Publié le 14 fév 2006Lecture 5 min
Que faire devant un épanchement pleural après chirurgie cardiaque ?
O. STCHEPINSKY, Centre William Harvey, Saint-Martin-d’Aubigny
La nécessité de ponctionner un épanchement pleural postopératoire est souvent difficile à évaluer en raison des nombreuses autres causes de dyspnée après chirurgie cardiaque et de la fréquente évolution spontanément favorable.
C’est le caractère tardif de l’épanchement pleural témoignant d’un épanchement exsudatif à prédominance lymphocytaire non hémorragique, son abondance évaluée à plus de 25 % de l’hémithorax et la sévérité de la dyspnée qui détermineront la pertinence de l’indication du geste de ponction.
Après chirurgie cardiaque, le déficit fonctionnel respiratoire postopératoire immédiat est important avec une évolution restrictive du volume pulmonaire et une diminution nette de la capacité de transfert du mono-xyde de carbone. La perte moyenne est de 21 % sur le volume mobilisable et de 16 % pour la capacité pulmonaire totale par rapport aux mesures préopératoires (p < 0,01).
Les étiologies sont multiples comprenant : les douleurs thoraciques poststernotomie, l’anémie et l’asthénie générale, la diminution de la force musculaire inspiratoire (Wilcox 1988), la persistance d’atélectasies prédominantes aux bases et la présence fréquente de liquide pleural pouvant comprimer le poumon.
Épidémiologie
Après chirurgie cardiaque, 60 à 90 % des patients présentent à J8 postopératoire un épanchement pleural. La chirurgie de revascularisation myocardique ou non, combinée à un remplacement valvulaire, est à l’origine de 62 à 63 % d’épanchements pleuraux comparativement 45 % pour la chirurgie valvulaire isolée.
Si la revascularisation myocardique est effectuée avec prélèvement de l’artère mammaire interne gauche et ouverture pleurale, 88 % des patients présentent une anomalie à la radiographie pulmonaire sous forme d’atélectasie et d’épanchement pleural. Le prélèvement exclusif de veines saphènes pour les pontages réduit les complications respiratoires à 68 %, avec 35 % d’épanchement pleural isolé comparativement à 55 % pour le prélèvement mammaire.
Étiologie des épanchements pleuraux
Les épanchements pleuraux précoces
Soixante-trois pour cent des épanchements survenant moins de 30 jours après l’intervention sont des exsudats hémorragiques avec un fort pourcentage d’éosinophiles et un taux de LDH élevé à plus de trois fois la normale. Ils sont liés au traumatisme direct du geste chirurgical.
Ces épanchements hémorragiques atteignent leur taille maximale précocement dans le 1er mois postopératoire. Ils sont de bon pronostic car résolutifs spontanément ou après au plus une ou deux ponctions évacuatrices.
Une chirurgie de prélèvement mammaire prudente et méticuleuse, sans ouverture de la plèvre, entraîne moins de complications fonctionnelles respiratoires postopératoires et en particulier moins d’épanchements pleuraux.
La kinésithérapie respiratoire associée à l’utilisation du spiromètre d’incitation permet, dans la grande majorité des cas, la disparition de ces épanchements pleuraux en 15 jours à 3 semaines.
Les épanchements pleuraux précoces sont hémorragiques, liés au traumatisme direct avec un bon pronostic car ils sont résolutifs spontanément.
Les épanchements pleuraux tardifs
(figure)
Figure. Épanchement pleural gauche tardif à 35 jours après remplacement valvulaire mitral mécanique à caractère symptomatique de plus de 25 % de l’hémithorax ayant justifié une ponction évacuatrice.
Ils surviennent à plus de 30 jours postopératoires et constituent plus de 37 % des épanchements pleuraux postopératoires. Ils sont de type exsudatif à prédominance lymphocytaire avec un taux de LDH bas. Il s’agit d’exsudat jaune citrin et non hémorragique.
Ils atteignent leur taille maximale à plus de 30 jours postopératoires, en moyenne 48 jours ; le risque de persistance et d’aggravation spontanée est plus élevé.
Il s’agit probablement de réaction immunologique post-CEC, de type syndrome de Dressler à forme limitée.
