Publié le 30 sep 2014Lecture 6 min
Pour quels troubles rythmiques peut-on proposer une ablation en première intention ?
D. PAVIN, service de cardiologie, Hôpital Pontchaillou, Rennes
Pour qu’une intervention soit proposée en première intention, trois prérequis sont indispensables :
• en connaître les risques à court et long termes ;
• en connaître les bénéfices à court et long termes, c’est-à-dire l’efficacité de l’intervention et le bénéfice clinique apporté au patient ;
• que le rapport bénéfice-risque du traitement proposé soit équivalent ou supérieur aux autres thérapeutiques possibles.
Tachycardies supraventriculaires
Elles comprennent les tachycardies jonctionnelles (TJ) par réentrée nodale ou utilisant une voie accessoire atrioventriculaire (AV), et les tachycardies atriales. Elles sont en rapport avec une anomalie localisée qui peut être traitée par une ablation sélective pour obtenir une guérison complète.
Dans les tachycardies jonctionnelles, le taux de succès de l’ablation dépasse 95 % avec des récurrences rares et des risques très faibles, essentiellement en rapport avec le bloc AV pour les TJ réentrantes nodales (< 1 %) ou les voies accessoires AV périhissiennes.
L’ablation des tachycardies atriales a un taux de succès un peu moindre (environ 85 %) et des rechutes un peu plus fréquentes (< 10 %). Après un 1er épisode, le risque de récurrence est indéterminé et il n’est pas recommandé de traiter. Le traitement par ablation de première intention est recommandé chez les patients ayant des crises fréquentes, mal tolérées (syncopes ou symptômes sévères), ou qui ont une préexcitation ventriculaire, ou si cela est leur préférence.
Flutter atrial
L’ablation du flutter atrial commun
C’est une procédure parfaitement codifiée avec un taux de succès élevé et un très faible risque de complications graves (tamponnade, bloc AV en cas d’approche septale). L’étude prospective randomisée LADIP(1) a comparé les résultats de l’ablation (succès chez 100 % et complications dans 0 %) à l’amiodarone chez 104 patients après un 1er épisode de flutter. Au terme d’un suivi moyen de 13 ± 6 mois, le taux de récurrence de flutter est de 3,8 % avec l’ablation versus 29,5 % avec les médicaments. L’ablation du flutter doit donc être recommandée en première intention dès lors que le traitement du flutter est indiqué.
L’ablation des flutters atypiques
Elle est plus complexe (surtout pour les flutters atriaux gauches), avec une procédure plus longue, nécessitant souvent une cartographie électroanatomique 3D, un taux de complications plus élevé et un taux de succès moindre d’autant que les liens avec la FA sont élevés. L’ablation ne peut être recommandée en 1ère intention.
Le problème des flutters atriaux « cicatriciels » compliquant les cardiopathies congénitales opérées est différent : ils sont généralement droits, péri-tricuspidiens, dépendants de l’isthme cavotricuspide malgré le caractère parfois très atypique de l’ECG, ou ancrés autour de la cicatrice d’atriotomie latérale droite (dans ce cas, l’ablation relie la cicatrice à un obstacle anatomique, souvent la veine cave inférieure). Ils sont souvent très mal tolérés car le cycle du flutter est plus lent et la conduction AV plus perméable dans cette population jeune, favorisant les flutters à conduction 1/1 avec des fréquences ventriculaires rapides. Il peut être indiqué de traiter ces flutters en première intention par ablation.
Fibrillation atriale
Initialement, l’ablation était considérée prudemment comme un traitement de dernière intention pour des patients fortement symptomatiques réfractaires à toutes les autres options thérapeutiques. Désormais, la procédure est mieux définie – au moins dans les FA paroxystiques avec l’isolation des veines pulmonaires –, et il est rapporté dans les équipes expérimentées, un taux de succès important et peu de complications. Elle est recommandée (indication de classe I, niveau de preuve A dans la FA paroxystique) chez un patient symptomatique en cas d’échec du traitement médicamenteux. L’indication de l’ablation de première intention doit être discutée au cas par cas, en tenant compte du rapport bénéfice-risque et de la préférence du patient.
