Publié le 17 avr 2007Lecture 7 min
Prise en charge des facteurs de risque associés au diabète de type 2 : des preuves à la pratique
M. DEKER, d’après M. Komajda (Paris) et B. Charbonnel (Nantes)
Cœur et Diabète
La prise en charge du diabétique est un nouveau défi dans la lutte contre les maladies cardiovasculaires. Son contrôle passe inéluctablement par la mise sous insuline, en raison de la dégradation de la fonction bêta pancréatique. Sa prévention dépend en grande partie du contrôle du risque métabolique et notamment de la lutte contre l’obésité viscérale qui fait le lit du diabète et du risque cardiovasculaire.
Optimiser le contrôle glycémique chez les patients diabétiques de type 2 avec l'insuline
D'après D. Raccah, Marseille
Le recours précoce à l’insulinothérapie est recommandé dès lors que le traitement antidiabétique oral maximal ne permet plus de maintenir l’HbA1c en deçà de 7 %, en utilisant une insuline basale de longue durée d’action en 1 injection au coucher. La mise sous insuline ne permet pas de freiner le déficit insulinosécrétoire lié à la dégradation inexorable de la fonction bêta pancréatique, mais elle corrige le déséquilibre glycémique afin d’éviter les complications macrovasculaires.
Ce schéma d’insuline basale associée aux antidiabétiques oraux constitue une étape obligatoire de la prise en charge du diabétique de type 2, mais son efficacité connaît progressivement des limites avec l’épuisement de l’effet des antidiabétiques oraux, suggéré par une glycémie postprandiale > 1,60 g/l et/ou une HbA1c > 7 % malgré une glycémie à jeun < 1g/l, témoignant d’excursions glycémiques postprandiandiales. C’est alors qu’il faut envisager de compléter le schéma de traitement insulinique. En pratique, deux stratégies sont envisageables :
– le recours à des insulines prémélangées, « premix », associant une insuline rapide à une insuline semi-lente, en proportion fixe, en deux injections quotidiennes ; cet usage a pour avantage sa simplicité et offre un bon compromis ; toutefois, la pharmacocinétique n’est pas très physiologique, les insulines semi-lentes ne sont pas les meilleures insulines basales, le protocole n’est pas flexible et contraint le patient à une régularité des horaires de repas, enfin, il est nécessaire de remettre en suspension l’insuline avant usage ;
– le schéma basal-bolus complet offre une option plus physiologique, mais il nécessite la pratique d’injections prandiales en plus de l’injection au coucher, soit environ 4 injections quotidiennes, d’où des difficultés d’observance et une baisse de la qualité de vie.
Une troisième stratégie commence à émerger, consistant en une injection prandiale lors du repas le plus hyperglycémiant de la journée (repéré au moyen de glycémies capillaires 2 heures après chaque repas) associée à l’insuline basale : c’est le « basal-bolus pas à pas » ou « basal plus ». Elle procède de ce que la glycémie postprandiale, corrélée à l’HbA1c, est variable selon les patients et les pays ; le contrôle de ses valeurs les plus élevées peut influer sur la glycémie de l’ensemble du nycthémère. Des études sont en cours pour évaluer cette stratégie thérapeutique, notamment l’étude OPAL, chez des patients en échec d’insuline glargine.
Hyperactivation des récepteurs CB1 chez les patients en surpoids avec un diabète de type 2
D'après E. Bruckert, Paris
L’obésité abdominale représente un facteur de risque important, dont la prise en charge est particulièrement difficile. L’augmentation du tissu adipeux viscéral est, en effet, associée à la progression des facteurs de risque classiques, que sont l’hypertension artérielle, les dyslipidémies, le diabète, la thrombose et l’inflammation ; elle est aussi associée à des complications telles que NASH, fibrose, syndrome des ovaires polykystiques et, surtout, complications cardiovasculaires. Le lien entre obésité abdominale et complications cardiovasculaires est étroit et sans seuil de risque. Dans l’étude INTERHEART, le risque attribuable dévolu à l’obésité abdominale est de 33,7 % ; il est plus élevé chez la femme que chez l’homme de 50 %.
Les causes primaires de cette obésité sont connues : alcool et stress qu’entraînent une hypercortisolémie, sédentarité, excès d’apport calorique et défaut qualitatif des apports caloriques. Le système de régulation de la satiété et de l’appétit est un système complexe, redondant, qui intègre des informations provenant de l’intestin et des interactions avec les systèmes comportementaux. Il est lié au maintien de la réserve énergétique. Ce système intégré, stimulé par la vue, met en jeu le récepteur CB1 du système endocannabinoïde et permet de prévenir les carences. Le système endocannabinoïde est impliqué dans la régulation de la prise alimentaire et la régulation énergétique. Plusieurs substrats peuvent se lier au récepteur CB1, notamment les HDL, selon une corrélation inverse. L’activation de CB1 entraîne une augmentation de la prise alimentaire, surtout marquée pour les sucres et les graisses, et s’accompagne d’une diminution de l’utilisation du glucose tissulaire, d’une augmentation de la sécrétion d’insuline, d’une augmentation de la lipogenèse et d’une accumulation des graisses.
