Publié le 31 mai 2012Lecture 7 min
Rétablir par angioplastie un accès veineux sténosé ou occlus
F. ANSELME, service de cardiologie, CHU de Rouen
Avec l’élargissement des indications du défibrillateur et le vieillissement de la population, le besoin de rajouter une sonde de stimulation ou de défibrillation chez des patients porteurs de prothèses implantées est de plus en plus fréquent.
Dans 8 à 12 % des cas(1,2), l’accès veineux homolatéral est occlus ou sévèrement sténosé et le site de l’occlusion concerne le plus souvent la veine sous-clavière dans sa partie périphérique, c’est-à-dire avant l’abouchement de la veine jugulaire (60 %)(3). Il peut, dans 20 % des cas, s’étendre au tronc veineux innominé à droite, ou proche de l’abouchement à la veine cave à gauche. L’occlusion peut également n’être localisée qu’au niveau central, à la jonction veine sous-clavière – veine cave supérieure à gauche, ou au tronc innominé à droite (20 %).
En cas de suspicion d’occlusion, il est utile de réaliser une angiographie veineuse avec une injection de produit de contraste délivrée au plus près du site concerné. Cette imagerie permet d’identifier la présence d’un passage résiduel éventuel, et d’évaluer la localisation précise de l’occlusion et son étendue. Une fois « l’état des lieux » fait, deux types de solutions s’offrent à nous : le contournement de l’occlusion ou le franchissement de l’obstacle avec réalisation éventuelle d’une veinoplastie.
Contourner l’occlusion
Parmi les techniques de contournement de l’obstacle, la ponction veineuse proximale apparaît comme une solution de facilité. Elle ne peut s’effectuer que si la sténose/occlusion est localisée en périphérie. Le but est ici de ponctionner la veine sous-clavière en aval de l’occlusion. Cependant, cette approche comporte un risque plus important de pneumothorax. D’autre part, une sonde positionnée selon cette technique sera plus exposée au risque de fracture par écrasement au niveau de la pince costoclaviculaire.
On peut également envisager de faire un abord sus-claviculaire en ponctionnant soit une veine centrale (sous-clavière ou tronc innominé), soit la veine jugulaire. Là encore, il faut que l’occlusion ne soit que périphérique pour réussir à contourner l’obstacle. Il faudra ensuite tunnéliser la sonde au-dessus de la clavicule jusqu’à la loge, ce qui comporte un risque plus important d’érosion et de fracture de sonde à long terme.
Une dernière solution est de mettre en place la nouvelle sonde par voie controlatérale et de la tunnéliser ensuite sous la peau devant le sternum jusqu’à la loge. Outre la nécessité de préparer une zone opératoire large, homo- et controlatérale, on altère ici le capital veineux dont on pourrait avoir besoin dans le futur.
Franchir l’obstacle veineux
Si par choix ou par nécessité (présence d’une occlusion centrale), franchir la sténose/occlusion est la solution retenue, il est impératif d’avoir une bonne imagerie en réalisant une injection de produit de contraste avec un désilet positionné contre l’obstacle. Dans la plupart des cas, il existe un passage résiduel au travers de la sténose.
La première étape est alors de franchir l’occlusion avec un guide hydrophile de 0,014 ou 0,035 pouce préformé à 30-45°, en s’aidant d’un torqueur. Le dilatateur du désilet est utilisé pour orienter le guide vers l’orifice d’entrée de la sténose. En cas de difficultés, un cathéter de 5 F hydrophile pour angiographie vertébrale peut être employé afin de mieux orienter le guide et faciliter le franchissement des sténoses très serrées. Une fois l’obstacle franchi, le guide hydrophile doit être avancé dans la veine cave inférieure ou l’artère pulmonaire dans le but de confirmer qu’il est bien dans la bonne lumière. À cet effet, des vues fluoroscopiques en incidences orthogonales peuvent également être réalisées. Le cathéter hydrophile ou le dilatateur de 5 F est ensuite avancé à travers la sténose.
Si le franchissement n’a pu se faire qu’avec un guide 0,014’’, une prédilatation de la zone sténosée est réalisée avec un ballon de 2 à 3 mm de diamètre. Le guide 0,014’’ est ensuite enlevé et remplacé par un guide 0,035’’ pouce extra-stiff.
À cette étape, l’opérateur peut choisir de monter sur le guide rigide des dilatateurs de taille progressivement croissante jusqu’à pouvoir insérer le cathéter pelable de la taille requise pour la mise en place de la nouvelle sonde. En procédant de la sorte, la manipulation de la sonde est cependant toujours plus difficile qu’en effectuant une veinoplastie par ballonnet. Parfois, la zone de fibrose reste infranchissable malgré l’utilisation de dilatateurs.
