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Explorations-Imagerie

Publié le 28 sep 2010Lecture 8 min

Scanner cardiaque et bilan préopératoire : intérêt et limites

L. CHRISTIAENS, CHU de Poitiers

La recherche d’une éventuelle sténose coronaire est le plus souvent indispensable avant chirurgie cardiaque et peut s’avérer nécessaire avant une chirurgie extracardiaque. Le scanner multi-détecteurs est une excellente technique pour visualiser l’absence de sténose coronaire significative chez les patients en rythme régulier.

Son efficacité est prouvée avant chirurgie valvulaire cardiaque avec une valeur prédictive négative de l’ordre de 95 à 100 % pour une prévalence de la maladie coronaire évaluée à 30 % environ. Dans ce cadre, le scanner coronaire permet d’éviter une coronarographie conventionnelle chez plus de 70 % des patients. Son utilisation est également reconnue dans le cadre du bilan préopératoire des masses intracardiaques et avant une chirurgie cardiaque de type redux.

Du fait de la prévalence de la maladie coronaire chez les patients artéritiques, le scanner coronaire apparaît peu utile avant chirurgie vasculaire.

Le bilan cardiologique avant chirurgie nécessite régulièrement d’évaluer le réseau coronaire, soit par des tests ischémiques, soit par une imagerie morphologique, habituellement la coronarographie conventionnelle(1). Le scanner multi-détecteurs avec acquisition des images synchronisée à l’ECG, après injection périphérique de produit de contraste iodé, permet d’obtenir une coronarographie non invasive de bonne qualité chez les patients à rythme cardiaque régulier. Sa valeur prédictive négative est > 95 %, permettant de s’assurer de façon fiable de l’absence de sténose coronaire significative(2). Le scanner permet également d’obtenir au cours du même examen des informations sur la morphologie et la cinétique valvulaire, la fonction systolique ventriculaire, les diamètres de l’aorte thoracique et la disposition des pontages aorto-coronaires. Le scanner coronaire est donc indiqué lorsque l’on doit éliminer l’existence d’une coronaropathie avant chirurgie cardiaque, remplacement valvulaire ou exérèse chirurgicale de tumeur intra cardiaque(3). Son efficacité avant chirurgie extracardiaque reste actuellement plus discutée. Scanner coronaire avant chirurgie valvulaire cardiaque Plusieurs études permettent d’appréhender la place du scanner coronaire avant chirurgie valvulaire(4-11). Ces études concernent des séries de patients avec soit uniquement des rétrécissements aortiques, soit des valvulopathies variées. Dans la grande majorité des cas, les patients connus pour une coronaropathie ancienne sont exclus. En cas de rétrécissement aortique serré, la prévalence des lésions coronaires significatives est d’environ 30 %(6). Cette prévalence de la maladie coronaire dans des populations de valvulopathies chirurgicales variées est située entre 18 et 42 %, classiquement plus élevée dans les séries nord-américaines(4-11). Des douleurs d’allure angineuse sont rapportées par un patient sur 3 environ mais ni la symptomatologie ni les tests fonctionnels ne permettent de dépister de façon fiable les patients avec une authentique cardiopathie ischémique en cas de rétrécissement aortique serré(6). En cas de valvulopathie chirurgicale, une évaluation morphologique coronaire est recommandée dans la majorité des cas (tableau 1)(12). Les études préliminaires réalisées avec des scanners à 16 rangées de détecteurs avaient permis d’envisager la place du scanner coronaire dans ce bilan préopératoire des rétrécissements aortiques sévères, avec une valeur prédictive négative située entre 95 et 100 %, permettant de filtrer de façon fiable les patients qui nécessitent réellement une coronarographie(4,5,7). Pour l’équipe de Gilard et al. la coronarographie aurait donc pu être évitée chez plus de 77 % des patients(4). Dans des séries plus récentes réalisées avec des scanners à 64 rangées de détecteurs, l’efficacité du scanner coronaire pour dépister l’absence de lésion coronaire avant chirurgie valvulaire variée se confirme avec des valeurs prédictives négatives proches ou égales à 100 % (tableau 2). Dans une série prospective réalisée sur 237 patients consécutifs, la valeur prédictive négative du scanner est de 100 % pour le bilan de rétrécissement aortique ou d’insuffisance mitrale et de 96 % pour le bilan de rétrécissement mitral ou d’insuffisance aortique, malgré 16 % de patients en fibrillation auriculaire. Le scanner coronaire permet ainsi d’éviter le recours