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Explorations-Imagerie

Publié le 18 sep 2007Lecture 9 min

Valves cardiaques : une nouvelle application du scanner multicoupes

E. BOUVIER, Clinique Ambroise Paré et Centre Hospitalier de Neuilly-sur-Seine J.-L. SABLAYROLLES, J. FEIGNOUX et J.-M. TREUTENAERE, Centre Cardiologique du Nord, Saint-Denis

S’il est un outil prometteur pour le diagnostic et le suivi de lésions coronariennes, le scanner est aussi un examen morphologique complet du cœur, qui permet notamment une étude anatomique valvulaire complète. Dès à présent, et en complément à l’échographie-Doppler cardiaque transthoracique systématique, celui-ci permet de diagnostiquer et de quantifier certaines sténoses ou insuffisances valvulaires, certaines dysfonctions de prothèses, de préciser leurs mécanismes et étiologie, d’apprécier leur retentissement et de compléter leur bilan préthérapeutique, notamment chirurgical.

    Considérations techniques Après une injection de 100- 120 ml de produit de contraste iodé, l’acquisition spiralée est réalisée en 7 à 25 secondes (selon la génération de scanner), et génère 2 000 à 2 500 images. L’étude sur la station de post-traitement permet de visualiser le cycle cardiaque par pas de 5 à 10 % du cycle R-R, avec une liberté absolue de choix du plan de coupe dans l’espace et la possibilité de rendus 3D et de navigation virtuelle.   Rétrécissement aortique Les premières études remontent à l’époque de l’Imatron®, le scanner à faisceau d’électrons ; sur des examens non injectés, elles mettaient en évidence la corrélation entre la quantité de calcium dans la valve aortique et la planimétrie en échographie. L’injection de produit de contraste permet de visualiser également la composante tissulaire du RA et donc de réaliser une planimétrie analogue à l’ETO ou l’IRM. L’avènement des scanners spiralés a permis un gain majeur en résolution spatiale (désormais autour de 0,5 mm dans toutes les dimensions) et en contraste. Cette valvulopathie se prête particulièrement à l’étude par scanner pour 2 raisons : l’épaississement des feuillets et des calcifications, une limitation de la mobilité valvulaire compense la résolution temporelle encore modeste de la technique (figure 1). L’examen précise la sévérité et l’extension des lésions, notamment vers le septum et l’anneau mitral ; il met en évidence une éventuelle bicuspidie (figure 2). Figure 1. Rétrécissement aortique : rendus 2D obliques et 3D volumiques, permettant le diagnostic positif et la planimétrie, la quantification et la localisation des calcifications. Figure 2. Bicuspidie aortique : sténosante et calcifiée à gauche, non sténosante à droite. La comparaison directe du scanner à l’échographie (figure 3) confirme ses qualités : fiabilité, reproductibilité, absence de différence significative entre opérateur expert et débutant (contrairement à l’échographie), absence de perturbation de la mesure par les calcifications, étude aisée de l’ensemble de l’axe éjectionnel (chambre de chasse VG, valve, Valsalva, aorte thoracique ascendante), analyse simultanée du réseau coronaire, notamment de la position des ostia et de l’aorte ascendante en vue d’une chirurgie. Figure 3. Corrélation entre scanner et échographie 2D pour la quantification du rétrécissement aortique : r = 0,87. L’étude valvulaire directe par planimétrie évite les interférences avec une fuite aortique, une CMO ou un bas débit cardiaque ; aucune erreur de calcul liée à une mesure erronée de la chambre de chasse ou un mauvais alignement Doppler n’est possible comme en échographie. Le retentissement sur les cavités cardiaques est analysé simultanément : diamètres et volumes ventriculaires, FEVG, masse VG, dilatation atriale et des veines pulmonaires. Néanmoins, le scanner n’offre pas une analyse hémodynamique comme l’écho-Doppler et sa valeur diagnostique dans les cas de bas débit associé reste à préciser. Le diagnostic différentiel avec un rétrécissement sous-aortique ou une cardiopathie hypertrophique obstructive est également possible. Enfin, le scanner offre des perspectives intéressantes pour la préparation des procédures d’implantation des endoprothèses valvulaires percutanées.   