L’action du système cannabinoïde est antagonisée par le rimonabant qui a pour effet de diminuer la prise des aliments palatables, de diminuer l’absorption alimentaire, d’augmenter l’adiponectine et de diminuer la lipogenèse. Son effet chez le diabétique de type 2 a été étudié dans le cadre de l’étude RIO-Diabetes chez 1 045 patients (des deux sexes, âge moyen 55,6 ans), de poids moyen 96,3 kg et IMC moyen 34 kg/m2 ; tous ces patients étaient sous traitement hypotenseur, présentaient une obésité abdominale et une dyslipidémie avec HDL-C bas. Comparativement au placebo, une diminution de poids significative a été observée sous rimonabant (-6,1 versus – 1,9 kg, p < 0,001). Parallèlement, l’HbA1c a diminué de 0,6 % sous rimonabant 20 mg, comparativement à une augmentation de 0,1 % sous placebo. La baisse de l’HbA1c est même de 0,8 % chez les patients dont les valeurs étaient supérieures à 7 % avant le début de l’étude. La diminution de l’HbA1c est indépendante de la perte de poids : 0,3 % est attribuable à la perte de poids et 0,4 % au rimonabant.
Ces résultats encourageants sont confirmés par l’étude SERENADE, chez des diabétiques naïfs de traitement, ayant initialement une HbA1c moyenne de 7,9 ± 0,7 %, chez lesquels le rimonabant 20 mg a permis au bout de 6 mois de diminuer l’HbA1c de - 0,8 + 1,2 % comparativement à – 0,3 ± 1,2 % sous placebo.
Le rimonabant a donc probablement un rôle à jouer dans la lutte contre l’obésité abdominale. Un avis favorable à son remboursement a été prononcé chez les patients obèses (IMC Ž 30 kg/m2) ou en surpoids (IMC > 27 kg/m2) avec facteurs de risques associés tels que diabète de type 2 ou dyslipidémie, en association au régime et à l’exercice physique.
Perspectives dans la prise en charge des facteurs de risque cardiométabolique
D'après N. Danchin, Paris
L’étude INTERHEART a identifié 9 grands facteurs de risque et de protection des maladies cardiovasculaires et calculé la part attribuable à chacun d’entre eux selon les régions géographiques. En Europe occidentale, le tabagisme compte pour 29 % et l’obésité abdominale pour 63 %, alors qu’en Chine, ces deux facteurs comptent pour 36 % et 5,5 % respectivement. L’évolution dans le temps montre que l’obésité a augmenté depuis les années 90 aux ètats-Unis comme en Europe, touchant les hommes comme les femmes. En France, en 2003, 0,6 % de la population avait un IMC > 40 kg/m2 (versus 0,3 % en 2001), 30 % de la population avait un IMC entre 25 et 30 kg/m2 (versus 28,5 % en 2001). Chez les coronariens, le pourcentage de patients en surpoids (IMC > 30 kg/m2) n’a cessé de progresser depuis 1995, passant de 14 % à 21 % en 2005.
Face à cette augmentation des facteurs de risque mal contrôlables au sein de la population, les options sont multiples et conjuguent les approches hygiéno-diététiques et médicamenteuses. Parmi les premières, la suppression du tabagisme a fait ses preuves, de même que le régime visant à diminuer le LDL-C (on peut en attendre une diminution de 16 % des événements cardiovasculaires, mais pas d’effet démontré sur la mortalité globale). Les thérapeutiques médicamenteuses ont surtout un impact démontré en prévention secondaire : antiagrégants plaquettaires, statines, bêtabloquants, IEC, antihypertenseurs ; reste que les antidiabétiques n’ont pas d’effet démontré à cet égard. Globalement, les progrès dans la prise en charge des maladies cardiovasculaires ont permis de gagner près de 4 ans d’espérance de vie depuis les années 70, ce qui est beaucoup comparé au gain de 3 mois estimé dans la prise en charge des cancers.
Il reste toutefois encore à faire, notamment pour lutter contre l’épidémie d’obésité. La perte de poids s’accompagne d’une diminution des autres facteurs de risque, cholestérol total et LDL, CRP, glycémie et insuline. Elle permet de diminuer le risque de syndrome métabolique et de diabète, ce qui présage une baisse de la mortalité cardiovasculaire et toutes causes. Le rimonabant paraît prometteur. Il a, en effet, été montré dans les études RIO qu’il augmente le HDL-C et diminue les triglycérides, entraîne une baisse des particules petites et denses de LDL, diminue la pression artérielle systolique, tous éléments qui concourent à normaliser le profil de risque et à diminuer le risque de syndrome métabolique. Il permet également d’augmenter l’adiponectine et de diminuer la CRP. Deux autres études sont en cours qui permettront de mieux connaître ses effets sur le profil lipidique (ADAGIO), HDL et TG, et sur le risque d’infarctus myocardique, AVC et mortalité cardiovasculaire (CRESCENDO) chez des patients à risque cardiovasculaire élevé suivis durant 3 à 4 ans.
Si les traitements conventionnels ont déjà permis d’améliorer la survie des pa-tients souffrant de maladie cardiovasculaire, il reste à mieux prendre en charge les facteurs de risque métabolique pour espérer diminuer la mortalité cardiovasculaire.
D'après un symposium des laboratoires sanofi aventis
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