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Polémique

Publié le 31 mai 2013Lecture 4 min

Gestion des anticoagulants lors des implantations de prothèse rythmique - Les arrêter ou les maintenir ?

C. ALONSO, Clinique Ambroise Paré, Neuilly-sur-Seine

L’implantation de prothèses rythmiques chez des patients traités par antiagrégants ou anticoagulants, voire les deux, est une situation de plus en plus fréquente. Environ 45 % des patients implantés reçoivent un traitement anticoagulant et au moins 50 % un traitement antiagrégant plaquettaire. L’arrivée des « nouveaux anticoagulants » ne risque pas de simplifier les choses… 
Au quotidien il nous faut donc choisir entre le risque de complications hémorragiques et les risques thromboemboliques.  

La complication hémorragique la plus fréquente est l’hématome de loge (jusqu’à 5 %) qui peut prolonger l’hospitalisation, nécessiter une réintervention et majorer le risque de complications infectieuses. Le risque de perforation cardiaque ou du sinus coronaire est plus rare mais potentiellement plus grave. Un traitement anticoagulant et/ou antiagrégant plaquettaire lors de l’implantation augmente l’incidence de ces complications hémorragiques.  Dans la pratique quotidienne, en ce qui concerne les patients sous antivitamine K (AVK), différents protocoles sont utilisés : arrêt du traitement avec ou sans relais par de l’héparine non fractionnée (HNF) ou par une héparine de bas poids moléculaire (HBPM), ou poursuite des AVK.  L’INR maximal auquel l’opérateur acceptera d’intervenir est également variable : il y a les « peureux » qui n’interviennent que si l’INR est < 2 et « ceux à qui il n’arrive jamais rien » qui tolèrent des INR bien plus élevés.  Une enquête réalisée auprès de 62 praticiens en France en 2011 (ELECTRA) reflète ces disparités ; dans le cadre de l’implantation d’appareils de resynchronisation, chez des patients sous anticoagulants pour FA avec un score CHADS bas, 57 % des praticiens arrêtent les AVK sans relais et 38 % interviennent sous AVK avec un INR proche de 2. Seuls 5 % arrêtent les AVK avec un relais par HNF. Chez les patients ayant un score CHADS élevé, 69 % interviennent sous AVK avec un INR proche de 2, 8 % et font un relais par HNF, 11 % font un relais par HBPM et 11 % interrompent le traitement sans relais.  D’après la littérature, la pire des stratégies semble être le relais par HNF ou HBPM. Dans une étude rétrospective sur 1 388 implantations de prothèses, Tompkins constate 14,3 % de complications hémorragiques lorsque l’on utilise de l’héparine en peropératoire versus 4,3 % lorsque les AVK sont interrompus et que l’intervention a lieu lorsque l’INR est ≤1,5.  Lorsque les AVK sont poursuivis avec un INR > 1,5 (1,8 en moyenne) le taux de complications hémorragiques dans cette étude est de 6,5 %(1). Dans une revue de la littérature de 2008, lorsque les AVK sont poursuivis, avec un INR moyen autour de 2,5, le taux d’hématomes n’est que de 1,9 à 6,6 % alors qu’il est de 12 à 20 % lorsque les AVK sont arrêtés avec un relais par HNF ou HBPM(2). Cette différence s’explique probablement par le fait que chez le patient sous AVK, un saignement apparent pendant l’intervention pourra être contrôlé par des mesures d’hémostase. En revanche, lorsque les AVK sont arrêtés, l’administration d’héparine en postopératoire pourra provoquer un saignement qui n’était pas présent lors de l’intervention.  En ce qui concerne les antiagrégants plaquettaires (AAP), l’aspirine seule n’augmenterait pas significativement le risque de complications hémorragiques (3,1 à 3,9 % vs 1,6 à 2,5 % ; NS), en revanche, le risque d’hématome serait multiplié par 5 sous clopidogrel(1,3).  Enfin, l’utilisation des « nouveaux anticoagulants » (inhibiteurs directs de la thrombine ou du facteur Xa) serait associée à un risque hémorragique similaire à celui des AVK, mais il n’y a pas d’antidote. Il est donc recommandé de les arrêter avant une chirurgie programmée, 24 heures avant si le risque hémorragique est faible, 5 jours avant si le risque hémorragique est modéré à élevé. Mais qu’en est-il du risque de complications thromboemboliques lorsque le traitement est interrompu ? Dans une étude observationnelle sur 1 024 patients ayant dû interrompre leur traitement AVK, D.A. Garcia et al. observent un taux de complications thromboemboliques de 0,7 % à 1 mois en l’absence d’héparinothérapie. Lorsque l’interruption est ≤5 jours le taux d’événements est de 0,4 % versus 2,2 % pour un arrêt de 7 jours ou plus. Ce risque paraît acceptable, pour un arrêt ≤5 jours, comparativement au risque de complications hémorragiques(4).   E. Jamula a proposé en 2008 un arbre décisionnel complet(2) (figure 1) ; A. Ramirez et son équipe en ont proposé un simplifié en 2011 (figure 2)(6).    Que faire en cas d’implantation d’un stimulateur cardiaque en urgence ? En ce qui concerne les antiagrégants, le délai sera de toute façon trop court pour les arrêter. L’attitude thérapeutique à adopter chez le patient sous AVK dépendra de l’INR et du degré d’urgence. La vitamine K pourra être utile pour ramener l’INR à une valeur acceptable. Enfin, chez un patient sous un nouvel anticoagulant, en l’absence d’antidote, l’intervention devra être différée autant que possible.     Points clés L’implantation de prothèses sous AVK chez les patients à haut risque thromboembolique est une stratégie tout à fait acceptable tout comme l’arrêt des AVK sans relais chez les patients à faible risque.  Ce qu’il faut absolument éviter : l’administration d’HNF ou d’HBPM en postopératoire.  

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