Rétrécissement mitral La difficulté majeure de la quantification d’un RM en échographie bidimensionnelle est l’identification précise du plan valvulaire passant à la pointe des feuillets, donc de l’orifice mitral minimum. Le scanner cardiaque, examen tridimensionnel, offre une liberté absolue du plan de coupe a posteriori et rend cette étape beaucoup plus facile. De façon analogue au RA, l’épaississement par fibrose et calcification est responsable d’une limitation de la mobilité valvulaire, particulièrement propice à l’étude par scanner (figure 4). Outre l’apport au diagnostic positif et à la quantification, le scanner peut préciser le degré de fusion commissurale et surtout la présence, la topographie et l’extension des calcifications, ainsi que l’atteinte de l’appareil sous-valvulaire (épaississement et raccourcissement des cordages). Sa limite principale est la présence d’une fibrillation auriculaire qui compromet actuellement la planimétrie (mais pas le diagnostic positif ou le bilan préthérapeutique). Figure 4. Rétrécissement mitral : rendu 2D oblique épais. L’examen de l’oreillette et de l’auricule gauches permet également de rechercher un thrombus. Une étude récente a confirmé la fiabilité du scanner pour la planimétrie du RM, sa reproductibilité, son opérateur-indépendance (1 radiologue non entraîné = 1 échographiste expérimenté !). Les auteurs proposent son utilisation en recours diagnostique dans les situations échographiquement difficiles (échogénicité médiocre) et dans les centres n’ayant pas une grande habitude de l’évaluation du RM.   Insuffisance aortique L’excellente résolution spatiale des scanners modernes permet le plus souvent de mettre en évidence le défaut de coaptation diastolique, sur des feuillets immobiles, notamment lorsque celui-ci est central (figure 5). L’expérience montre que la quasi-totalité des fuites > grade 2 est visible, et l’essentiel des fuites de grade 2 centrales. Des études sont en cours pour valider ces possibilités diagnostiques. Figure 5. Insuffisance aortique : en haut systole, en bas diastole. Une estimation du volume régurgité peut être fournie par la méthode des volumes ventriculaires, de façon analogue à l’IRM (différence entre les débits droit et gauche, en l’absence d’autre valvulopathie). Plus intéressant, le scanner permet une étude fine du mécanisme : rétraction et épaississement des feuillets, bicuspidie, maladie annulo-ectasiante, anévrysme de l’aorte ascendante, dissection aortique (précisant la position des ostia coronaires), endocardite et/ou abcès annulaire. Cela est particulièrement pertinent avant une intervention de remplacement valvulaire.   Insuffisance mitrale La finesse et la grande mobilité des feuillets valvulaires mitraux rendent plus complexe l’étude de cette valvulopathie. Le volume régurgité peut être estimé de façon analogue à l’IA. Encore une fois, le scanner est surtout informatif pour l’étude du mécanisme et la préparation de la chirurgie : topographie des lésions valvulaires (épaississement, calcifications, prolapsus, végétations), cordages (épaississement, rétraction), muscles papillaires (nécrose avec un aspect d’hypodensité relative, rétraction, calcification, rupture, dysfonction, malposition), cavité ventriculaire gauche (dilatation de la cavité et/ou de l’anneau mitral, asynergie de contraction, dysfonction globale et/ou locale, ectasie ou anévrysme), retentissement sur les autres cavités (figure 6). Figure 6. Insuffisance mitrale : 2D obliques, permettant de visualiser la coaptation mitrale en systole et d’étudier l’appareil sous-valvulaire mitral. Valvulopathies droites L’étude de la valve pulmonaire s’apparente beaucoup à celle de la valve aortique, permettant de documenter sténoses congénitales, lésions rhumatismales ou endocarditiques, avec la possibilité de planimétrie en systole ou en diastole. La tricuspide, très fine et très mobile, est plus difficile à analyser en raison d’un contraste particulièrement hétérogène lié au mélange dans l’OD du sang opacifié (issu de la veine cave supérieure) et du sang non opacifié (issu de la veine cave inférieure). La présence de matériel prothétique (sondes de pacemaker, cathéter central, anneau prothétique tricuspide) est particulièrement évidente au scanner et, malgré les artefacts générés, le lien de causalité avec certaines dysfonctions valvulaires peut être étudié. Le retentissement sur les dimensions (dont l’anneau tricuspide) et la fonction contractile du ventricule droite est appréciable ; l’étude du ventricule droit est en fait plus aisée qu’en échographie, s’apparentant aux qualités diagnostiques de l’IRM.   Prothèses valvulaires La surveillance des prothèses valvulaires biologiques sans armature, des homogreffes ou des interventions de Ross s’apparente à l’étude des valves natives. Celle des prothèses mécaniques ou des bioprothèses avec armature est spécifique, en raison des artefacts générés par les hautes densités du métal ou du carbone. Pour les valves mécaniques, quelle que soit leur position, l’intérêt du scanner combine les qualités du radiocinéma de valve pour l’étude de la prothèse elle-même (type de prothèse, position et mobilité des ailettes, du disque ou de la bille au cours du cycle cardiaque) et celles de l’échographie cardiaque 2D pour l’étude de son environnement (insertions notamment, végétation, thrombose) (figure 7). Pour les bioprothèses avec armature, l’extension des artefacts est très variable selon les cas et perturbe davantage l’étude des cusps que celle des insertions (figure 8). Dans les deux cas, ces artefacts sont mobiles au cours du cycle cardiaque, globalement moins marqués