Quels sont les risques ?
Ils sont variables. Les complications hospitalières peuvent atteindre environ 6 %, les plus fréquentes étant vasculaires (aux points de ponction) et les plus graves étant représentées par les tamponnades (1 à 2 %) et les accidents vasculaires cérébraux (< 1 %), les décès étant exceptionnels (< 0,5 %).
Ceci doit néanmoins être relativisé en insistant sur 4 points :
• ces données sont issues de registres qui incluent des populations à plus haut risque, non sélectionnées (âgées, insuffisance cardiaque, comorbidités) ;
• ces risques sont à mettre en balance avec les risques propres de la FA (AVC, insuffisance cardiaque) et ceux des thérapeutiques alternatives (hémorragies avec les anticoagulants, effets proarythmiques des médicaments antiarythmiques, etc.) ;
• les techniques d’ablation et la gestion périopératoire des procédures se sont nettement améliorées (ablation RF irriguée, monitoring du traitement anticoagulant, utilisation des systèmes 3D, nouveaux outils, etc.) en même temps que l’expérience des équipes. Le taux de complications a ainsi diminué de façon très importante, à moins de 2 % dans les équipes expérimentées(2) ;
• enfin, il est clair que le risque est différent selon la complexité de la procédure et l’indication. Ainsi, l’isolation des veines pulmonaires dans la FA paroxystique est une procédure assez simple et peu prolongée donc moins risquée qu’une procédure d’ablation de FA persistante qui imposera une modification du substrat.
Globalement, l’efficacité de l’ablation est d’environ 70 à 80 % dans les formes paroxystiques (et persistantes récentes), les résultats étant nettement moins bons dans les formes persistantes ou associées à une cardiopathie et d’une manière générale lorsqu’il existe une fibrose atriale(3). À l’inverse, dans certains cas, le traitement par ablation a clairement une efficacité remarquable. Ces patients ont une maladie « focale » et n’ont pas de fibrose atriale, et la seule isolation des veines pulmonaires a une très haute probabilité de succès et de guérison à long-terme. Ces patients ont une FA paroxystique avec des épisodes peu soutenus (moins de 24 h) et souvent brefs et répétitifs entrecoupés d’une extrasystolie très précoce (ondes P’ tombant dans l’onde T), n’ont pas de comorbidités (obésité, apnée du sommeil, insuffisance rénale, HTA sévère, etc.), n’ont pas de cardiopathie ou de dilatation atriale gauche importante. Dans ce cadre, considérant le fort taux de guérison et une procédure simple, elle peut être recommandée en première intention à condition d’être effectuée dans un centre expérimenté (qui garantit un taux de complication faible et une efficacité élevée). Cette indication est entrée dans les nouvelles recommandations européennes de 2012, en classe IIa (niveau de preuve B)(4).
Troubles du rythme ventriculaires
Les extrasystoles ventriculaires (ESV) et tachycardies ventriculaires (TV) idiopathiques ont le plus souvent une origine au niveau de la base du cœur. Le traitement par ablation est efficace mais complexe pour certaines localisations en dehors de la chambre de chasse VD, comme les cusps aortiques ou l’artère pulmonaire, les risques étant la tamponnade et les lésions des structures de voisinage (artères coronaires, etc.). Il est difficile de proposer ce traitement en première intention sauf en cas de tachy-cardiomyopathie. Le plus souvent, l’ablation est réservée aux patients symptomatiques, intolérants ou réfractaires au traitement pharmacologique.
Pour les TV secondaires aux cardiopathies, le traitement par ablation est surtout un traitement adjuvant chez un patient porteur d’un défibrillateur automatique implantable (DAI), afin d’éviter la délivrance de chocs de cardioversion. Il peut (rarement) être discuté en première intention dans le cas de TV bien tolérées sur le plan hémodynamique et en l’absence de dysfonction ventriculaire significative, pour lesquelles le DAI n’est pas indiqué.
Conclusion
Le traitement par ablation de première intention peut être discuté pour tous les troubles du rythme dans des indications sélectionnées, dès lors que l’efficacité de l’intervention est élevée et les risques sont faibles.
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