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Trucs et astuces

Publié le 20 déc 2019Lecture 5 min

Alcoolisation de la veine de Marshall

Alexandre ZHAO, Neuilly-sur-Seine

Le ligament de Marshall est impliqué dans l’initiation et le maintien de la fibrillation atriale (FA) et de bon nombre de tachycardies et flutters atriaux(1-3). Il peut avoir un rôle de gâchette automatique extra-veineuse dans la FA, de connexion épicardique impliquée dans certaines macroet micro-réentrées, ainsi que de modulateur du système nerveux autonome(4-6).

Anatomie Le ligament de Marshall (LOM) est constitué de plusieurs structures : tissus fibreux et graisseux, bandelettes musculaires, structures nerveuses, et la veine de Marshall (VOM). Cette veine correspond au reliquat embryonnaire de la veine cave supérieure gauche et se draine dans le sinus coronaire. Elle a un diamètre proximal de 1 à 3 mm. Le LOM s’insère en proximal au niveau des bandelettes sur le versant myocardique du sinus coronaire et de manière distale au niveau de la veine inférieure gauche, de la paroi latérale et postérolatérale de l’oreillette gauche (OG), en remontant le long de la jonction entre l’auricule gauche et les veines pulmonaires gauches, formant une sorte d’arborescence (figure 1). La VOM n’est présente que chez 80-90 % de la population(3,7). Son implication dans les flutters atriaux péri-mitraux, et dans les micro-réentrées de la crête des veines gauches, est connue(2-4). Figure 1. Coupe anatomique et histologie du ligament de Marshall(9). CS : sinus coronaire ; VOM : veine de Marshall ; LOM : ligament de Marshall ; PV : veine pulmonaire ; LAA : auricule gauche ; LA : oreillette gauche. Du fait de cette anatomie endo-épicardique, protégé par du tissu fibro-adipeux, il s’agit d’une structure assez résistante à la radiofréquence, même irriguée(8). Technique d’alcoolisation de la veine de Marshall Afin de supprimer le LOM, l’alcoolisation rétrograde de la VOM est un traitement de choix (figure 2). Cette technique a été expérimentée par M. Valderrábano et coll. en 2009, qui a ensuite montré sa faisabilité chez l’homme(7). Il s’agit d’un cathétérisme par voie veineuse fémorale. Une longue gaine déflectable est insérée dans le sinus coronaire proximal. Une angiographie du sinus coronaire est ensuite réalisée par un cathéter d’angiographie coronaire 5F afin de localiser et cathétériser de manière sélective la VOM. Un ballon OTW de 2 mm de diamètre est ensuite monté sur un guide hydrophile 0,014 afin d’occlure la veine. Plusieurs injections de 1 à 3 ml d’éthanol à 96 % sont réalisées pour alcooliser la VOM(10). Figure 2. Cathétérisme sélectif, angiographie et alcoolisation de la veine de Marshall(10). Intégration dans la stratégie d’ablation de fibrillation atriale persistante De nombreuses approches ont été tentées dans l’ablation de la FA persistante, mais aucune n’a pu pour le moment démontrer sa supériorité par rapport à la seule isolation des veines pulmonaires (PVI)(11). Les écueils des principales stratégies actuelles sont les suivants : – ablation des potentiels fragmentés complexes et des zones de gradients : cette approche, lorsqu’elle est extensive, donne lieu à une arythmogénicité importante sous forme de tachycardies et flutter atriaux complexes, impliquant souvent des procédures répétées et une perte de la mécanique contractile atriale ; – réalisation de lignes de segmentations atriales : la principale difficulté est de réaliser des blocs de conduction locaux complets, avec des lésions transmurales sans effraction et atteintes des organes adjacents. De plus, le bloc complet bidirectionnel endocardique et épicardique dans l’isthme mitral est difficile à obtenir ; – ablation des zones de bas voltage : nécessité d’ablater en rythme sinusal, définition du bas voltage dépendant du cathéter de mapping utilisé, absence de recul. La stratégie proposée par l’équipe de Bordeaux consiste à réaliser, en plus de l’isolation des veines pulmonaires, une segmentation atriale (ligne du toit de l’OG, ligne mitrale latérale et isthme cavo-tricuspide), facilitée au niveau de l’isthme mitral par l’alcoolisation du LOM (figure 3). Elle consiste également à supprimer les insertions proximales et distales du LOM par radiofréquence, via le sinus coronaire et la crête des veines gauches versant veineux et auriculaire. Le rationnel de cette prise en charge est de préserver dans un premier temps le plus de tissu atrial possible, en bloquant les macro-réentrées anatomiques et micro-réentrées autour du LOM, dans le but de prévenir une majorité de tachycardies post-ablation de FA. Cela permet également de réaliser une dénervation parasympathique au niveau des ganglions postérieurs de l’OG, qui ont démontré leur implication dans le maintien de la FA. Figure 3. Stratégie d’ablation proposée par le CHU de Bordeaux intégrant l’alcoolisation de la VOM(10). Les résultats préliminaires semblent encourageants avec une nette diminution des récidives précoces, mais une étude randomisée par rapport à l’isolation seule des veines pulmonaires est nécessaire pour confirmer ces résultats(5,12). Ablation des tachycardies atriales impliquant le LOM et les flutters atriaux périmitraux Il s’agit d’une situation difficile et plusieurs stratégies peuvent être réalisées : – augmentation de la puissance de tir à 45-50 watts, permettant de réaliser une lésion plus profonde avec un risque de tamponnade accru en cas de tirs prolongés(13) ; – réalisation d’une ligne antérieure entre l’anneau mitral antérieur et la veine pulmonaire supérieure droite ou gauche. Cette approche est efficace dans les flutters atriaux péri-mitraux, mais semble augmenter l’incidence des flutters bi-atriaux via le faisceau de Bachmann(14,15). L’alcoolisation de la VOM dans cette situation est une solution alternative très intéressante, car elle facilite grandement le bloc complet dans l’isthme mitral et évite la réalisation d’une ligne antérieure et diminue la durée des tirs. La limite semble être la présence d’une VOM accessible et le territoire de drainage de la veine. En effet, le territoire drainé par la VOM varie d’un individu à l’autre. La cicatrice obtenue après alcoolisation est donc variable également (figure 4). Figure 4. Carte de voltage OG après l’alcoolisation de la veine de Marshall. VPSG : veine pulmonaire supérieure gauche ; VPIG : veine pulmonaire inférieure gauche. VPSD : veine pulmonaire supérieure droite ; VPID : veine pulmonaire inférieure droite. Complications Elles ont une incidence de 6 % et sont représentées par des dissections du sinus coronaire ou de la veine de Marshall(5). Elles n’ont pas de conséquence dans la grande majorité des cas, mais le risque de tamponnade n’est pas exclu en cas de dissection du sinus coronaire chez un patient fortement anticoagulé(16). Conclusion L’alcoolisation rétrograde de la VOM est une solution pour supprimer le rôle du LOM. Elle facilite le bloc complet endoet épicardique dans l’isthme mitral. Elle permet de réaliser une dénervation parasympathique de l’OG postérieure. Elle supprime les tachycardies focales du LOM. Elle doit être considérée comme une solution thérapeutique supplémentaire dans l’ablation de la FA, en s’intégrant dans une stratégie globale. Les résultats préliminaires sont encourageants, et devront être confirmés par une étude randomisée multicentrique.

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