Publié le 21 déc 2020Lecture 5 min
AVC cryptogénique et moniteur cardiaque implantable
Matthieu GRAS, Bruno DEGAND, François LE GAL, Rodrigue GARCIA, service de cardiologie, Centre cardio-vasculaire, CHU de Poitiers, France
Chaque année, 140 000 accidents vasculaires cérébraux (AVC) surviennent en France, ce qui correspond à un AVC toutes les 4 minutes.
L’AVC cryptogénique
Chaque année, 140 000 accidents vasculaires cérébraux (AVC) surviennent en France, ce qui correspond à un AVC toutes les 4 minutes. Les étiologies des AVC sont définies selon la classification TOAST en 5 catégories : les atteintes des gros vaisseaux, des petits vaisseaux, les causes emboliques, les autres inhabituelles (dissection, artérite) et les causes indéterminées (AVC cryptogénique) (figure 1)(1).
Figure 1. Classification TOAST(1).
L’AVC cryptogénique est défini par la survenue d’un infarctus cérébral (IC) sans étiologie retrouvée malgré la réalisation d’une imagerie cérébro-vasculaire et d’un bilan cardiovasculaire complet(2). Les AVC cryptogéniques représentent 25 à 30 % des causes d’AVC ischémiques. Plusieurs mécanismes sont évoqués : un foramen ovale perméable, l’athérosclérose de l’arche aortique, l’athérosclérose sub-sténotique, la fibrillation atriale (FA) non diagnostiquée et la cardiomyopathie atriale.
Depuis 2014, le concept d’ESUS (Embolic stroke of undertermined source ou AVC embolique d’origine indéterminé) a émergé. Ce terme n’est pas synonyme d’AVC cryptogénique puisqu’il ne comprend que les causes emboliques. Les ESUS représentent environ 17 % des AVC ischémiques(3) et le diagnostic repose sur des critères précis : une imagerie cérébrale prouvant un IC non lacunaire, une imagerie des troncs supra aortiques éliminant une sténose > 50 %, un ECG, un holter ECG des 24 heures ainsi qu’une échocardiographie transthoracique, voire transoesophagienne pour éliminer une cause cardioembolique majeure. Les patients atteints d’ESUS sont généralement plus jeunes, souffrent d’AVC légers, et le taux de récidive annuel s’élève entre 4 à 5 %.
L’aspect thérapeutique reste problématique en l’absence d’étiologie clairement identifiée.
À ce jour, les études NAVIGATE ESUS (Rivaroxaban®) et RE-SPECT ESUS (Dabigatran®) n’ont pas montré de bénéfice de l’anticoagulation par rapport à l’acide-acétylsalicylique, tandis que les études ARCADIA (NCT03192215) et ATTICUS (NCT0242712) évaluant l’apixaban sont en cours(4,5). L’absence de bénéfice de l’anticoagulation dans NAVIGATE ESUS et RE-SPECT ESUS pourrait être due aux différentes causes de sources emboliques. Dans la cardiomyopathie atriale, la dysfonction ventriculaire gauche ou le foramen ovale, les anticoagulants seraient plus appropriés. Au contraire, dans l’athérosclérose de l’arche aortique, l’aspirine serait plus efficace. Pour nous aiguiller dans la stratégie thérapeutique la plus adaptée, une surveillance prolongée du rythme cardiaque est primordiale.
Rôle de la FA dans la survenue des AVC
La FA reste une cause majeure d’AVC ischémique et sa mise en évidence implique le début d’un traitement anticoagulant. Cependant celle-ci peut s’avérer difficile à authentifier lorsqu’elle se présente sous une forme asymptomatique et paroxystique. L’étude CRYSTAL AF s’est intéressée au bénéfice du moniteur cardiaque insérable (MCI) dans les AVC cryptogéniques(6). Les MCI permettaient de détecter 7,3 fois plus de FA par rapport à un suivi ECG en ambulatoire.
Ainsi, les dernières recommandations européennes de l’ESC sur la FA parues en 2020 (figure 2) incitent à réaliser un monitoring ECG des patients pendant 72 heures (I, B) et un MCI à long terme devrait être envisagé (IIa, B), à l’instar des recommandations américaines (IIa, B)(7,11).
