Publié le 14 fév 2006Lecture 8 min
Un gilet défibrillateur : la LifeVest
A. BELIN, Trouville
Le défibrillateur implantable (DAI) constitue le traitement de choix de la mort subite d’origine rythmique. toutefois, l’implantation généralisée de ce dispositif chez l’insuffisant cardiaque à risque est freinée pour de multiples raisons.
En outre, le défibrillateur ne répond pas aux besoins de certains patients ayant une indication temporaire. Le gilet défibrillateur pourrait, à cet égard, se montrer utile.
La mort subite se définit par un décès survenant dans l’heure suivant le début des premiers symptômes ; la plupart des morts subites sont instantanées et d’origine rythmique (tachycardie ventriculaire rapide et/ou fibrillation ventriculaire), dont le traitement est le choc électrique.
Plusieurs facteurs déterminent les chances de succès du choc électrique
Le délai d’application du choc après le début du trouble du rythme : avec le défibrillateur implantable, le premier choc survient 20 secondes après la reconnaissance par l’appareil du trouble du rythme létal et peut être répété si besoin. Le taux de succès du défibrillateur est d’environ 99 %, un taux bien supérieur aux résultats constatés dans les études sur la défibrillation externe en milieu extrahospitalier au moyen de défibrillateurs semi-automatiques, essentiellement en raison de la rapidité d’application des chocs.
Le type de choc appliqué pour réduire le trouble du rythme : l’utilisation d’ondes de courant biphasique permet une réduction de l’énergie nécessaire à la défibrillation et une efficacité supérieure. Des chocs biphasiques de 150 J apparaissent plus efficaces que des chocs monophasiques d’intensité croissante de 200 à 300 J. Les chocs biphasiques répondent aux recommandations de l’American Heart Association en matière de défibrillation externe.
L’insuffisance cardiaque par dysfonction ventriculaire gauche quelle qu’en soit l’étiologie (ischémique ou non) qui reste, malgré les progrès thérapeutiques, une maladie grave : 40 % des décès sont liés à une mort subite d’origine rythmique dans cette population.
Les grands essais sur le DAI
Les dernières études publiées, en prévention primaire de la mort subite, notamment MADIT II et SCD HeFT sur des populations d’insuffisants cardiaques, ont démontré une efficacité supérieure du défibrillateur implantable en comparaison au seul traitement médical. Tout insuffisant cardiaque ayant une fraction d’éjection ventriculaire gauche très altérée (< 30 % dans MADIT II, < 35 % dans SCD HeFt) devrait donc bénéficier d’un défibrillateur implantable.
La prudence des recommandations
Les recommandations des sociétés savantes et en particulier la Société européenne de cardiologie restent pourtant prudentes pour plusieurs raisons :
• économiques, le coût moyen d’un défibrillateur implantable est de l’ordre de 12 000 euros, hors frais d’hospitalisation pour l’intervention. On estime à environ 1 million le nombre d’insuffisants cardiaques en France. Environ 20 % de cette population répondraient aux critères des grandes études sur le bénéfice du défibrillateur, soit 200 000 au minimum ;
• le défibrillateur implantable ne permet pas une réduction du coût des nombreuses réhospitalisations pour poussées d’insuffisance cardiaque ;
• le suivi médical de ce type de patient est lourd avec des consultations extrêmement spécialisées et fréquentes (interrogation et surveillance du défibrillateur et de l’état de la batterie) ;
• aucun paramètre fiable ne permet d’identifier, parmi les patients ayant une dysfonction ventriculaire gauche sévère, les candidats à la mort subite. Selon MADIT II, 11 défibrillateurs doivent être implantés pour sauver un malade.
