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Vasculaire

Publié le 19 fév 2008Lecture 5 min

Y a-t-il encore une place pour les anticoagulants à la phase aiguë d’un AVC ?

P. GARNIER, CHU de Saint-Etienne

L’évaluation du rapport bénéfice/risque du traitement anticoagulant à la phase aiguë des accidents vasculaires cérébraux ischémiques artériels (AVCIA) par les essais cliniques a permis de montrer qu’à dose anticoagulante, ce traitement était source d’un excès d’hémorragie grave sans bénéfice clair. Ainsi, en pratique quotidienne un tel traitement n’est généralement pas recommandé à la phase aiguë d’un AVCIA. Toutefois, cela n’exclut pas que certains sous-groupes de patients, non étudiés dans ces essais, pourraient en tirer profit (cardiopathies à haut risque embolique, sténoses serrées athéromateuses, dissections cervicales, AVCIA évolutifs).

L’évaluation du rapport bénéfice/risque de l’héparine à dose curative dans ces sous-groupes serait utile afin de juger pleinement la place du traitement anticoagulant à la phase aiguë. Il reste également à évaluer sa place par rapport au traitement thrombolytique donné dans les premières heures qui suivent le début de l’AVCIA. Nous n’aborderons pas les AVC par thrombose veineuse cérébrale dont le traitement par anticoagulation à la phase aiguë constitue le traitement de choix.   Que nous disent les essais ?   AVCIA toutes causes confondues Héparine non fractionnée par voie sous-cutanée (HNF) Dans l’étude IST, 19 435 patients ont reçu soit de l’aspirine (300 mg/j) soit de l’HNF sous-cutanée (5 000 ou 12 500 UI, 2 fois/jour), soit les deux, ou rien dans les 48 heures qui suivaient le début de l’AVCIA. Dans les groupes héparine (versus groupes sans héparine), on notait une réduction significative du risque de récidive d’ischémie cérébrale dans les 14 premiers jours, mais ce bénéfice était contrebalancé par une augmentation significative du risque d’AVC hémorragique. Le risque hémorragique était directement lié à la dose d’héparine. C’est dans le groupe aspirine avec faible dose d’héparine que le rapport bénéfice/risque était le plus favorable. Il n’a pas été noté de différence significative entre les groupes concernant la mortalité à 14 jours et la mortalité ou dépendance à 6 mois. Héparine de bas poids moléculaire (HBPM) Dans l’ensemble, les essais qui ont testé les HBPM ou les héparinoïdes à la phase aiguë des AVCIA (instauration dans les 12 à 48e heures après le début des signes) se sont avérés négatifs. Dans l’essai Hong-Kong, seul le groupe de patients traités par nadroparine à forte dose (versus faible dose et placebo) a tiré un bénéfice sur la mortalité et la dépendance à 6 mois, qui n’a pas été confirmé par l’étude FISS bis qui incluait deux fois plus de patients. Dans l’étude TOAST, l’administration intraveineuse d’un héparinoïde versus placebo ne s’est pas accompagnée d’une réduction du risque de récidive d’ischémie cérébrale à 7 jours ni d’une amélioration du pronostic fonctionnnel à 3 mois par rapport au placebo. De plus, le taux d’hémorragies intracrâniennes était nettement supérieur dans le groupe traité. Dans les études TOPAS et TAIST, les HBPM testées (respectivement la certoparine versus placebo et la tinzaparine versus aspirine) ont été associées à un taux d’hémorragies intracrâniennes symptomatiques élevé pour les fortes doses sans amélioration du pronostic fonctionnel à court et long terme.   AVCIA présumes d’origine cardio-embolique Une métanalyse récente de 7 essais randomisés a comparé l’effet d’un traitement anticoagulant instauré dans les 48 premières heures (HNF ou HBPM ou héparinoïde) à celui d’un groupe témoin (aspirine ou placebo) chez 4 624 patients porteurs d’une cardiopathie à haut risque embolique, telle une fibrillation auriculaire. Le traitement anticoagulant a été associé à une réduction non significative du risque de récidive d’AVCIA dans les 14 premiers jours, à une augmentation significative d’hémorragie intracrânienne symptomatique et à un même taux de mortalité et de dépendance à 3 mois. Cependant, une étude suggère que l’administration d’héparine dans un délai inférieur à 6 heures pourrait s’accompagner d’une meilleure récupération comparée à son administration entre la 6e et 48e heure.   