Dans ce cas, la veinoplastie est une option de choix. Un ballon non compliant de 6 mm x 4 cm est avancé sur le guide et gonflé de 15 à 30 atm, en faisant le premier gonflage à la jonction avec la veine cave supérieure. En effet, une fois gonflé, le ballon va perdre son profil et sera donc plus difficile à avancer si une sténose plus centrale est mise en évidence.
Une fois l’empreinte éliminée, le ballon peut être retiré jusqu’à ce que sa partie distale soit positionnée à l’endroit où était placé sa partie proximale. Cette manœuvre doit être répétée jusqu’à ce que le ballon soit perçu au niveau de la loge. Dans le cas où une empreinte persisterait malgré des gonflages à pression maximale, un ballon en Kevlar gonflé à 30 atm peut être employé.
Si l’empreinte ne se lève toujours pas, un second guide extra-stiff peut être positionné à côté du ballon, et un nouveau gonflage effectué. Cette technique permet d’orienter la force de dilatation au niveau du guide adjacent au ballon et de lever des sténoses réfractaires. Elle est aussi extrêmement utile en cas de retour élastique (recoil) après dilatation classique.
Dans une série récente de 373 patients(3), cette technique a permis de franchir l’occlusion veineuse chez 371 patients, sans complication, avec une durée de procédure moyenne de 13 ± 21 minutes. Chez quatre patients seulement, l’occlusion n’a pu être franchie par le guide hydrophile et une microdissection a été effectuée.
Cette technique est préférée à l’extraction d’une sonde implantée pour permettre le positionnement de la nouvelle. En effet, l’extraction de sonde nécessite une couverture chirurgicale et du matériel dédié qui n’est pas forcément disponible au moment de l’intervention. D’autre part, le coût de l’extraction n’est pas négligeable surtout si la sonde extraite est fonctionnelle. La microdissection est cependant plus complexe que la veinoplastie et requiert du matériel spécifique. Elle peut se faire avec du laser Excimer ou des guides de radiofréquence et n’est pas toujours couronnée de succès (2/4 dans la série de Worley(3)).
Cas particulier de la sténose veineuse du sinus coronaire
Après angiographie du sinus coronaire, il n’est pas rare de constater que la branche cible du sinus coronaire est le siège d’une sténose empêchant de mettre en place même les plus petites sondes ventriculaires gauches du marché (4 F).
Dans ce cas, il est possible de réaliser une dilatation de la sténose veineuse. Pour améliorer le support il est souvent utile de canuler sélectivement la branche cible avec un cathéter préformé (5 F) introduit dans la gaine principale. Un guide souple est ensuite inséré dans la veine en essayant de l’avancer au plus loin. Si possible, un second guide plus rigide est également inséré dans la veine cible. En effet, il est parfois impossible d’insérer un second guide après avoir réalisé quelques gonflages dans la veine.
Ce guide permettra d’augmenter l’efficacité de la dilatation sur des sténoses résistantes. Le ballon utilisé doit être non compliant, d’un diamètre final d’au moins 3 mm et d’une longueur de 14 à 18 mm selon la morphologie de la sténose.
Comme pour la dilatation sous-clavière, il faut commencer la dilatation le plus distalement possible pour ensuite n’avoir qu’à tracter le ballon vers la partie plus proximale. En cas de retour élastique persistant après dilatation effectuée avec un guide rigide à côté du ballon, un stent peut également être déployé avant insertion de la sonde (figure). Dans la série de Worley publiée en 2008(4), aucune complication majeure n’a été déplorée après plus de 250 cas effectués. Il s’agit donc d’une technique sûre et efficace si l’on respecte les différents temps de la procédure.
Figure. A : Vue angiographique en oblique antérieur droit. Sténose très serrée à la partie proximale de la veine latérale. B : Implantation d’un stent au site de dilatation devant l’impossibilité de franchir la sténose, même après veinoplastie. C : Position finale de la sonde ventriculaire gauche.
Conclusion
La dilatation d’une sténose ou d’une occlusion veineuse pour permettre l’implantation d’une sonde de stimulation ou de défibrillation cardiaque est une technique simple, sûre, peu coûteuse et associée à un fort taux de succès.
Au vu du nombre croissant d’interventions à réaliser alors que le patient est déjà porteur de sondes implantées, la présence d’obstacles veineux est une situation que le stimuliste doit apprendre à gérer au mieux.
Dans ce contexte, l’angioplastie est une méthode préservant le capital veineux, se devant d’être envisagée avant de proposer une éventuelle extraction.
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