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Coronaires

Publié le 20 fév 2007Lecture 7 min

Syndrome coronaire aigu : faut-il doser la CRP ?

P. GUÉRIN, CHU de Nantes

La protéine C-réactive est actuellement considérée comme un marqueur pronostique de la maladie athéroscléreuse. Son dosage peut permettre de stratifier les patients à risque lors de leur admission en unité de soins intensifs (USIC) pour un syndrome coronaire aigu (SCA).

La CRP : un marqueur inflammatoire La protéine C-réactive (CRP) est une protéine de la phase aiguë de l’inflammation. Sa dénomination est due à sa capacité à précipiter le polysaccharide C contenu dans la membrane du pneumocoque. D’autres ligands peuvent activer la CRP qui agit en activant la voie classique du complément, en stimulant la phagocytose et en se liant aux récepteurs aux immunoglobulines. Si la plus grande partie de la synthèse de CRP provient des hépatocytes (essentiellement sous l’action de l’IL6), il existe également une synthèse vasculaire, particulièrement dans les plaques d’athérome. Le taux sérique physiologique de CRP est habituellement < 5 mg/l et un taux supérieur signe un état inflammatoire. Les techniques usuelles ne permettent pas de détecter des taux de CRP < 5 mg/l qui nécessitent des techniques ultrasensibles (CRP ultrasensible : CRP-hs [high-sensitivity]). La démonstration du rôle pathogénique majeur de l’inflammation locale et générale dans le développement et l’évolution de l’athérosclérose, a naturellement conduit les cardiologues à rechercher des marqueurs de ce processus inflammatoire. Plusieurs grandes études épidémiologiques ont montré qu’un taux élevé de CRP-hs était un marqueur prédictif d’événements cardiovasculaires primaires et secondaires, indépendamment des facteurs de risque tels que le diabète, le tabac, l’hypercholestérolémie, l’hypertension artérielle… En 2003, l’American Heart Association a proposé la stratification suivante du risque cardiovasculaire en fonction du taux de CRP-hs : le taux de CRP-hs pourrait prédire la sévérité et le pronostic de la maladie athéroscléreuse : • risque faible : < 1 mg/l, • risque intermédiaire : entre 1 et 3 mg/l, • risque élevé : > 3mg/l.   La CRP-hs : un marqueur de gravité de SCA ? Il est démontré que le taux de CRP-hs est influencé par les facteurs de risque cardiovasculaire : l’âge, l’obésité, le tabac et l’hypertension artérielle l’augmentent (en revanche, son taux semble indépendant du profil lipidique). Cependant, la CRP-hs reste un marqueur indépendant du risque cardiovasculaire chez les sujets sains, qui permet de sélectionner les sujets à risque et de définir la population qui bénéficiera le plus des thérapeutiques préventives (aspirine, statine). Mais la CRP-hs n’est pas exclusivement un marqueur de gravité de la maladie athéroscléreuse ; elle est également un acteur qui en favorise le développement. Il est démontré que la CRP favorise l’oxydation des « low-density lipoprotéines » LDL et l’activation du complément. La CRP favorise l’expression cellulaire de protéines d’adhésion, le recrutement de monocytes dans la paroi vasculaire, la capture du LDL oxydé par les macrophages, et augmente l’expression des récepteurs AT1 à l’angiotensine. La CRP-hs n’est pas exclusivement un marqueur de gravité de la maladie athéroscléreuse, mais également un acteur qui en favorise le développement. L’association entre le taux de CRP-hs et le pronostic cardiovasculaire a été initialement décrite dans le syndrome coronaire aigu (SCA). Les patients en angor instable dont le taux sérique de CRP-hs était > 3 mg/l présentent plus de récidives d’épisodes ischémiques que ceux dont le taux est < 3 mg/l. Plusieurs autres études ont confirmé l’intérêt pronostique du dosage de la CRP-hs pour prédire le risque de complications à court et long termes dans cette population. Ainsi, la sous-analyse de l’étude TIMI 11A de Morrow (infarctus du myocarde non Q) démontre la corrélation entre le taux de CRP-hs à l’arrivée du patient et la mortalité à J14. Néanmoins, dans l’étude CAPTURE (Chimeric Anti-Platelet Therapy in patients with Unstable angina REfractory to standard medical treatment), il est montré que, chez le patient en SCA, seule la troponine T (TnT) est un marqueur d’événement cardiovasculaire durant les 72 premières heures. La CRP-hs n’apparaît que comme un facteur prédictif d’événement cardiovasculaire ou de nouveau geste de revascularisation percutané ou chirurgical, dans les 6 mois de suivi. L’étude FRISC (FRagmin during InStability in Coronary artery disease) confirme l’intérêt pronostique des taux de CRP-hs et de TnT comme facteurs pronostiques de mortalité cardiovasculaire à long terme après un SCA (à 4 ans, la mortalité cardiovasculaire variait de 7,8 % avec un taux de CRP entre 2 et 10 mg/l, à 16,5 % avec une CRP > 10 mg/l). Les deux marqueurs de risque semblent indépendants mais cumulatifs. La CRP-hs et la troponine T sont des marqueurs de risque indépendants mais cumulatifs de mortalité cardiovasculaire après un SCA.   