Publié le 20 mar 2020Lecture 5 min
Ponction vasculaire échoguidée pour l’implantation de prothèses rythmiques
Franck QUENNELLE, La Ciotat
L’implantation de stimulateurs cardiaques s’accompagne d’un taux de complication de 2 à 3 %, dont 1,3 % de pneumothorax (PTX) iatrogènes lors de la ponction sous-clavière(1).
Faut-il continuer de ponctionner les veines sous-clavières à l’aveugle ?
L’implantation de stimulateurs cardiaques s’accompagne d’un taux de complication de 2 à 3 %, dont 1,3 % de pneumothorax (PTX) iatrogènes lors de la ponction sous-clavière(1). L’utilisation de la veine céphalique pour introduire les sondes évite ce type de complication, mais de nombreux opérateurs n’utilisent pas cette voie d’abord. La veine céphalique est parfois trop petite. Lorsqu’elle est exploitable, elle permet sans problème d’introduire une sonde, mais le passage de la deuxième sonde est parfois difficile, car l’abouchement de la céphalique dans la veine axillaire est souvent sinueux ; on peut alors s’aider d’un guide hydrophile et d’un introducteur pelable.
Enfin le passage de trois sondes par la veine céphalique n’est pas aisé et il faut alors se résoudre à ponctionner la sous-clavière, exposant le patient au risque de PTX.
Les réanimateurs utilisent depuis longtemps l’échographie pour mettre en place les voies veineuses centrales et l’échoguidage fait partie des recommandations de la société de réanimation depuis plusieurs années(2). Les appareils d’échographie vasculaires sont ainsi disponibles dans la grande majorité des blocs opératoires.
L’échoguidage peut aussi être utilisé pour l’implantation de stimulateurs et défibrillateurs cardiaques.
En pratique :
– si possible, repérer les veines sousclavière et axillaire pendant l’installation du patient, avant la mise en place des champs stériles. L’infiltration par la Xylocaïne pour l’anesthésie locale ne dégrade pas l’image de façon significative, pas plus que l’application d’un champ collant stérile sur la peau ;
– l’appareil d’échographie est préréglé et recouvert d’un champ plastique transparent, ce qui permet de modifier les réglages en cours d’examen si besoin. Nous utilisons une sonde vasculaire barrette 6-11 Hz réglée sur 5 à 8 cm de profondeur selon le gabarit du patient avec du gel échographique stérile à usage unique en dosettes ;
– la sonde d’échographique est protégée par une housse stérile (set ALR Vigon) qui recouvre la sonde et son câble, avec du gel échographique stérile disposé à l’intérieur de la housse, sur la sonde d’échographie (figure 1). Avec l’habitude, le repérage des veines sous-clavière et axillaire est assez facile, même avec un appareil de base (figures 2 et 3) ;
Figure 1. Positionnement pour une ponction avec visualisation en grand axe de la veine, permettant de suivre le trajet de l’aiguille.
Figure 2. Parfois, la veine axillaire (en bleu), située en avant de l’artère (en orange) en incidence petit axe, est immanquable.
Figure 3. Repérage de la veine en coupe longitudinale grand axe.
– le Doppler couleur n’est pas indispensable : la veine axillaire se situe en avant de l’artère, son diamètre varie avec les mouvements respiratoires (figure 4). Elle est compressible sous la sonde, contrairement à l’artère qui est pulsatile et peu compressible ;
Figure 4. Le calibre de la veine varie en fonction du cycle respiratoire, plus large en Valsalva (expiration bloquée).
– plus on s’approche du sternum, plus le calibre de la veine est important, mais l’échographie permet justement de ponctionner en périphérie, en veine axillaire, pour s’éloigner de la pince costo-claviculaire (figure 5). Au passage, on observe que l’artère, la veine et la plèvre sont très proches, compris dans un triangle de 1 cm de côté. Le diamètre de la veine est extrêmement variable d’un patient à l’autre selon les conditions de remplissage. On peut s’aider d’un Trendeleburg de 5 degrés si la table le permet ou d’un léger remplissage vasculaire (Voluven) si l’état du patient le permet ;
Figure 5. Repérage de la portion externe de la veine axillaire (en bleu), proche de la veine céphalique (orange).
– l’aiguille n’est pas directement visible avec les échographes classiques, mais on voit les tissus se déformer au passage de l’aiguille et on vise facilement la veine ;
– il y a deux écoles : soit on repère en petit axe, ce qui permet de bien se situer par rapport à l’artère, soit on oriente la sonde parallèlement à la veine, en grand axe, ce qui permet de mieux voir la progression de l’aiguille, mais l’artère est alors en dehors du champ échographique. Les réanimateurs préconisent plutôt la première approche(3) ;
– une fois le guide introduit dans la veine sous-clavière, on incise la peau 1 à 2 cm en dessous du point de ponction et on récupère le guide sous la peau avec une pince kocher ou les ciseaux à bout rond par l’incision cutanée (figure 6), puis un introducteur pelable 7F permet de mettre en place deux ou trois guides.
Figure 6. Une fois le guide introduit dans la veine sous-clavière, on incise la peau 1 à 2 cm en dessous du point de ponction et on récupère le guide sous la peau avec une pince Kocher ou les ciseaux à bout rond par l’incision cutanée.
Nous sommes à plus de 75 implantations consécutives sans PTX ni hématome ayant nécessité de reprise. Nous n’avons eu jusqu’à présent aucune ponction artérielle accidentelle, une meilleure gestion de la douleur pour les patients, car il n’y a pas de dissection du sillon delto-pectoral et dans 90 % des cas il n’y a eu qu’une seule ponction cutanée.
Inconvénient : il faut changer les habitudes et former les personnels de salle à l’installation de l’appareil d’échographie, mais rapidement ils perçoivent le gain de temps et sont plutôt enthousiastes. Il faut parfois faire preuve de diplomatie lorsque l’on partage l’appareil avec les anesthésistes du bloc opératoire. À l’usage on risque toutefois de perdre l’habitude de ponctionner à l’aveugle ou de rechercher la veine céphalique.
Conclusion
La technique d’échoguidage ne réduira pas le risque de PTX à zéro, notamment chez les patients très maigres et déshydratés ou chez ceux en surcharge pondérale chez qui on préférera l’abord céphalique, mais elle limite significativement ce risque, raccourcit le temps opératoire et on peut espérer un bénéfice sur le plan infectieux.
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