L’ouverture pleurale avec une fuite de liquide médiastinal dans l’espace pleural pourrait contribuer à la survenue de ces épanchements pleuraux avec un rôle possible de l’interruption des voies lymphatiques drainant normalement l’espace pleural, de lésions dues à l’hypothermie et de réactions d’hypersensibilité aux drogues utilisées.
Ces épanchements tardifs ont un pronostic à long terme moins favorable avec parfois une nécessité de thoracotomie après récidive, malgré des ponctions itératives et un traitement anti-inflammatoire non stéroïdien ou une corticothérapie.
La survenue d’une insuffisance cardiaque ou d’une embolie pulmonaire peut être aussi à l’origine de ces épanchements pleuraux.
Les épanchements pleuraux tardifs (> 30 jours) sont exsudatifs à prédominance lymphocytaire, équivalents d’un syndrome de Dressler limité d’évolution moins favorable avec récidives et nécessitant souvent des ponctions évacuatrices.
Appréciation de l’abondance de l’épanchement pleural
En fonction des études, 9 à 15 % des épanchements pleuraux postopératoires après chirurgie cardiaque sont considérés comme importants.
La radiographie pulmonaire est l’examen complémentaire le plus fréquemment utilisé pour apprécier la taille de l’épanchement. Un épanchement occupant plus de 25 % de l’hémithorax est considéré par la majorité des équipes comme un épanchement important.
L’échographie pleurale permet également le diagnostic de l’épanchement pleural avec une bonne sensibilité. La quantification de l’épanchement est déterminée en fonction de sa visualisation sur un ou plusieurs espaces intercostaux contigus. L’échographie permet, en cas de nécessité, de guider la ponction pleurale.
Indication de la fonction pleurale
L’importance de l’épanchement pleural, au-delà de 25 % de l’hémithorax, mais surtout son caractère symptomatique décidera de l’indication ou non de la ponction évacuatrice.
La dyspnée est le symptôme de mauvaise tolérance le plus fréquent, à évaluer en fonction des autres étiologies telles que l’anémie, l’insuffisance cardiaque et surtout les autres causes respiratoires (pneumonie, atélectasies, dysfonction diaphragmatique, pneumothorax, bronchospasme). La fièvre et la douleur thoracique sont moins fréquentes.
Les épanchements pleuraux importants sont à prédominance gauche, lymphocytaire dans un contexte le plus souvent d’épanchements pleuraux bilatéraux.
C’est le caractère abondant (plus de 25 % de l’hémithorax), symptomatique (dyspnée) et tardif de l’épanchement pleural qui incitera à décider de la ponction pleurale après réalisation d’une radiographie pulmonaire et d’une échographie pleurale qui servira si besoin pour le repérage de l’acte technique. La fréquence des ponctions pleurales à 6 semaines postopératoires d’une chirurgie cardiaque est de 5,9 %.
Si l’indication de ponction pleurale n’est pas retenue, la kinésithérapie respiratoire est instituée avec éventuellement un traitement anti-inflammatoire non-stéroïdien, si un syndrome inflammatoire biologique important est mis en évidence, avec contrôle régulier radiographique et/ou échographique.
La ponction pleurale diagnostique n’est pas préconisée à l’exclusion de la recherche d’une pathologie précise.
Une anticoagulation à plus de 2 fois le témoin fait reporter le geste en adaptant la dose de l’anticoagulant. Une infection cutanée est également une contre-indication temporaire.
Trois indications de ponctions :
• épanchement pleural > 25 % de l’hémithorax,
• caractère tardif (> 30 jours) de survenue,
• mauvaise tolérance avec dyspnée.
Conclusion
Après chirurgie cardiaque, 60 à 90 % des patients présentent un épanchement pleural, mais seulement 6 % d’entre eux devront être ponctionnés.
La survenue tardive de l’épanchement à plus de 30 jours, son caractère abondant occupant plus de 25 % de l’hémithorax et symptomatique avec dyspnée décideront de la ponction évacuatrice.
La grande majorité des épanchements pleuraux, surtout les plus précoces, disparaîtront spontanément grâce à la kinésithérapie respiratoire et à la gymnastique ventilatoire entreprises au mieux en centre de réadaptation cardiaque.
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