AVCIA par athérome des gros troncs L’analyse en sous-groupe de l’étude TOAST suggère que le traitement anticoagulant administré dans un délai inférieur à 24 heures pourrait s’associer à une évolution favorable à 3 mois chez les patients atteints d’un athérome des gros troncs. Toutefois, une récente étude asiatique n’a pas montré de supériorité significative du traitement anticoagulant par HBPM (nadroparine) par rapport à l’aspirine en cas d’athérome intracrânien que ce soit sur l’évolution à long et court termes.   Place du traitement anticoagulant à dose anticoagulante à la phase aiguë d’un AVCIA Les essais qui ont évalué l’effet de l’HNF et des HBPM, à dose anticoagulante à la phase aiguë d’un AVCIA montrent que, si un bénéfice sur le risque de récidive ischémique cérébrale ou sur le pronostic fonctionnel est parfois observé, celui-ci est annulé par un excès d’hémorragie intracrânienne et systémique. Ainsi, des recommandations avec haut niveau de preuve ont été établies, spécifiant qu’en pratique quotidienne, un traitement anticoagulant à dose curative n’est généralement pas recommandé à la phase aiguë d’un AVCIA.   Reste-t-il encore des indications ? Les grands essais que nous venons de voir ne sont pas exempts de critiques sur le plan méthodologique ; par ailleurs, ils s’adressent à une population sélectionnée non représentative de tous les types d’AVCIA auxquels est confronté le clinicien. En effet, les causes et les mécanismes des AVCIA sont hétérogènes. Il serait intéressant d’évaluer le rapport bénéfice/risque du traitement anticoagulant dans certains sous-groupes de patients chez lesquels il serait peut-être pertinent de l’utiliser. Ainsi, il pourrait être logique d’anticoaguler les patients ayant une cardiopathie à haut risque embolique (FA non valvulaire avec thrombus intracardiaque, rétrécissements valvulaires mitraux, prothèses valvulaires mécaniques, infarctus du myocarde récent, anévrismes ventriculaires, cardiomyopathies dilatées). De même, la présence d’une sténose athéromateuse serrée (avec ou sans retentissement hémodynamique) carotidienne ou vertébrobasilaire pourrait inciter à instaurer un traitement anticoagulant en raison de la formation de thrombi muraux susceptibles de progresser ou migrer dans la circulation cérébrale. De plus, il s’agit du sous-groupe étiologique chez lequel le risque de récidive précoce d’ischémie cérébrale est le plus élevé. Les AVCIA en évolution, en particulier les AIT crescendo, témoignant de sténoses serrées, pourraient être également une indication. Dans les dissections carotidiennes ou vertébrales cervicales il est habituel d’anticoaguler les patients en raison de la possibilité d’embolies artério-artérielles. Dans tous ces cas de figure, le traitement anticoagulant ne sera prescrit qu’après avoir écarté un AVC hémorragique et apprécié la sévérité du déficit neurologique et la taille de l’infarctus cérébral. En effet, ces deux derniers facteurs prédisposent à un risque de transformation hémorragique grave. À côté des facteurs étiologiques, le délai d’administration pourrait jouer un rôle. Une étude suggère que l’instauration d’héparine IV dans un délai inférieur à 3 heures chez des patients ayant fait un infarctus cérébral non lacunaire pourrait s’associer à un meilleur pronostic à long terme. Cela est à confirmer par des études de plus grande envergure. Enfin, reste à savoir si l’effet du traitement thrombolytique intraveineux donné dans les premières heures d’un AVCIA pourrait être potentialisé par l’adjonction concomitante d’héparine à dose curative. Des études sont nécessaires pour répondre à cette question car les données actuelles sont insuffisantes pour y répondre.   En pratique Il n’est généralement pas recommandé d’instaurer un traitement anticoagulant à dose anticoagulante à la phase aiguë d’un AVCIA. Dans certains cas sélectionnés, il pourrait être proposé à condition que les contre-indications neurologiques à l’héparine soient absolument respectées : déficit neurologique sévère, infarctus de grande taille, âge élevé, tension artérielle difficilement contrôlable.  

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