à la coronarographie chez 70 à 75 % des patients adressés pour bilan préopératoire d’une valvulopathie(4,6,8-10). Une anomalie de naissance coronaire peut parfois être découverte à cette occasion, permettant d’envisager une réimplantation au cours de la chirurgie valvulaire (figure 1). Figure 1. Scanner avant chirurgie de rétrécissement aortique serré. Naissance anormale de la coronaire droite avec trajet interaortico- pulmonaire (avant réimplantation chirurgicale) sans sténose significative. A : vue en mode VRT ; B: vue en mode MIP. Un premier filtrage des patients peut être obtenu en calculant le score calcique coronaire sur un scanner coronaire à faible irradiation et sans injection de produit iodé. Pour l’équipe de Gilard et al, 23 % des patients adressés pour bilan préopératoire de rétrécissement aortique présentent un score calcique coronaire > 1 000(4). Du fait de la prévalence importante des lésions coronaires significatives en cas de score > 1 000, il apparaît préférable que ces patients soient référés directement en coronarographie. Lorsque les patients avec score calcique> 1 000 sont exclus, le recours à la coronarographie n’apparaît nécessaire que pour 15 % des patients(4). Pour d’autres auteurs, cette valeur seuil du score calcique doit être abaissée à 400 pour obtenir le meilleur rendement diagnostique du scanner(10). Sur une série de 237 patients avec des valvulopathies diverses analysés en scanner à 64 rangées de détecteurs, 28 % des patients présentent un score calcique coronaire > 400(10). En dehors de ces valeurs brutes, il faudrait distinguer les patients avec des calcifications très localisées ou au contraire éparses sur un réseau de bon calibre, moins gênantes pour l’analyse. L’expérience des opérateurs reste primordiale. Le scanner coronaire avant remplacement valvulaire permet également d’évaluer la fonction systolique ventriculaire gauche, les volumes ventriculaires et les dimensions de l’aorte ascendante au cours de la même acquisition sans nouvelle irradiation ou injection supplémentaire de produit de contraste. Une évaluation morphologique et cinétique de la valve aortique et de la valve mitrale peuvent aussi être obtenues. Scanner coronaire avant chirurgie de type redux La chirurgie cardiaque chez un patient ayant des antécédents de pontage réalisé avec l’artère mammaire interne gauche se complique d’une lésion de ce pontage dans 5 à 7 % des cas, entraînant la survenue d’un infarctus ou du décès dans 50 % des cas(13-15). Le scanner cardiaque permet de bien appréhender la situation des pontages aortocoronaires par rapport au sternum et justifie sa réalisation dans cette indication (figure 3)(2). Lorsqu’il est réalisé avant l’intervention, l’approche chirurgicale est modifiée dans 80 % des cas(13). Figure 2. Apport du scanner coronaire à 64 rangées de détecteurs dans le bilan préopératoire en fonction de l’indication sur une série de 231 patients. Figure 3. Trajet des pontages aorto-coronaires par rapport au sternum chez un patient avec un pontage thoracique interne gauche en Y anastomosé à l’interventriculaire antérieure et à la diagonale, un pontage mammaire interne droit anastomosé à la coronaire droite et un pontage saphène anastomosé à la marginale gauche. Scanner coronaire avant chirurgie de tumeur intracardiaque En dehors de quelques cas rapportés dans la littérature, il n’y pas eu d’étude prospective analysant l’efficacité du scanner dans cette indication. Dans une série personnelle de 6 patients l’existence d’une sténose significative n’est retrouvée qu’une seule fois (figure 2). Habituellement la prévalence de la maladie coronaire est faible dans cette situation et le scanner coronaire est donc indiqué avant chirurgie d’une tumeur intracardiaque(2,3). Le scanner est la technique de choix pour analyser le réseau coronaire en cas de tumeur mobile de la valve aortique (figure 4). Il permettra par ailleurs de préciser la morphologie, le site d’implantation et l’extension éventuelle aux structures péricardiaques de la tumeur. Figure 4. Scanner et fibroélastome papillaire de la valve aortique. A: vue coronale B: vue axiale C; vue endo aortique. Scanner coronaire avant chirurgie extracardiaque La littérature est très pauvre en ce qui concerne l’utilisation du scanner coronaire avant chirurgie extracardiaque. Dans l’immense majorité des cas, le bilan avant chirurgie s’attache ici à rechercher une éventuelle ischémie myocardique par des tests fonctionnels(12). Le scanner coronaire n’est éventuellement pratiqué qu’en cas de test