Publié le 25 mai 2010Lecture 5 min
Plaidoyer pour l'automesure de l'INR
M.M. SAMAMA, Laboratoire Biomnis, L. DROUET,Hôpital Lariboisière, Paris, P. AMEDRO, CHU de Montpellier, D. LASNE, Hôpital Necker, Paris
Depuis plusieurs années, de nombreux pays nord-américains et européens ont adopté la surveillance de l’anticoagulation orale par le patient lui-même, grâce à des dispositifs d’auto-mesure de l’INR, associée à une promotion active de l’éducation thérapeutique aux AVK.
En France, avec de nombreuses années de retard, la situation de l’auto-mesure de l’INR s’est débloquée parallèlement chez l’adulte et chez l’enfant.
Chez l’adulte porteur de prothèse valvulaire mécanique cardiaque, l’étude médico-économique, débutée en 2008, comparant l’auto-mesure de l’anticoagulation, en ambulatoire, par rapport à un suivi classique de l’anticoagulation dans 23 CHU et au Centre Chirurgical Marie Lannelongue, est à présent terminée. Il existe de bonnes raisons d’espérer que les résultats, en cours d’exploitation, seront positifs, faisant entrevoir une autorisation chez l’adulte. Ainsi nous rapprocherions nous de pays qui, comme l’Allemagne, nous montrent l’exemple en ayant développé et organisé l’auto-mesure de l’INR des patients sous anti-vitamines K depuis plus de dix ans. Si cette organisation permet une utilisation simple, sécurisée et encadrée de l’auto-mesure, elle montre aussi qu’elle ne peut pas s’appliquer à tous les patients. Mais ceux qui sont aptes et volontaires peuvent, dans un système bien organisé, en tirer un véritable bénéfice médical et de qualité de vie.
La qualité de la surveillance biologique du traitement anti-vitamine K reste un sujet d’actualité, avec pour objectif une amélioration de l’efficacité et de la sécurité du traitement en maintenant l’INR dans une zone bien définie. La proportion de temps passée dans la zone de l’INR recherchée est un bon critère de la qualité du traitement et l’auto-mesure améliore ce paramètre. La sécurité du traitement, c’est-à-dire la réduction des accidents hémorragiques, est également un bénéfice potentiel de l’auto-mesure. Toutefois, l’éducation du patient, qui progresse en France, en est le complément incontournable. Il reste à perfectionner enfin le contrôle de qualité de l’auto-mesure, un objectif qui fait intervenir non seulement les fabricants, mais également et surtout le patient lui-même. S’ouvrir à l’auto-mesure, à l’heure où de nouveaux types d’anticoagulants par voie orale commencent à être évalués, n’est pas une attitude retardataire car il est évident que l’introduction des DAM sera progressive et qu’il est capital que l’alternative AVK pour les patients, qui pendant encore longtemps n’auront pas d’autre alternative, reste à son optimum.
Auto-mesure de l’INR en pédiatrie
Chez l’enfant aussi, le retard de l’auto-mesure de l’INR a été récemment rattrapé, grâce au travail conjoint des associations de patients (www.avkcontrol.org) et des sociétés savantes (filiale de cardiopédiatrie de la Société Française de Cardiologie, Groupe d’Hémostase de la Société Française d’Hématologie).
Les dispositifs d’auto-mesure (DAM) de l’INR (International Normalized Ratio) et leurs consommables sont désormais remboursés pour les enfants de moins de 18 ans ayant des indications aux anti-vitamines K (AVK) cardiologiques et extra cardiologiques au long court.
Les indications des AVK en pédiatrie sont classiques (prothèse mécaniques, dérivations cavo-pulmonaires, anévrysmes artériels de la maladie de Kawasaki, cardiomyopathies, thromboses veineuses ou artérielles).
L’arrêté du 24 juin 2008 impose avant toute prescription du DAM qu’une formation de l’enfant et/ou d’un membre de son entourage soit assurée par un service de cardiologie pédiatrique, dit « service référent pour l’auto-mesure de l’INR », lequel doit en particulier disposer d’une astreinte téléphonique 24 h/24 h.
Standardisée dans tous les services référents, la formation initiale du patient et de sa famille consiste en une éducation théorique aux AVK et au remplissage du carnet de suivie d’une formation pratique à l’auto-piqûre et à l’utilisation du DAM, puis d’un contrôle des connaissances théoriques et pratiques. Par la suite, une formation continue à 3 mois puis tous les 6 mois est également réalisée par le service référent pour le renouvellement de la prescription des bandelettes. Les familles s’engagent à respecter le rythme des mesures indiqué par le médecin référent (tous les 15 jours en période d’équilibre, plus fréquemment à l’initiation du traitement ou en cas de déséquilibre) et à lui communiquer le résultat de l’INR le jour même afin qu’il leur indique la posologie d’AVK et la date du prochain contrôle. Le remboursement des DAM a été initialement accordé pour une période de 3 ans, avec un renouvellement subordonné à la présentation des résultats d’une étude reflétant la sécurité de ce mode de surveillance de l’INR.
L’expérience des services référents pédiatriques en Languedoc- Roussillon
Les 2 centres formateurs du Languedoc-Roussillon (CHU de Montpellier et Institut-Saint-Pierre de Palavas-Les-Flots), avec 2 infirmières et 2 cardiopédiatres référents, ont organisé un programme commun d’éducation thérapeutique individuel et collectif aux anticoagulants et aux DAM. Il comporte des fiches d’évaluation théoriques et pratiques des patients et une grille d’évaluation du programme. Des questionnaires de qualité de vie avant et après utilisation du DAM ont été remplis par les parents et les enfants suffisamment âgés. Tous les INR réalisés au laboratoire avant prescription des DAM et tous les INR réalisés en auto-mesure après prescription DAM ont été collectés.
De juillet 2008 à octobre 2009, 33 enfants de 1 mois à 17 ans ont bénéficié d’une surveillance par le DAM « Coaguchek® XS » du laboratoire Roche. Tous les patients éligibles ont souhaité bénéficier d’un DAM sauf un. Les scores de qualité de vie sont augmentés chez les nourrissons, en cours d’analyse chez les autres. Aucune sur-morbidité n’a été constatée. 31 familles ont validé du premier coup l’évaluation théorique et pratique à 12 semaines. Les 2 autres ont été reconvoquées pour une nouvelle formation. L’audit interne montre l’absence de tout écart aux conditions de l’arrêté.
La mise en place de l’auto-mesure de l’INR chez l’enfant, encadrée par les conditions de l’arrêté de 2008, s’est effectuée dans de très bonnes conditions au sein de 2 services référents disposant d’un programme commun, avec une bonne adhésion des enfants, parents, et soignants. L’étude avant/après DAM (INR, qualité de vie) est en cours. Un autre bénéfice secondaire à l’avènement des DAM a été de mettre en place un programme d’éducation thérapeutique aux AVK homogène, formalisé et évalué, qui n’existait pas auparavant dans ces deux centres.
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