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Focus

Publié le 26 juin 2023Lecture 5 min

Place du stimulateur sans sonde en 2023

Stéphane COMBES, Clinique Pasteur, Toulouse

C’est en 2012 que la stimulation cardiaque a subi un bouleversement technologique avec l’implantation du premier stimulateur sans sonde. On avait enfin trouvé le moyen de diminuer les complications liées aux sondes (dysfonction/fracture, infection, déplacement, etc.). Les années suivantes ont confirmé son essor dans des indications ciblées.

Historique   Depuis la première implantation chez l’homme d’un stimulateur cardiaque en 1958, la technologie n’a cessé d’évoluer notamment vers une simplification de l’acte d’implantation, une amélioration des algorithmes de stimulation/détection et une miniaturisation. Les sondes endovasculaires ont de tout temps été considérées comme le tendon d’Achille du système. Ainsi, le concept de stimulation sans sonde est apparu rapidement avec les premiers tests chez l’animal il y a près de 50 ans. Il faudra attendre 2012 pour voir la première implantation chez l’homme avec le Nanostim™ (St Jude Medical). La commercialisation de ce dispositif sera stoppée en octobre 2016 pour dysfonctionnement de batterie avec usure prématurée survenant après le 12e mois, après presque 1 500 implantations. En 2013, le Micra™ (Medtronic) (figure 1) montrera un profil de sécurité satisfaisant. Figure 1. Stimulateur sans sonde Micra™ Medtronic.   Depuis, plus de 150 000 dispositifs ont été implantés dans le monde. Il s’agit à l’heure actuelle du seul dispositif de stimulation sans sonde commercialisé. Dans le tableau 1, sont résumées les principales études sur la stimulation sans sonde.   On constate l’excellent taux de succès d’implantation pour les deux systèmes au-dessus de 95 % avec des temps de procédure faible, inférieurs à 35 minutes en moyenne. Cela ne doit pas faire ignorer un taux de complications entre 1,5 et 10,6 %. Durant l’implantation, la principale complication reste vasculaire, au niveau fémoral, liée à l’utilisation d’un introducteur de grand diamètre (27 F en externe). D’autres complications sont possibles comme une migration du dispositif, ou une perforation cardiaque nécessitant une prise en charge chirurgicale (1 %). Certains critères cliniques prédictifs ont été relevés comme le petit poids (IMC< 20 kg/m2), le sexe féminin, la présence d’une BPCO, d’une insuffisance cardiaque ou d’une histoire de fibrillation atriale. Enfin, les paramètres de stimulodétection en peropératoire sont comparables avec la stimulation standard, et stables dans le temps.   Les avantages de la stimulation sans sonde   L’intérêt principal tient dans la diminution des complications à moyen et long terme comparativement à la stimulation classique. Ils s’affranchissent, par exemple, des complications liées à la voie d’abord et aux sondes telles que les occlusions de vaisseaux ou à la réalisation de la poche sous-cutanée (douleur, rétraction cutanée, cicatrisation non esthétique, infection). Le risque infectieux semble très faible. Cela peut s’expliquer, d’une part, par la petite taille du dispositif et, d’autre part, par son revêtement de parylène connu pour ses propriétés antibactériennes. Seuls quelques cas sont rapportés dans la littérature dans des situations particulières. En cas d’extraction, le taux de succès varie entre 60 et 80 %. Ces chiffres relativement faibles sont en rapport avec le degré supposé élevé d’encapsulation induit par la petite taille du dispositif. De ce fait, l’abandon est une stratégie souvent privilégiée. Des études chez le cadavre ont montré que l’anatomie cardiaque permettrait jusqu’à 3 stimulateurs sans sonde. Enfin, on peut envisager que les difficultés d’extraction pourraient être une des limites à la diffusion de ces dispositifs, notamment pour les patients les plus jeunes qui devraient subir plusieurs remplacements de matériel. À noter qu’en 2022 un travail multicentrique rétrospectif a permis de confirmer la sécurité et la faisabilité à 6 mois de l’implantation d’un Micra VR™ dans une population de 35 patients entre 18 et 40 ans(1).   