Les indications temporaires
Certains patients présentent une indication temporaire de défibrillateur implantable :
• les patients en cours d’exploration de trouble du rythme ventriculaire et/ou restant hospitalisés en attente d’examens complémentaires, ou patients en évaluation thérapeutique ;
• les patients porteurs d’un défibrillateur implantable ayant dû être explantés pour infection de la loge ou des électrodes. La réimplantation d’un nouveau matériel ne peut être envisagée qu’au terme d’un traitement antibiotique prolongé ;
• les patients en attente de transplantation cardiaque, ayant une insuffisance cardiaque grave et réfractaire au traitement médical. Il s’agit de sujets jeunes (< 65 ans), sans polypathologies invalidantes, et particulièrement à risque de mort subite.
Chez ces patients à risque, il est proposé soit :
• l’implantation d’un défibrillateur implantable (technique invasive et onéreuse pour une période thérapeutique limitée) ;
• une hospitalisation continue pour surveillance du fait de troubles du rythme menaçants ;
• un retour à domicile sous traitement médical, sans couverture du risque de mort subite.
La LifeVest™ portée par le patient.
Qu’est-ce que la LifeVest™ ?
L’ensemble de ces patients pourrait donc bénéficier d’un défibrillateur portable provisoire type LifeVest™ assurant un choc électrique biphasique dès la reconnaissance de la tachycardie ventriculaire rapide ou de la fibrillation ventriculaire par l’appareil.
Les algorithmes et le délai de reconnaissance du trouble du rythme létal utilisé par la LifeVest™ sont identiques à ceux utilisés par les défibrillateurs implantables.
Ce matériel a été approuvé par la FDA (Food Drug Administration) et a obtenu la certification CE (Communauté Européenne) iso 9000. Il est à ce jour déjà utilisé dans 10 centres hospitaliers universitaires en Allemagne, 5 en Suède et 1 en Espagne. La LifeVest™ est commercialisée en France par IST cardiology, (Herouville-Saint-Clair). Une demande de « TIPS » (Tarif Interministériel des Prestations Sanitaires) est en cours.
Les hospitalisations pour surveillance rythmique pourraient être évitées. Avec ce procédé, on peut donc attendre du port de la LifeVest™, outre une diminution du coût de la prise en charge, une amélioration de la qualité de vie du patient.
- La LifeVest™ (« Veste de Survie ») est un défibrillateur personnel, intégré à une veste portée par le patient à haut risque de mort subite. Elle se compose de deux éléments principaux : un harnais et un moniteur (photos). Le harnais, léger, confortable, porté sous les vêtements, contient quatre électrodes non adhésives qui enregistrent l’électrocardiogramme (ECG) du patient en continu et deux plaques de défibrillation permettant la délivrance de choc « antéropostérieurs ». Le moniteur, de la taille d’un petit livre, est accroché à la ceinture ou porté en bandoulière. Ce moniteur analyse en permanence l’ECG du patient.
Si le patient développe un trouble du rythme de type tachycardie ventriculaire rapide ou fibrillation ventriculaire, le moniteur émet une alarme pour vérifier que le patient ne réagit plus :
• si le patient est conscient, il a le temps de réagir en appuyant sur deux boutons pour stopper la séquence thérapeutique ;
• s’il ne réagit pas, l’appareil avertit l’entourage du patient qu’un choc électrique est sur le point d’être délivré.
Si l’arythmie persiste et que le patient ne répond toujours pas, le choc est délivré par les plaques de défibrillation du harnais.
En cas de succès du choc, l’alarme cesse et la LifeVest™ reprend son mode de surveillance habituel.
Si l’arythmie persiste, le cycle thérapeutique de choc se renouvelle. Jusqu’à cinq chocs biphasiques de 150 joules peuvent être délivrés.
Les patients transmettent l’information de leur appareil à l’équipe médicale en charge de leur LifeVest™ par téléphone. Les données enregistrées par le moniteur de la LifeVest™ (durée du port de la veste, enregistrements automatiques et manuels) sont envoyées à une base de données sécurisée, partie intégrante du site web « LifeVest™ Network ».