fonctionnel douteux avant une chirurgie à risque(3). Il n’est pas indiqué en cas de chirurgie à risque cardiaque faible. Avant chirurgie vasculaire à haut risque la priorité doit rester au bilan clinique et fonctionnel, en raison de la prévalence importante des sténoses coronaires dans cette population. Les études préalables avec coronarographie systématique se sont d’ailleurs révélées très décevantes. La priorité est donnée aux tests fonctionnels Dans notre série de 58 patients étudiés en scanner avant chirurgie vasculaire à risque, coronariens non exclus, près d’1 patient sur 2 a un score calcique coronaire > 1 000 et le reste des patients présente une sténose significative dans plus de 50 % des cas (figure 2). Seuls 17 % des patients ne présente pas de sténose significative en scanner dans ce groupe. La rentabilité du scanner coronaire dans cette indication apparaît donc limitée. Autres indications Le scanner coronaire peut se révéler très efficace dans le cadre du bilan préopératoire d’endocardite, notamment en cas de végétation mobile à proximité des ostia coronaires ou pour analyser l’extension d’un abcès du trigone (figure 5)(16). Le scanner permet également de bien visualiser dans le même temps les calcifications péricardiques et le réseau coronaire en cas de péricardite constrictive. Figure 5. Scanner cardiaque et endocardite. A et B : volumineux abcès compliquant une endocardite sur valve de Hall Kaster aortique (flèches) avec un réseau coronaire non sténosé. C : Végétation valvulaire aortique à proximité de l’ostium coronaire en systole (vue de type endoscopie virtuelle). Efficacité du scanner coronaire en préopératoire dans la « vie réelle » Dans notre centre, 9 % des scanners coronaires réalisés entre janvier 2006 et août 2007 ont été réalisés dans le cadre d’un bilan préopératoire, soit 231 patients sur 2 500 scanners. Les patients, 75 % d’hommes, sont âgés de 68 ± 12 ans et 5 % sont des coronariens documentés. Dans cette série, 54 % des scanners ont été réalisés avant chirurgie valvulaire cardiaque, 25 % avant chirurgie vasculaire, 12 % avant chirurgie extracardiaque, 6 % avant chirurgie de l’aorte ascendante et 3 % pour une tumeur intracardiaque. Un score calcique < 400 a été constaté chez 54 % des patients. L’absence de sténose coronaire significative a été constatée chez 50 % des patients avec des disparités importantes en fonction de l’indication du scanner (figure 2). La présence d’une sténose significative en scanner, > 50 %, est confirmée par la coronarographie dans 85 % des cas. Limites Même si quelques équipes utilisent le scanner chez des patients en fibrillation auriculaire(10), le scanner coronaire reste habituellement réservé aux patients en rythme cardiaque régulier, sans insuffisance rénale sévère et sans allergie aux produits de contraste iodés(3). Les études publiées ont été réalisées avec des protocoles standard d’acquisition des images de type acquisition rétrospective synchronisée à l’ECG. Ces protocoles ont le mérite de permettre d’analyser les coronaires sur plusieurs phases différentes du cycle cardiaque au détriment d’une irradiation évaluée entre 10 et 15 mSv. Les nouvelles techniques d’acquisition prospective sont très prometteuses car elles permettent de réduire l’irradiation à moins de 3 mSv, mais elles limitent l’analyse des coronaires à une fraction du cycle cardiaque. L’efficacité du scanner coronaire avec acquisition prospective des images dans le cadre du bilan préchirurgical reste à déterminer. Par ailleurs, le scanner coronaire reste un examen morphologique ne permettant pas d’évaluer précisément le retentissement ischémique d’une plaque ou d’une sténose coronaire. Cependant les tests fonctionnels peuvent également se révéler insuffisants dans le cadre d’un bilan préopératoire, notamment avant chirurgie valvulaire. En pratique En l’absence de coronaropathie ancienne, le scanner coronaire est une technique efficace pour s’assurer de l’absence de sténose coronaire significative dans le cadre du bilan préopératoire de chirurgie valvulaire cardiaque, permettant d’éviter une coronarographie chez environ 7 patients sur 10. Le scanner coronaire est indiqué avant chirurgie de tumeur cardiaque, avant chirurgie redux, après pontage aorto-coronaire et en cas d’endocardite sévère. Son intérêt dans le cadre du bilan avant chirurgie vasculaire à risque reste très limité et le scanner coronaire n’a pas sa place avant chirurgie extracardiaque à faible risque cardiaque.

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