La CRP-hs dans l’infarctus du myocarde L’intérêt pronostique du taux de CRP-hs chez les patients hospitalisés pour un infarctus du myocarde est moins clair. Une revascularisation précoce permet de limiter la taille de l’infarctus et donc la réaction inflammatoire induite. Ainsi, un taux élevé précoce de CRP ou de TnT après thrombolyse, traduit un infarctus étendu avec un risque élevé de mortalité à 6 mois. Néanmoins, même lorsque la fraction d’éjection du ventricule gauche est conservée, il semble que le taux précoce de CRP-hs soit un bon marqueur pronostique après infarctus dans la maigre série de Tommasi (64 patients). À distance de l’épisode aigu, l’étude CARE (Cholesterol And Recurrent Events trial) a montré que le taux de CRP dosé 3 à 20 mois après l’infarctus, est corrélé au risque de décès d’origine cardiovasculaire ou de récidive d’accidents coronariens durant les 5 ans de suivi. Un traitement par la pravastatine a permis d’abaisser le taux sérique de CRP et de diminuer le risque d’accidents cardiovasculaires. Néanmoins, dans l’étude THROMBO (Thrombogenic Risk Factor) qui a suivi 1 045 patients durant 2 ans, il est montré que le taux de CRP-hs dosé 2 mois après l’infarctus n’apparaît pas comme un marqueur de risque d’événement cardiovasculaire majeur, après ajustement sur des éléments tels que la fraction d’éjection ou la présence de signes d’insuffisance cardiaque. L’intérêt du dosage précoce de la CRP-hs comme marqueur pronostique après infarctus du myocarde reste discuté.   La CRP-hs : un indice pronostique pour l’angioplastie ? Le taux de CRP-hs et certains éléments cliniques et angiographiques apportent des informations pronostiques sur le résultat de l’angioplastie coronaire percutanée avec implantation d’une endoprothèse conventionnelle. Une étude de Chew en 2001 (727 patients) a montré qu’un taux élevé de CRP-hs est un élément prédictif de complications de l’angioplastie à 30 jours (infarctus ou décès) (3,9 % si le taux de CRP < 1,6 mg/l vs 14,2 % si CRP > 10 mg/l). Ce marqueur de risque est indépendant mais cumulatif avec le score lésionnel défini par l’ACC/AHA. Dans une population de 501 pa-tients, De Winter obtient des résultats similaires et démontre qu’un taux élevé de CRP-hs est un meilleur marqueur pronostique après angioplastie, que le diabète, l’hypertension artérielle ou la classe lésionnelle de l’ACC/AHA. Le même auteur confirmera ces résultats chez 1 458 patients ayant bénéficié d’une angioplastie réglée ou urgente avec implantation d’une endoprothèse sur un suivi de 14 mois. Un taux élevé de CRP-hs est un facteur prédictif indépendant de décès ou d’infarctus non fatal mais n’influence pas le taux de réinterventions sur une resténose. Dans une population de 1 042 patients présentant un SCA et bénéficiant d’une angioplastie avec pose d’un ou de plusieurs stents, Mueller démontre que la mortalité hospitalière et à long terme (suivi moyen de 20 mois) est 4 fois plus importante lorsque le taux de CRP-hs à l’admission est > 10 mg/l. Si l’impact du taux de CRP-hs sur le phénomène de resténose intrastent est discuté selon les études, il semble qu’un taux élevé de CRP favorise la thrombose intrastent. Dans une étude récente incluant 381 patients bénéficiant d’une angioplastie en phase aiguë d’un infarctus du myocarde, Katayama retrouve un taux significativement plus élevé de CRP-hs dans le groupe des patients qui développent une thrombose intrastent. Ces résultats sont confirmés par Ijsselmuiden dans une série de 400 patients bénéficiant d’une angioplastie programmée. Un taux élevé de CRP est un facteur prédictif, à court et long termes, de thrombose de stent, d’accident cardiovasculaire et de mortalité après angioplastie.   La CRP en pratique   Le dosage de la CRP-hs doit faire partie du bilan d’entrée aux soins intensifs lors d’une hospitalisation pour SCA. La CRP-hs est, en effet, un important marqueur de risque d’événement cardiovasculaire chez ces patients. L’AHA propose une stratification du risque d’événement cardiovasculaire en fonction du taux sérique de la CRP-hs : - risque faible < 1mg/l, - intermédiaire entre 1 et 3 mg/l, - risque élevé > 3mg/l. L’intérêt de ce dosage est plus discuté lors d’un infarctus du myocarde car la nécrose est par elle-même pourvoyeuse d’un syndrome inflammatoire pouvant expliquer la hausse du taux sérique de CRP-hs ; d’autres marqueurs fiables sont couramment dosés (TnT). Ce dosage paraît justifié chez tous ces patients à leur entrée aux USIC pour lesquels une revascularisation par angioplastie avec implantation d’une endoprothèse est courante. En effet, un taux sérique de CRP-hs > 10 mg/l expose le patient à une surmortalité et à plus de complications cardiovasculaires, notamment de thrombose de stent, ce qui doit inciter à différer les angioplasties non urgentes.

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