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Focus-Nouvelle technique

Publié le 29 juin 2022Lecture 8 min

Angioplastie coronaire sous IVUS sans injection de PCI - À propos d’un patient aux antécédents de choc anaphylactique aux produits de contraste iodés

A. CHACHI, R. CHNIBER, D. BROUCQSAULT, A. LALOU, C. SEUNES, M. VERHAEGHE, J. GREBET, D. PELLETIER DE CHAMBURE*, G. HANNEBICQUE, Service de cardiologie, Centre hospitalier d’Arras, * Service d’immunoallergologie, CHU de Lille

Tout cardiologue interventionnel sera confronté au moins une fois dans sa carrière à une réaction allergique grave aux produits de contraste iodés (PCI). Au-delà de la prise en charge immédiate de cette urgence vitale, la conduite à tenir ultérieure vis-à-vis de la revascularisation de la cardiopathie ischémique documentée reste problématique

▸ Observation Mme BL, âgée 58 ans, est admise dans notre service le 12 février 2021 pour un bilan coronarographique motivé par la découverte, dans le cadre d’un bilan préopératoire, d’un tracé ECG d’infarctus inférieur semi-récent précédé dans les 15 jours d’un bref épisode de douleurs thoraciques. La FEVG échographique est préservée, suggérant d’emblée la persistance d’une viabilité. La patiente a pour facteurs de risque un diabète de type 2, un surpoids (IMC à 27,3), un tabagisme actif et une hyper-cholestérolémie. Elle est aussi porteuse d’un psoriasis et signale un antécédent d’allergie aux céphalosporines. Son traitement à l’admission comporte : aspirine, ticagrélor, atorvastatine, metformine, ramipril, bisoprolol et pantoprazole. Une coronarographie est réalisée le jour même par voie radiale droite au Centre hospitalier de Lens. L’injection sélective de la coronaire droite objective une longue sténose serrée englobant les premier et deuxième segments (figure 1, A et B). Dès la troisième et dernière injection de PCI sur la coronaire droite, la pression artérielle chute évoquant d’abord une origine vagale. Malgré la persistance d’une hypotension artérielle sous remplissage par sérum salé, l’examen est poursuivi et permet de confirmer rapidement la normalité du réseau coronarien gauche. La patiente a alors reçu 37cc de PCI (Visipaque 320). En dépit du remplissage, l’état hémodynamique continue de se dégrader avec une TA systolique qui atteint 40 mmHg associée à l’apparition d’une éruption cutanée urticarienne. La conscience est préservée. Il n’est pas observé de bronchospasme ou d’œdème de Quincke. Le diagnostic de choc anaphylactique aux PCI est alors évoqué et la patiente bénéficie de plusieurs bolus d’adrénaline relayés par une perfusion en seringue auto-pulsée et de l’injection de solumédrol. Au terme de 10 longues minutes d’injections itératives d’amines, l’état hémodynamique se stabilise enfin. Aucune intubation orotrachéale ni ventilation assistée n’est nécessaire. En USIC, au Centre hospitalier d’Arras, les suites sont simples permettant le sevrage en amines en moins de 12 heures. Les signes cutanés rétrocèdent en quelques heures. Conformément aux recommandations de la Société française d’anesthésie et de réanimation (SFAR)(1), des prélèvements de tryptase et d’histamine sont réalisés à la fin de la réanimation, à H3 et H24 et s’avèrent rétrospectivement tous élevés avec une cinétique décroissante. La troponine I s’élève de façon non spécifique à 518 ng/l (N < 45), sans douleur thoracique ou modification ECG. La patiente quitte le service 48 h plus tard. Seuls les bêtabloquants sont retirés du traitement. Le service d’immunoallergologie du CHU de Lille est contacté afin de programmer le bilan spécialisé qui s’impose et qui ne peut être réalisé au plus tôt, selon les recommandations, que 4 à 6 semaines après l’anaphylaxie (risque de faux négatifs en raison de la déplétion des mastocytes). Dans un second temps, en fonction des résultats de ce bilan, une angioplastie de la coronaire droite sera envisagée. Quatre semaines après la réaction, la patiente fait donc l’objet d’une exploration immunoallergologique. Les tests cutanés sont positifs pour le Visipaque en intradermoréaction (IDR), confirmant une allergie IgE médiée et contre-indiquant définitivement son utilisation future. Les tests cutanés reviennent négatifs au Iomeron, au Xenetix, à la Bétadine et au latex. Afin de compléter le bilan, des tests d’activation des basophiles sont réalisés et s’avèrent négatifs pour le Xenetix et le Visipaque, mais la sensibilité de cet examen est mauvaise. Dans le but de proposer une alternative au Visipaque, la patiente a bénéficié de nouveaux tests cutanés, confirmant les résultats précédents et d’un test de réintroduction au Xenetix par voie intraveineuse à une dose cumulée de 11 ml, sans survenue de manifestation d’hypersensibilité immédiate autorisant son utilisation future. Il est également rappelé à la patiente qu’aucune prémédication ne préviendra une éventuelle récidive d’anaphylaxie. Trois mois plus tard, Mme BL est (enfin !) réadmise dans notre service pour son angioplastie coronaire droite. Entretemps, la patiente est restée stable sur le plan coronarien sans angor résiduel. Celle-ci a simplement présenté un épisode de fibrillation auriculaire paroxystique justifiant la substitution de l’association ticagrélor-aspirine par de l’apixaban et du clopidogrel. Après discussion collégiale, il est décidé d’envisager en première intention une angioplastie stenting de la coronaire droite, échoguidée par IVUS sans aucune injection de PCI. Le Xenetix ne sera utilisé qu’en cas d’échec ou de complication de la procédure. La procédure est réalisée par voie radiale 6 F. L’équipe de réanimation locale du CH de Lens est avertie de la stratégie et