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Thérapeutique

Publié le 13 oct 2009Lecture 7 min

Recommandations actuelles concernant les bêtabloquants - Pour une utilisation périopératoire raisonnée

E. SAMAIN et S. PILI-FLOURY, Pôle d’Anesthésie Réanimation, Hôpital Jean Minjoz, CHU de Besançon, Université de Franche Comté, Besançon

Les bêtabloquants (BB) diminuent la consommation en O2 du myocarde par leurs effets inotrope et chronotrope négatifs et améliorent la perfusion des zones sous-endocardiques. Lors d’une stimulation adrénergique, ils peuvent limiter la déstabilisation des plaques d’athérome vulnérables, et élèvent le seuil d’arythmie. Au cours des 20 dernières années, la prévention par les BB des complications cardiovasculaires périopératoires a été largement explorée et, après une période d’enthousiasme, plusieurs études ont montré qu’ils ne sauraient représenter une thérapeutique universelle, adaptée à tous les patients. Le but de cette revue est de présenter les arguments d’une utilisation périopératoire raisonnée des BB.

Effet des BB sur la morbidité cardiovasculaire Les patients à haut risque À la fin des années 90, deux essais randomisés avaient montré un bénéfice des BB périopératoires sur la morbi-mortalité cardiovasculaire des patients à haut risque. Ces résultats étaient en accord avec une étude de cohorte qui montrait une réduction de mortalité hospitalière chez les patients traités par un BB, ayant un score de Lee > 2. Les patients à moindre risque Plusieurs études randomisées ont ensuite évalué l’intérêt des BB chez des patients à risque moins élevé. L’étude POBBLE n’a pas montré de supériorité du métoprolol par rapport au placebo chez 103 patients à faible risque opérés de chirurgie vasculaire infrainguinale. L’étude MaVS n’a pas non plus retrouvé d’efficacité du succinate de métoprolol par rapport au placebo chez 497 patients à faible risque (score de Lee ≤ 2 chez 90 % des patients) programmés pour une chirurgie vasculaire (10,2 versus 12 %, p = 0,57). L’étude DIPOM a inclus 921 patients diabétiques (âge > 39 ans, risque périopératoire intermédiaire) opérés en chirurgie générale, et n’a pas montré la supériorité du métoprolol administré de J-1 à J7 par rapport à un placebo. En 2008, l’étude multicentrique POISE a randomisé 8 351 pa-tients opérés en chirurgie générale, qui recevaient soit du succinate de métoprolol (100 mg par voie orale, 2 à 4 h en préopératoire puis à H6 postopératoire, puis 200 mg/j jusqu’à J30), soit un placebo. La dose était réduite en cas de PAS < 100 mmHg ou de bradycardie, mais il n’y avait pas d’objectif thérapeutique. Les critères d’inclusion étaient larges, ce qui a conduit à une hétérogénéité dans le profil de risque des patients (coronaropathie chez 43 % des patients). Les chirurgies vasculaire, viscérale et orthopédique représentaient environ 40, 20 et 20 % des cas. Une réduction significative du critère composé de mortalité de cause cardiaque (IDM ou arrêt cardiaque) a été observée dans le groupe BB (5,8 % vs 6,9 %, hazard ratio (HR) [IC 95 %] = 0,83 [0,70-0,99] ; p = 0,04). Cette réduction était principalement liée à une diminution de l’IDM non fatal (3,6 % vs 5,1%, HR = 0,70 ; p = 0,0007). Cependant, la mortalité totale a augmenté dans le groupe métoprolol (3,1 % vs 2,3 %, HR = 1,33 ; p = 0,03), de même que le taux d’AVC (1,0 % vs 0,5 %, HR = 2,17 ; p = 0,005). Pour 1 000 patients ayant le même profil de risque, le métoprolol a permis d’éviter un IDM chez 15 patients et une fibrillation auriculaire chez 7 d’entre eux, mais conduit à 8 décès supplémentaires et 5 AVC. Ces résultats sont en accord avec l’étude de Lindenauer et coll. qui montrait une absence de bénéfice des BB et un risque de mortalité accru chez les patients sans facteur de risque. Dans l’étude DECREASE IV, 1 066 patients à risque intermédiaire, ont reçu de la fluvastatine, du bisoprolol ou d’une combinaison des deux, en moyenne 34 jours avant une chirurgie non cardiaque. Les patients randomisés pour le bisoprolol (n = 533) ont eu une plus faible incidence de décès de cause cardiaque et d’IDM non fatal à 30 jours (2,1 % vs 6,0 %, HR = 0,34 [0,17-0,67] ; p = 0,002) comparativement aux témoins. La métaanalyse de Bangalore et coll. (23 essais contrôlés, dont POISE ; 12 306 patients) a montré que : les BB périopératoires ne réduisent pas la mortalité globale ou de cause cardiaque, ni les décompensations cardiaques, mais sont associés à une réduction de 35 % du risque d’IDM périopératoire (NNT = 63) et de 64 % du risque d’ischémie myocardique (NNT = 16) (figure 1). En revanche, le risque d’AVC est augmenté de 116 %. Figure 1. Principaux résultats de la métaanalyse de Bangalore et al. sur l’effet d’un traitement périopératoire par un bêtabloquant, en termes de mortalité globale, d’IDM, non fatal et de complications périopératoires ; 23 études randomisées contrôlées ont été incluses dans l’analyse, mais l’étude POISE, considérée comme ayant un faible biais, a un poids prépondérant dans les résultats. AVC : accident vasculaire cérébral. Effets adverses des BB Le risque d’hypotension artérielle et/ou de bradycardie excessive apparaît dans les études randomisées (POBBLE ou MaVS), notamment chez les patients à risque intermédiaire. Dans l’étude POISE, une hypotension artérielle