Publié le 14 déc 2016Lecture 5 min
Utilité de la stimulation programmée non invasive des stimulateurs cardiaques
O. PAZIAUD, service de rythmologie, Centre Cardiologique du Nord, Saint-Denis
Si l’objectif principal du stimulateur cardiaque reste d’assurer au patient une cadence ventriculaire ou atrioventriculaire satisfaisante, les prothèses actuelles possèdent de nombreux algorithmes parfois ignorés, souvent sous-utilisés. La stimulation programmée atriale non invasive qui a pour but de limiter le nombre et la durée des épisodes des troubles du rythme supraventriculaire en fait partie, à juste titre ?
La présence d’une fibrillation atriale (FA) chez les patients implantés d’un stimulateur cardiaque est fréquente, pouvant atteindre de 50 à 65 % selon les études. Ces épisodes, le plus souvent asymptomatiques, sont associés à une augmentation significative des passages en fibrillation atriale persistante, mais aussi à des accidents vasculaires cérébraux (AVC) et des décès(1). Depuis plus de 20 ans les rythmologues ont tenté de définir le mode de stimulation optimal permettant, grâce aux différents algorithmes des prothèses, de limiter la survenue de FA.
Les premiers résultats positifs portent sur les algorithmes de limitation de la capture ventriculaire chez les patients qui gardent une conduction auriculoventriculaire spontanée. Il existe le plus souvent une diminution significative des épisodes de fibrillation atriale(2) et/ou d’insuffisance cardiaque aboutissant à une recommandation de classe I(3) pour les patients avec une dysfonction sinusale ou un BAV paroxystique. Il est cependant intéressant de noter que les dernières études publiées trouvent des résultats plutôt contradictoires(4).
Les résultats sont moins probants concernant l’utilisation de la stimulation atriale non invasive, ou plus largement, des différents algorithmes de prévention de la fibrillation atriale. Si l’on se réfère aux dernières recommandations de l’ESC, « il existe des preuves solides que les algorithmes conçus pour limiter la FA n’ont pas d’avantages supplémentaires en termes de prévention » terminant même par « d’autres essais sont peu susceptibles de modifier cette analyse ». En effet, de nombreuses études ont été réalisées entre 2003 et 2012 avec des résultats décevants.
Il existe macroscopiquement trois algorithmes de prévention : la préférence à la stimulation atriale pour limiter les extrasystoles atriales (ESA), la stabilisation du rythme atrial pour limiter les cycles longs-cycles courts en présence d’ESA et un overdrive atrial après retour en rythme sinusal pour limiter les récidives. S’y associent des thérapies sous forme de stimulations antitachycardiques (SAT), bursts ou ramps, pour tenter de réduire les arythmies atriales organisées. Les résultats montrent que les différents algorithmes utilisés isolément sont inefficaces, y compris la SAT, que la combinaison des quatre algorithmes donne des résultats contradictoires dans deux séries et, enfin, qu’en aucun cas un bénéfice clinique n’est retrouvé.
La stimulation atriale non invasive peut-elle être utile ?
Probablement, et pour trois raisons.
Les algorithmes de prévention
En restant dans la prévention de la fibrillation atriale ou plus largement des troubles du rythme supraventriculaires, une étude récente, MINERVA, va peut-être relancer l’intérêt pour la stimulation atriale non invasive. Sa particularité est d’associer les trois algorithmes de prévention, la SAT lorsque l’activité atriale devient plus régulière et plus lente et enfin, la préférence à la conduction auriculoventriculaire spontanée (figure 1). Au terme du suivi de 2 ans, il existe une diminution significative de l’incidence des épisodes de FA de plus de 24 heures, de plus de 7 jours et de la FA permanente(5). Il conviendra, bien sûr, de confirmer ces résultats et d’en rechercher un éventuel bénéfice clinique. Des analyses médico-économiques ont déjà montré que l’on pouvait espérer obtenir de substantielles économies de santé avec ces nouveaux modes de stimulation(6).
Quoi qu’il en soit, ces programmations ont clairement montré qu’elles étaient sûres. S’il n’est pas envisageable d’implanter un stimulateur cardiaque dans ce seul but, il serait dommage de ne pas les utiliser chez un patient déjà implanté, – notamment ceux qui présentent des troubles du rythme atriaux organisés –, comme alternative ou en association avec l’ablation par radiofréquence. Les principales marques de prothèses donnent toutes la préférence à la conduction auriculoventriculaire spontanée et proposent ces algorithmes avec quelques variantes.
Figure 1. Exemple de tentative de réduction d’une fibrillation atriale par SAP, adapté de l’étude MINERVA.
Réduire un trouble du rythme mal toléré
La stimulation atriale non invasive peut aussi être utilisée au cas par cas pour réduire un trouble du rythme organisé atrial, jonctionnel ou ventriculaire si celui-ci est mal toléré, en attente ou en alternative à l’ablation par radiofréquence ou en cas d’échec de la prise en charge pharmacologique. Il conviendra, en cas de trouble du rythme atrial de s’assurer de la bonne anticoagulation et de l’absence de thrombus intracavitaire (figure 2). Concernant l’étage ventriculaire, la réduction d’une tachycardie ventriculaire par stimulation nécessitera bien sûr la présence d’un environnement adapté (défibrillateur, réanimation).
Figure 2. Réduction par stimulation d’un flutter.
Une aide au diagnostic
Enfin, elle peut être utilisée à visée diagnostique afin de différencier les flutters communs, dépendants de l’isthme cavotricuspide (ICT), et les flutters gauches(7). L’analyse de l’électrocardiogramme de surface est souvent suffisante, mais 15 à 20 % des flutters ICT dépendants ont une morphologie atypique et parallèlement 25 % des flutters atypiques sont ICT dépendants. La stimulation atriale non invasive permet, en réalisant des manœuvres d’entraînement, de différencier assez élégamment ces deux entités avant une éventuelle prise en charge ablative. Il est ainsi montré que, si la sonde atriale est positionnée dans l’auricule droit, un intervalle poststimulation supérieur à 100 ms témoignera systématiquement de la présence d’un flutter atrial gauche et, s’il est inférieur à 100 ms, d’un flutter atrial droit ICT dépendant dans 86 % des cas (figure 3).
Figure 3. Exemple d’entraînement par la sonde atriale positionnée dans l’auricule. A : aspect ECG compatible avec un flutter ICT dépendant, avec un entraînement négatif (500 ms pour un cycle de 260 ms) attestant d’un flutter gauche qui sera ablaté à l’ostium de la VPIG. B : aspect ECG de flutter atypique avec un entraînement positif (344 ms pour un cycle de 318 ms) attestant d’un flutter ICT dépendant qui sera ablaté avec succès. (D’après Burri et al.)
Conclusion
La stimulation atriale non invasive fait partie des nombreux outils et algorithmes présents dans les stimulateurs cardiaques. Cette programmation sûre peut apporter, chez des patients choisis et préalablement implantés, des bénéfices thérapeutiques, mais aussi une aide diagnostique.
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