de ces risques. Le PCI Xenetix est à disposition en salle de coronarographie. L’iconographie précédente de la coronaire droite est affichée en référence sur l’écran. Le cathétérisme de la coronaire droite (JR 4,0 6 F) et l’acheminement du guide SION Blue (Asahi) jusqu’à la distalité de la coronaire droite ne pose aucun problème. Un premier passage de la sonde IVUS est effectué (OptiCrossTM HD 60 MHz, Boston Scientific) qui permet de définir la longueur et le diamètre du ballon puis du stent à utiliser (figure 2, A et B). Une prédilatation par ballon EmergeTM de 3,0 x 20 mm est réalisée, suivie de la pose d’un stent SynergyTM de 3,5 x 48 mm (Boston Scientific). Les différents contrôles IVUS confirment la nécessité, d’une part, d’une postangioplastie au ballon non compliant EmergeTM (3,75 x 20 mm) en intrastent – notamment sur la portion moyenne où il est noté une zone de sous-déploiement sur une calcification excentrique (figure 3) – et, d’autre part, d’un stenting complémentaire jointif par SynergyTM (3,0 x 12 mm) en distalité en regard d’un trait de dissection (figure 4). Le résultat IVUS final est excellent (figure 5, A et B) et la patiente n’a pas de douleurs thoraciques. L’ECG n’est pas modifié. La procédure est finalement réalisée sans aucune injection de Xenetix. Les suites sont simples. Le pic de troponine I est 952 ng/l. La patiente sort le lendemain de sa procédure avec son traitement habituel. Depuis, la patiente reste asymptomatique. L’échographie de stress sous dobutamine effectuée début mai 2022 est négative (maximale). ▸ Discussion La revascularisation d’une cardiopathie ischémique documentée chez les patients authentiquement allergiques aux PCI est complexe. Idéalement, tous ces patients devraient faire l’objet d’un bilan immunoallergologique en milieu spécialisé qui permettrait de confirmer formellement l’allergie au PCI utilisé et d’identifier si possible un PCI neutre sur le plan allergologique (tests cutanés puis tests de réintroduction par voie IV du dit PCI négatifs). En contrepartie, la réalisation de ce bilan est longue (plusieurs mois dans notre observation en période de crise sanitaire) et souvent incompatible sur le plan temporel avec l’urgence relative de la revascularisation. De toute façon, les tests cutanés ne peuvent être réalisés que 4 à 6 semaines après l’évènement allergique initial. Les alternatives de revascularisation • La chirurgie de pontage coronaire est une option possible mais qui, bien sûr, ne peut s’a pliquer à tous les patients. • Le choix d’une angioplastie avec injection d’un PCI identifié présumé non allergisant est possible en gardant à l’esprit que la sensibilité et la spécificité de ces tests allergologiques ne sont pas de 100 %. Cette angioplastie (très !) différée sera donc réalisée en présence de l’équipe de réanimation, après arrêt préalable des bêtabloquants, après prémédication certes empirique par corticoïdes et antihistaminiques, et en débutant la procédure par des injections de PCI de faible volume. • L’angioplastie stenting sans injection de PCI, guidée par IVUS constitue une stratégie séduisante et efficiente. Cette procédure inhabituelle doit être anticipée et discutée étape par étape de façon collégiale. Le plan de vol idéal d’une angioplastie coronaire sans injection de PCI et sous IVUS pourrait être celui décrit dans l'encadré(2) ci-dessous. Il est clair que, comme dans notre observation, la connaissance préalable de l’anatomie coronaire facilite grandement la procédure de stenting sans PCI sous IVUS. Dans le cas contraire, la prise en charge se complexifie encore plus. STEMI ou NSTEMI Le cas de figure du STEMI ou du NSTEMI à très haut ou haut risque développé chez un patient authentiquement allergique au PCI et malheureusement non exploré sur le plan immunoallergologique et reste sûrement le plus difficile à gérer. Au-delà de la discussion sur le rapport risque bénéfice de l’examen, il est souhaitable d’envisager collégialement avec un allergologue, l’utilisation d’un autre PCI (par exemple, remplacement du Visipaque, dimère non ionique par un monomère ionique de type Xenetix dont le risque d’allergie croisée semble moins important qu’avec de l’Ul-travist, l’Iopamiron ou de l’Omnipaque). Les premières injections de PCI seront prudentes et idéalement un anesthésiste réanimateur sera présent en salle. La prémédication souvent réalisée n’empêchera pas la survenue d’une récidive d’anaphylaxie. En cas d’angor stable justifiant une coronarographie, un bilan préalable allergologique s’impose. Pour les NSTEMI à bas risque, un test d’ischémie non invasif permettra de temporiser et de réaliser l’exploration de cette allergie. Dans l’avenir, si l’angio-IRM réussit à s’imposer comme une exploration fiable et vulgarisable de l’anatomie coronaire, cet examen pourra sûrement simplifier la prise en charge de ces patients Les concepts de l’ultra-low coronarography puis du zero contrast angioplasty se sont développés essentiellement chez les coron riens insuffisants rénaux chroniques qui payent un très lourd tribut à court et moyen termes de la néphrotoxicité des PCI. Ces procédures d’angioplastie sans ou avec très peu d’injections de PCI sont désormais reconnues comme faisables et fiables. L’absence d’étude randomisée, malgré une méta-analyse favorable(4), explique probablement pourquoi cette pratique n’est pas encore intégrée dans les recommandations des sociétés savantes. Quoi qu’il en soit, la pratique d’une angioplastie sans injection de PCI et sous IVUS dans les suites d’un choc anaphylactique n’est qu’exceptionnellement rapportée dans la littérature(5).

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