 7 min
Médicaments cardiovasculaires et pratique sportive
F. CARRÉ, Hôpital Pontchaillou, Université Rennes 1
S’il est vrai que la pratique d’une activité physique modérée et régulière induit de nombreux effets bénéfiques pour la santé, il est non moins vrai que nombre de pathologies cardiovasculaires ne font pas bon ménage avec la pratique sportive intensive. Des recommandations sur la pratique du sport de compétition ou de loisir par les cardiaques ont d’ailleurs récemment été publiées. Le choix de la prescription d’une thérapeutique cardiovasculaire chez un patient dont l’état ne contre-indique pas la pratique de sports intenses doit être orienté et répondre à certains prérequis propres à cette population.
Choix des thérapeutiques cardiovasculaires et pratique sportive aiguë
L’exercice perturbe l’homéostasie
La réalisation d’un exercice musculaire perturbe toujours, au moins lors de sa réalisation et dans la période qui lui succède, l’homéostasie de l’organisme. Outre l’exercice lui-même, les conditions environnementales de sa pratique – altitude, chaleur, froid, modifications barométriques comme en plongée – interviennent aussi. L’ensemble de ces contraintes, en modifiant la distribution du débit sanguin des différents organes, peut perturber la pharmacodynamie (absorption, distribution, métabolisme et excrétion) de drogues éventuelles. Ces perturbations risquent d’être d’autant plus nettes que l’exercice (compétition mais aussi entraînement) est intense et prolongé. Des précautions doivent en particulier être prises avec les médicaments dont la fenêtre thérapeutique est étroite. Les données scientifiques à notre disposition sur ce sujet restent malheureusement très parcellaires.
Nombre de pathologies cardiovasculaires limitent la performance sportive.
Si le patient symptomatique en est facilement convaincu, le sportif asymptomatique peut être plus dubitatif. C’est ainsi souvent le cas de l’hypertendu. L’hypertension non équilibrée peut pourtant altérer la performance physique du fait des contraintes myocardiques imposées par une postcharge très élevée. Il est aussi vrai que la prise de médicaments à visée cardiovasculaire peut altérer la performance sportive, surtout d’endurance. Dans ce cadre, les bêtabloquants ont été les plus décriés et les nouvelles molécules cardiosélectives, parfois associées à un effet vasodilatateur périphérique, ont prouvé leurs moindres effets délétères.
Certains médicaments à visée cardiovasculaire peuvent présenter un risque lors de la pratique sportive intense et prolongée.
C’est le cas des diurétiques qui pourraient favoriser la survenue d’arythmies. De même certains antiarythmiques, comme ceux de la classe IC, peuvent modifier à l’effort les caractéristiques des complexes QRS, voire avoir des effets proarythmogènes en cas de perturbations électrolytiques importantes. La réalisation d’une épreuve d’effort après introduction d’une thérapeutique à visée cardiovasculaire chez un sportif est donc justifiée. Outre le contrôle de l’efficacité de la molécule prescrite, elle permettra de surveiller sa bonne tolérance. Il faut cependant en connaître les limites car l’effort standardisé et gradué réalisé dans les conditions ambiantes neutres d’un laboratoire reflète assez mal certains efforts de compétition.
Dans tous les cas, la protection de la santé du patient doit passer avant la performance du sportif.
Ainsi, la prescription d’un bêtabloquant chez un sportif coronarien et/ou présentant des arythmies doit induire une limite chronotrope suffisante et ce, en dépit du retentissement éventuel sur la performance sportive.
Enfin, la prescription d’une thérapeutique pour la pratique sportive n’est pas synonyme d’une protection absolue vis-à-vis de la pathologie concernée :
– les conditions de pratique peuvent limiter son efficacité ;
– un oubli de la prise médicamenteuse, réel ou voulu et alors dicté le plus souvent par la sensation d’une baisse des performances, est toujours possible avec ses risques inhérents.
Médicaments à visée cardiovasculaire et lutte contre le dopage
Il faut toujours s’informer auprès du patient d’une éventuelle pratique du sport en compétition. En effet, tout sportif participant à des compétitions est assujetti à la loi contre le dopage ; il peut donc à ce titre subir un contrôle anti-dopage, quel que soit son niveau de pratique et de performance.
Dans certains cas, une autorisation d’usage à des fins thérapeutiques (AUT) peut être délivrée. Cette AUT concerne la prescription d’une substance ou d’une méthode :
– qui n’améliore pas les performances,
– qui peut occasionner un préjudice de santé si elle n’est pas utilisée,
– qui n’a pas d’alternative thérapeutique.
Le médecin prescripteur n’est pas habilité à délivrer l’AUT, il peut en revanche aider le sportif à en faire la demande. Ainsi il peut constituer l’ensemble du dossier médical qui va étayer la demande d’AUT, en précisant le dosage prescrit et la durée du traitement, et remplir avec le sportif le formulaire d’AUT téléchargeable sur le site www.santesport.gouv.fr. Actuellement ce sont les commissions médicales des fédérations et/ou le comité de lutte contre le dopage, voire l’agence mondiale de lutte contre le dopage qui délivrent l’AUT. Étant donné les délais de réponse, la demande doit être programmée pour ne pas pénaliser le sportif, lequel devra toujours préciser, en cas de contrôle, qu’il possède une AUT pour tel traitement.
