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Polémique

Publié le 14 déc 2016Lecture 4 min

Cardiomyopathie non ischémique - Le défibrillateur en prévention primaire est-il encore justifié ?

H. BLANGY, Institut des maladies du cœur et des vaisseaux, Louis Mathieu, CHU de Nancy

Le défibrillateur automatique (DAI) en prévention primaire est indiqué dans la cardiomyopathie dilatée non ischémique (CMD) lorsque la fraction d’éjection (FEVG) est inférieure à 35 %, chez un patient bien traité depuis au moins 3 mois et avec une espérance de vie supérieure à 1 an. Il s’agit d’une recommandation de classe IB(1). Pourtant, les preuves sont beaucoup moins robustes que pour la cardiomyopathie ischémique et si on y regarde de plus près, ces recommandations reposent sur des résultats d’études en sous-groupe souvent anciennes. Récemment, l’étude DANISH(2) est venue jeter un nouveau pavé dans la marre des CMD…

L’étude DANISH Entre 2008 et 2014, 1 116 patients atteints de CMD non ischémique avec FEVG < 35 % ont été inclus prospectivement dans 5 centres danois pour recevoir, après tirage au sort, en prévention primaire, soit un traitement médical bien conduit, soit un traitement médical bien conduit et un DAI. Dans chaque groupe, de taille équivalente et de caractéristiques comparables, 58 % des patients ont également reçu un système de resynchronisation (CRT) sous la forme d’un stimulateur dans le premier cas (CRTP), couplé au DAI dans le second (CRTD). La FEVG était de 25 %, un peu plus de la moitié étaient en classe II et la largeur médiane des QRS était de 146 ms. Tous recevaient un traitement optimisé avec, en particulier, un antagoniste de l’aldostérone dans près de 60 % des cas. Au terme d’un suivi médian de 67 mois, il n’a pas été observé de différence sur l’objectif principal, la mortalité totale (figure 1), ou sur la mortalité cardiovasculaire. Seule la mortalité subite était significativement réduite dans le groupe DAI (p = 0,005). Dans les sous-groupes, seuls les plus jeunes (< 59 ans) ont une mortalité toutes causes diminuée avec le DAI. Les auteurs n’ont pas constaté de différence de mortalité totale entre les patients implantés d’un DAI ou d’un CRTD. Figure 1. Mortalité toutes causes dans l’étude DANISH(2). Petit retour en arrière Ce n’est pas la première fois qu’une étude sur le DAI en prévention primaire dans la CMD est négative. CAT(3) et AMIOVIRT(4) sont les plus anciennes et n’ont inclus qu’une centaine de patients chacune. En 2004, DEFINITE(5) n’a pas retrouvé non plus de diminution significative de la mortalité totale chez 458 patients, tous non ischémiques. Sont ensuite arrivées des études dans l’insuffisance cardiaque où étaient mélangés des patients ischémiques et nonischémiques. Dans SCD-HeFT(6), il y avait 48 % de CMD. Le résultat global était favorable au DAI en termes de mortalité totale, mais dans le sous-groupe des CMD, il n’atteignait pas le seuil de significativité. Dans COMPANION(7) on trouvait 45 % de patients atteints de CMD. La mortalité totale était un critère secondaire. Seuls les patients implantés d’un CRTD avaient une baisse significative de la mortalité totale, et ceci était également vrai pour le sous-groupe des CMD. La CRT a certainement un effet à elle seule sur la mortalité dans COMPANION mais les bras CRTP et CRTD n’ont pas été comparés. Alors, sur quoi reposent les recommandations actuelles ? Essentiellement sur le résultat d’une métaanalyse qui regroupe ces 5 études(8). Ainsi, en additionnant des études au design différent, toutes négatives sauf sur un sous-groupe et sur un objectif secondaire, on obtient une réduction significative de 31% de la mortalité totale (figure 2), qui passe à 24 % sans tenir compte de COMPANION (toujours significatif) et une recommandation de classe IB ! Figure 2. Mortalité toutes causes dans la métaanalyse de Desai(8). Que faut-il en penser ? Durant toutes ces années, d’importants progrès ont été réalisés dans le traitement de l’insuffisance cardiaque(9). Les patients inclus dans DANISH ont un excellent pronostic avec une mortalité annuelle < 7 %. Ils reçoivent tous un traitement optimal et la forte proportion de CRT diminue encore la mortalité. Ainsi, les auteurs constatent une première phase avant 5 ans où les courbes de mortalité divergent avant de sembler converger à nouveau. Avec le temps, les causes de décès changent. La part de la mortalité non cardiovasculaire augmente avec les progrès thérapeutiques, dont l’usage systématique des bêtabloquants(10). Elle atteint 31 % dans DANISH. Ceci devrait nous conduire à mieux sélectionner les patients atteints de CMD candidats à l’implantation d’un DAI en prévention primaire. Mais identifier les patients à plus haut risque n’est pas aisé(11). À la lumière de ces résultats, il faut certainement privilégier les plus jeunes et tenir compte plus particulièrement dans cette population des comorbidités. Ce sont elles qui grèvent la survie à long terme. L’espérance de vie du patient atteint de CMD est longue pour peu que cette pathologie soit isolée. Pour ce genre de profil, l’implantation d’un système de défibrillation sous-cutané est à considérer. Conclusion Malgré une recommandation de classe IB, les preuves en faveur du DAI dans la CMD restent limitées. Les progrès thérapeutiques dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque (médicaments, resynchronisation, éducation, thérapeutique) ont considérablement abaissé la mortalité cardiovasculaire dans cette population ces dernières années. Pour autant, il ne faut pas renoncer à implanter ces patients, surtout lorsqu’ils sont jeunes et sans comorbidité.

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