Les recommandations actuelles   Les recommandations européennes de 2021(2), actualisées par une conférence de consensus parue dans Europace en 2022(3) mettent l’accent sur l’importance de l’environnement d’implantation comme l’avait fait en 2018 le groupe français de rythmologie. En effet, la présence d’une chirurgie cardiaque sur site, d’un opérateur habilité, formé, avec un volume suffisant d’interventions effectuées, une équipe paramédicale qualifiée et un matériel fluoroscopique satisfaisant sont recommandés. La stimulation sans sonde est en 2022 une alternative à la stimulation classique dans des circonstances particulières (tableau 2) : accès veineux difficiles (obstruction/occlusion ou malformation) et risque infectieux élevé (hémodialysés, traitement immunosuppresseur, démence, cachexie) sont les deux indications principales (niveau de recommandation IIA ESC 2021).   Ce dispositif reste contre-indiqué chez les porteurs d’une valve tricuspide mécanique mais préféré chez ceux ayant une dysfonction valvulaire tricuspide, un remplacement valvulaire biologique ou une valvuloplastie tricuspide, afin d’éviter toute aggravation de la valvulopathie et de diminuer le risque infectieux. Le manque de données sur les performances à long terme ainsi que sur la conduite à tenir lors de l’épuisement de la batterie rend complexe l’utilisation de cette technologie chez les jeunes. Cette situation demande une concertation multidisciplinaire. Enfin, l’implantation d’un stimulateur sans sonde pourra être considérée en première intention en alternative la stimulation simple chambre (niveau IIb/B de recommandation) en prenant en compte dans la discussion collégiale l’espérance de vie du patient.   Les perspectives   Les voies de développement, nombreuses, sont en cours d’évaluation. Récemment, le Micra AV™, stimulateur sans sonde synchronisé à l’activité atriale par un accéléromètre détectant la contraction atriale a obtenu le marquage CE et est en attente de remboursement. Chez les patients avec une activité sinusale normale, cette technologie permettrait une synchronisation auriculo-ventriculaire (AV) 65 à 95 %(4) du temps, avec cependant un fonctionnement en VVIR pour des fréquences supérieures à 110/min. Cet élément particulièrement limitant, notamment chez les jeunes, pourrait être dépassé par le développement d’un véritable stimulateur double chambre sans sonde en deux parties communiquant entre elles. Dans l’étude clinique multicentrique de sécurité et de faisabilité Aveir DR débutée en 2022 (https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT05252702), Abbott évalue ce concept (figure 2). Parallèlement, dans l’insuffisance cardiaque, un travail préliminaire sur la stimulation biventriculaire totalement sans sonde a été publié en 2021 par l’équipe de Grenoble utilisant le système Wise CRT et le Micra™(5). Enfin, dans la défibrillation, un système sans sonde intravasculaire couplant le défibrillateur sous-cutané (Emblem™ S-ICD) et un stimulateur sans sonde (Empower™) est en cours d’évaluation par Boston Scientific. Il permettrait, outre une stimulation classique, la délivrance d’une stimulation antitachycardique(6). Le champ de développement de la stimulation sans sonde est donc immense. Il devrait permettre d’apporter des réponses à des problématiques aujourd’hui sans véritable solution. Figure 2. Les stimulateurs sans sonde en développement : Empower™ chez Boston Scientific et Aveir™ chez Abbott.Paris.   La stimulation sans sonde a marqué un tournant historique dans la prise en charge des troubles de la conduction. La stimulation double chambre sans sonde et la longévité des batteries sont des domaines en cours exploration et d’évaluation. Dans le futur, ces développements permettront à un plus grand nombre de bénéficier de cette nouvelle technologie.

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