Dans le domaine cardiovasculaire, les bêtabloquants sont les médicaments les plus concernés par l’AUT ; leur usage est, en effet, prohibé seulement par certaines fédérations (tir, sports mécaniques, billard, etc.). Les diurétiques, qui peuvent être utilisés comme produits masquants, ne pourront être prescrits. Dans le doute, il est conseillé de se renseigner sur le site www.santesport.gouv.fr.
Dans le cadre du dopage, la prise non prescrite de médicaments à visée cardiovasculaire (dérivés nitrés, antiagrégants, striadyne, etc.) peut être à l’origine d’incidents ou d’accidents de gravité variable.
Principales classes thérapeutiques et pratique sportive
Bêtabloquants et sports
Leurs indications chez le sujet actif sont multiples, hypertension artérielle, arythmies et coronaropathies. Ils restent les plus efficaces pour contrôler l’hypertension artérielle systolique d’exercice, qui est bien corrélée à l’hypertrophie ventriculaire gauche. Leur efficacité peut être perturbée par une pharmacodynamie à l’exercice variable selon le type de molécules. Les nouvelles molécules cardiosélectives, avec ou sans effet vasodilatateur périphérique associé, ont nettement diminué la classique altération des performances physiques qui leur est attribuée. Cependant, si chez le sujet actif et/ou sportif de loisir, le niveau de performance est conservé, chez le sportif de haut niveau de pratique, ces effets limitants restent rédhibitoires pour une bonne observance. Ces produits figurent sur la liste des produits interdits et nécessitent pour le sportif de compétition l’obtention d’une AUT.
Inhibiteurs calciques et sport
Ils n’altèrent pas la performance aérobie. Ils peuvent parfois être médiocrement tolérés, plus en cas de troubles veineux périphériques non rares dans certains sports (cyclisme, haltérophilie,…) que par une rare tachycardie réflexe.
Bloqueurs du système rénine-angiotensine et sports
Ils ne diminuent pas la performance sportive, en particulier aérobie. Lors de l’exercice prolongé, les perturbations rénales de la perfusion sont en contre-partie balancées par la stimulation du système rénine-angiotensine. Un effet délétère potentiel de son blocage prolongé sur la fonction rénale a été évoqué.
Statines et sport
Le traitement des dyslipidémies chez le sportif doit être individualisé et adapté au niveau de risque réel de l’affection et à la volonté de pratique intense d’un sport. Parmi les traitements pharmacologiques, les statines qui sont les plus prescrites ont aussi été les plus étudiées. Elles ne semblent pas diminuer la performance physique. Par contre, leurs interférences avec le métabolisme calcique cellulaire ainsi que la respiration mitochondriale pourraient favoriser les risques de lésions musculaires lors de la pratique physique intense. Des douleurs ou gênes musculaires parfois très invalidantes, accompagnées ou non d’une élévation des enzymes musculaires, sont rapportées chez 25 % des patients sous statines pratiquant une activité sportive intense et régulière. Il convient à ce propos de rappeler que le dosage de ces enzymes musculaires doit être réalisé après au moins 24 h d’abstention de tout entraînement physique. En effet, un taux « basal » augmenté de ces marqueurs, en particulier de la créatine kinase, est la règle dans la population sportive.
Antiarythmiques et sport
Certaines molécules peuvent modifier les caractéristiques électrophysiologiques des cardiomyocytes, en particulier à l’effort. Dans ce cadre, vu les limites précédemment soulignées de l’épreuve d’effort classique, un enregistrement Holter rythmique incluant une séance d’entraînement spécifique peut être justifié.
Dérivés nitrés et sports
La prescription et la prise raisonnée de produits d’action rapide peut, chez le coronarien stable, prévenir la survenue de syndromes d’échauffement survenant au démarrage de l’activité, en particulier lors de conditions météorologiques ou géographiques (côtes en vélo, etc.) difficiles.
Anticoagulants et sports
Ils sont bien sûr contre-indiqués dans les sports à risque de collision et de chutes. Cette contre-indication peut cependant parfois être tempérée par le niveau technique de pratique et donc le risque de chute du patient. L’attitude vis-à-vis des antiagrégants peut être moins stricte. Vu la possibilité de déséquilibre thérapeutique, il est conseillé de vérifier l’efficacité du traitement par contrôle de l’INR lors de la reprise effective du sport.
Sports à risques
Certaines disciplines sportives (plongée sous-marine, sports mécaniques, escalade, etc.) peuvent présenter un risque pour le patient ou son entourage, partenaires ou adversaires, en cas d’inefficacité et/ou de mauvaise tolérance d’une thérapeutique. En cas de doute, il est conseillé au médecin de se renseigner auprès des fédérations concernées qui émettent régulièrement des recommandations.
En pratique
La prescription de médicaments à visée cardiovasculaire chez le sportif doit toujours être réfléchie et individualisée. L’éducation du patient revêt aussi une importance particulière dans ce contexte.
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