était plus fréquente dans le groupe métoprolol que dans le groupe placebo (15 % vs 9,7 % ; RR = 1,55 [1,4-1,7]). Les métaanalyses des essais randomisés ont confirmé ce risque, avec un taux de bradycardie augmenté (OR = 3,13 [2,51-3,92] ; p < 0,0001 ; NNT = 8), ainsi que celui d’hypotension (OR = 1,69 [1,39-2,05] ; p < 0,0001 ; NNT = 11). Les conséquences en sont, en l’absence de mesure de correction, une augmentation de l’incidence des AVC périopératoires. Indications des BB périopératoires Patients coronariens connus L’insuffisance coronarienne est une indication des BB, indépendamment de toute intervention chirurgicale. Chez les coronariens non traités, un BB préopératoire est indiqué en cas d’épreuve d’effort ou de stress positif et peut être recommandé dans les autres cas. Patients à risque cardiovasculaire élevé ou intermédiaire Les patients à risque cardiovasculaire élevé ou intermédiaire peuvent bénéficier d’un BB périopératoire lorsqu’ils opérés de chirurgie à haut risque, notamment vasculaire. L’indication est plus discutable pour les chirurgies à risque intermédiaire. Les BB réduisent le risque d’IDM périopératoire, mais restent sans effet sur mortalité cardiovasculaire, voire sont responsables d’une augmentation de la mortalité globale et d’AVC. Cependant, le débat n’est pas clos, en raison de limites liées au choix de la molécule, de sa dose, de l’objectif thérapeutique, du moment du début du traitement et de la gestion de l’hypotension induite par le traitement. Lorsque ces patients sont opérés d’une chirurgie à faible risque, les BB ne sont pas indiqués, car sont sans effet bénéfique et exposent les patients au risque de mauvaise tolérance du traitement. Patients sans facteurs de risque cardiovasculaire périopératoire Les données récentes montrent que les patients à faible risque ne bénéficient pas d’un traitement par BB périopératoire et sont exposés à ses complications. Modalités pratiques Gestion d’un traitement habituel par un BB Le risque de sevrage doit conduire à poursuivre en périopératoire un BB prescrit pour une insuffisance coronaire. Le BB doit être administré avec la prémédication, à la dose habituelle, et repris dans les heures qui suivent l’intervention par voie orale. S’il existe un iléus postopératoire, la voie intraveineuse doit être utilisée en relais, car l’absorption du médicament administré dans une sonde nasogastrique n’est pas satisfaisante(17). La surveillance de la tolérance et de l’efficacité du traitement IV doit être assurée et justifie un ECG quotidien. Mise en route d’un traitement BB périopératoire La décision de débuter un traitement en préopératoire peut être prise par l’anesthésiste ou le cardiologue. Les modalités d’administration devraient faire l’objet d’un protocole écrit, établi entre cardiologues et anesthésistes. Lorsqu’un traitement a été débuté en préopératoire, un suivi cardiologique après la période périopératoire immédiate devrait être assuré. Les BB ‚1-sélectifs, sans activité sympathique intrinsèque tels que l’aténolol, le métoprolol et le bisoprolol doivent être privilégiés. Les données de la littérature ne permettent pas de déterminer le moment optimal de début du traitement, car des protocoles d’administration très différents ont été utilisés. Cependant, un délai préopératoire de 1 semaine à un mois facilite l’obtention d’une cible de FC adaptée. L’objectif thérapeutique du blocage bêta-adrénergique est un point majeur : dans l’étude de Feringa et coll., le contrôle strict de la FC par un BB a réduit l’incidence de l’ischémie myocardique, du pic de troponine T et a amélioré le devenir du patient. Cependant, l’objectif thérapeutique ne doit pas être dépassé, car il existe une morbidité liée à la survenue d’une bradycardie et/ou d’hypotension périopératoire. Un objectif de FC compris entre 60 et 70 bpm en l’absence d’hypotension artérielle peut être proposé. Par ailleurs, une surveillance périopératoire stricte des paramètres hémodynamiques doit être mise en place chez les patients bêtabloqués, pour corriger tout épisode d’hypotension ou de bradycardie marquées. Une fois débuté, le traitement doit être poursuivi en postopératoire immédiat, car il existe probablement un risque de sevrage (bien que celui-ci ait été moins bien étudié) à l’interruption brutale du traitement. Les mêmes recommandations que celles données pour la gestion d’un traitement habituel par un BB peuvent être formulées. La durée du traitement postopératoire n’est pas connue. L’existence d’événements cardiaques survenant à distance de la chirurgie incite à poursuivre le traitement pour au moins plusieurs mois. En pratique Le débat n’est pas clos L’utilisation systématique des bêtabloquants pour tous les opérés n’est pas démontrée. Chez les coronariens, les bêtabloquants sont le plus souvent indiqués, qu’il y ait un geste chirurgical ou non, ils seront poursuivis. Les patients à faible risque ne bénéficient pas d’un traitement bêtabloquant. Chez les patients à haut risque ou risque intermédiaire, les bêtabloquants peuvent être indiqués notamment en cas de risque chirurgical élevé (chirurgie vasculaire). En cas de traitement bêtabloquant, il faudra assurer la continuité du traitement, éventuellement par voie IV.

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