Les moniteurs cardiaques insérables
Aujourd’hui, 3 MCI sont disponibles. Le Confirm RXTM (Abbott) le BioMonitor III (Biotronik) et le Reveal LINQTM (Medtronic) utilisent des algorithmes de détection de la FA différents. L’ensemble des prothèses sont IRM compatibles et permettent un suivi par télécardiologie. L’implantation est programmée en ambulatoire et se fait par voie sous-cutanée sous anesthésie locale. Ceux-ci sont présentés avec un kit d’injection permettant une implantation rapide. Malheureusement à l’heure actuelle, il n’existe aucune étude fiable ayant comparé directement les performances diagnostiques de ces 3 appareils.
Le Reveal LINQTM (Medtronic) (figure 3) est IRM compatible 1,5 et 3 tesla. Il est associé à une base de télétransmission assurant un suivi par télécardiologie. La longévité de la batterie est de 3 ans. La précision de ce dispositif pour détecter la FA a été estimée à 99,4 %(9). Le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) anglais a récemment procédé à une évaluation médicale et économique du MCI dans les suites d’un AVC. Ses conclusions recommandent l’utilisation du MCI en cas d’AVC cryptogénique ou d’accident ischémique transitoire, après réalisation d’un premier monitoring ECG non invasif et s’il existe une suspicion de cause arythmique. Ces recommandations mettent en avant le Reveal LINQTM, car le NICE a estimé que seuls ce modèle et ses prédécesseurs disposaient de données probantes au travers de plusieurs études, dont CRYSTAL AF (https://www.nice.org.uk/guidance /DG41/chapter/1-Recommendations).
Figure 3. Reveal LINQ™.
Figure 6. Exemple de tracé en FA issu du Reveal LINQ™.
Le Confirm RXTM (figure 4) est associé à une application mobile permettant de transmettre les symptômes et enregistrements par télécardiologie. Sa durée de vie est de 2 ans et il est IRM compatible 1,5 tesla. La détection de la FA se base sur la rapidité de l’installation de l’arythmie, la variabilité des intervalles RR, la régularité du rythme cardiaque.
Figure 4. Confirm Rx™.
Le BioMonitor III (figure 5) est associé à une base de télétransmission permettant un suivi par télécardiologie. Sa durée de vie est de 4 ans, et il est IRM compatible 1,5 et 3 tesla. Son algorithme de détection de FA se base sur l’irrégularité des intervalles RR, l’absence d’onde P et la fréquence atriale > à 300 par minute. Son design particulier intègre une antenne permettant d’augmenter l’espace inter-électrode de façon à améliorer la qualité du signal recueilli. Un smartphone permet une télétransmission automatique qui ne nécessite pas d’action supplémentaire de la part du patient(8).
Figure 5. BioMonitor III.
Au cours des dernières années, l’ensemble des dispositifs ont amélioré leur algorithme de détection de la FA. Cependant, certains faux positifs existent toujours (figure 7), notamment liés aux surdétections de l’onde T et aux ESV(10).
Figure 7. Exemple de faux positif : diagnostic de FA dû à une surdétection de l’onde T et à des extrasystoles ventriculaires. Tiré de John IP et coll. Pacing and clinical electrophysiology 2020.
La détection de la FA silencieuse dans les cas d’AVC cryptogéniques reste un élément primordial pour améliorer la prise en charge des patients. Si les MCI offrent la meilleure solution à l’heure actuelle en termes de fiabilité et durée de détection, de nouvelles technologies non invasives comme les smartphones et les montres connectées pourraient avoir une place non négligeable dans les années à venir.
Conclusion
Les AVC cryptogéniques représentent 25 à 30 % des causes d’AVC ischémiques.
Chez les personnes souffrant d’un AVC ou d’un accident ischémique transitoire, un monitoring cardiaque pendant 72 heures à la phase aiguë est une recommandation de classe I dans les guidelines européennes sur la FA parue en 2020.
De plus, chez certains patients, un monitoring au long cours non invasif ou avec un moniteur cardiaque insérable est une recommandation de classe IIa. l Trois modèles de moniteur cardiaque insérable sont actuellement disponibles.
Les recommandations anglaises du NICE mettent en avant le Reveal LINQ™. Aucune étude fiable n’a comparé les performances diagnostiques de chacun de ces dispositifs.
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