que la reverbération dont est victime l’échographie cardiaque et de topographie différente, rendant ces deux examens remarquablement complémentaires dans les situations échographiques difficiles. Le scanner permet le diagnostic de dysfonctions par dégénérescence de bioprothèse ou par thrombose, de désinsertions (figure 9) ou d’endocardites (végétations, abcès). Contrairement à l’IRM, le scanner n’est pas contre-indiqué par la présence d’une prothèse valvulaire métallique (ou d’un pacemaker). Figure 7. Prothèses valvulaires mécaniques à ailettes : 3D volumique à gauche et 2D oblique à droite, permettant d’apprécier la mobilité des ailettes. Figure 8. Prothèses valvulaires : bioprothèse d’anatomie normale en haut à gauche ; dégénérescence calcifiante de bioprothèse en haut à droite (3D) ; prothèse à ailette en position ouverte en bas à gauche ; prothèse à bille en position fermée en bas à droite. Figure 9. Désinsertions de prothèses : à gauche, localisée sur prothèse mécanique ; en haut à droite, localisée sur bioprothèse ; en bas à droite, désinsertion large sur de nombreuses logettes détergées d’abcès périprothétique. Endocardites et tumeurs valvulaires En échographie, la présence d’une lésion tissulaire appendue à une valve ou à son appareil sous-valvulaire fait évoquer les diagnostics de végétation endocarditique, de tumeur valvulaire, voire de thrombose (notamment pour les prothèses). Si sa sensibilité ne rivalise pas avec l’ETO, le scanner apporte des informations morphologiques complémentaires utiles au diagnostic et à la surveillance : dimension, mobilité, insertion, notamment sur les prothèses mécaniques particulièrement artefactées en échographie, réhaussement de la lésion entre les acquisitions précoces et tardives (le réhaussement est en faveur d’une tumeur, tel un fibroélastome). Les abcès endocarditiques des anneaux valvulaires ou à l’insertion d’une prothèse sont visualisés sous la forme d’une zone épaissie et relativement hypodense en raison de l’œdème tissulaire, ce qui permet le diagnostic positif, de siège et d’extension. Les formes détergées et fistulisées sont visibles grâce à l’opacification de la cavité par le produit iodé. L’expérience montre que le scanner est particulièrement adapté à la surveillance de ces lésions, permettant un dialogue plus aisé avec le chirurgien cardiaque (figure 10). Les désinsertions prothétiques sont visualisées sous la forme de solutions de continuité dans le tissu périprothétique (éventuellement associé à une végétation), permettant diagnostic, mesure, surveillance et discussion thérapeutique. Figure 10. Endocardite : à gauche, volumineuse végétation endocarditique d’une prothèse valvulaire mécanique mitrale, au contact d’une des ailettes ; à droite, deux exemples d’abcès détergés sur valve native et sur prothèse mécanique. Conclusion Le scanner cardiaque est une technique en développement rapide ; de nombreuses études sur la pathologie valvulaire sont en cours. Sa place reste encore à préciser dans l’arsenal diagnostique disponible (ETT, ETO, ETT de stress, IRM, scanner, cathétérisme) ; actuellement, il ne s’agit pas d’un examen de première ligne en raison du risque théorique lié aux rayons X et du risque (modeste) de l’injection iodée. Ses qualités intrinsèques sont sa reproductibilité, sa faible opérateur-dépendance, sa courbe d’apprentissage plus courte que celle de l’échographie, son caractère purement anatomique, quelles que soient les conditions d’échogénicité du patient. Son application immédiate est l’étude complémentaire des valves lors d’un examen du réseau coronaire, notamment dans le bilan préopératoire d’une valvulopathie. Son indication se discute en cas de discordance des examens d’imagerie non irradiants entre eux ou avec la clinique, et en cas d’anéchogénicité, alors en concurrence avec l’IRM (sauf si le réseau coronaire doit être visualisé). Il paraît particulièrement intéressant dans les endocardites infectieuses pour la détection/surveillance des abcès périprothétiques. Des progrès techniques imminents devraient permettre de réduire l’irradiation et d’accroître les résolutions spatiale et temporelle. Les valvulopathies font désormais partie des applications potentielles du scanner cardiaque (consensus international des sociétés savantes cardiologiques et radiologiques publié dans le JACC en 2006).   En pratique   Visualisation des valves cardiaques natives ou prothétiques, de leur morphologie, des calcifications, de leur cinétique, voire des végétations. Planimétrie fiable dans le RA et le RM en rythme sinusal. Technique en pleine évolution : actuellement, examen de 2e ligne, eu égard à l’irradiation et à l’injection iodée. Indications déjà acceptées : analyse complémentaire lors d’un scanner à visée coronaire, complément d’exploration lorsque les examens traditionnels sont en échec, abcès périprothétiques.

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