- La LifeVest™ est portée sur le corps (photos). Après avoir enfilé le harnais et une courte formation, le patient peut regagner son domicile. La qualité de vie est immédiatement transformée.
- Les harnais sont à patient unique. En revanche, les électrodes et le moniteur sont réutilisables pour d’autres patients (lorsque le précédent patient a été transplanté par exemple). Le moniteur possède deux batteries rechargeables sur secteur, chacune d’une capacité d’au moins 24 heures.
Système LifeVest™ : harnais (A), moniteur (B), système d’alarme (C) et ceinture avec électrodes (D).
Module d’alarme, avec boutons de réponse.
Si le patient est conscient lorsque l’alarme se déclenche, le patient peut prévenir le choc par une pression simultanée des 2 boutons de réponse.
Électrode thérapeutique, avec les packs de gel conductif. Si le patient est inconscient lorsqu’une alarme se déclenche, les électrodes vont émettre une couche de gel conductif avec la délivrance du choc par la LifeVest™.
Quelle est l’efficacité de la LifeVest™ ?
S. Reek, dans une étude parue publiée en 2003, a confirmé l’efficacité des chocs appliqués par la LifeVest™ sur des troubles du rythme ventriculaire déclenchés au laboratoire d’électrophysiologie. Le délai moyen entre le début du trouble du rythme et le choc a été de 22 secondes. Le trouble du rythme déclenché a été réduit dès le premier choc de 70 ou 100 joules. En pratique il est recommandé de programmer des chocs de 150 joules.
En clinique, l’efficacité de la LifeVest™ a été reconnue dans une autre étude ayant inclus 289 patients, 177 dans l’étude WEARIT (fraction d éjection < 30 %, stade III ou IV de la NYHA ) et 112 patients de l’étude BIROAD (patients ischémiques à haut risque et en cours d’évaluation). En 901 mois d’utilisation de la LifeVest™, 8 morts subites rythmiques sont survenues, 6 ont été réduites, les deux échecs étaient dus à un port incorrect de la LifeVest™ (électrodes mal positionnées) ; 6 chocs inappropriés sont survenus (0,67 par mois d’utilisation).
Sous réserve d’une bonne utilisation, la LifeVest™ paraît donc efficace et bien tolérée.
L’expérience du CHU de Caen
- Au début de l’année 2005, le CHU de Caen a pu acquérir deux LifeVest™ grâce à une subvention de la Caisse nationale d’assurance maladie.
- Trois patients en attente de transplantation cardiaque ont pu bénéficier de cet appareillage, depuis février 2005.
- Au 31 août 2005, on comptabilise 348 jours de port de la LifeVest™ (202, 88, 58 jours) :
• L’observance du port de la LifeVest™ a été bonne, supérieure à 90 % du temps écoulé depuis l’appareillage, respectivement 91 %, 94 %, 98 %.
• Aucun problème cutané, ni aucune plainte concernant l’appareil n’a été rapportée par les patients.
• La seule difficulté pratique rencontrée a été l’adaptation de la partie textile de l’appareil à une patiente obèse (1,50 m pour 73 kg).
• Aucune thérapie n’a été délivrée à ce jour. Aucun trouble du rythme ventriculaire sévère n’est survenu chez ces patients.
• L’utilisation du défibrillateur portable a permis le retour à domicile des patients huit jours après la mise en place (une semaine paraît nécessaire à l’apprentissage du fonctionnement de l’appareil). Ces patients étaient auparavant hospitalisés en moyen séjour cardiologique pour surveillance rythmique. Compte-tenu des réhospitalisations pour insuffisance cardiaque, 280 jours d’hospitalisation ont pu être évités.
En pratique
Le port permanent de la LifeVest™ apparaît bien toléré et bien accepté par les patients.
Aucun problème technique majeur n’a été constaté. L’efficacité semble satisfaisante.
La LifeVest™ représente donc une alternative thérapeutique possible au défibrillateur implantable, du moins chez des patients ayant une indication temporaire ou en cours d’évaluation.
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