Mise au point
Publié le 25 oct 2024Lecture 19 min
Le syndrome coronarien chronique - Lecture critique des recommandations de l’ESC 2024
Romain CADOR, Hôpital Saint-Joseph, Paris
Les recommandations de l’ESC sont toujours un rendezvous attendu, car elles permettent, tous les 4 ans, d’actualiser les bonnes pratiques sur la base des nouvelles données publiées durant cette période. Un an après celles portant sur le syndrome coronarien aigu (SCA), les recommandations relatives aux syndromes coronariens chroniques (SCC) étaient particulièrement attendues, notamment en raison des récentes études telles qu’ISCHEMIA et REVIVED, qui laissaient présager une réécriture significative.
Bien que leur présentation soit souvent indigeste, avec ses 93 pages et 1 200 références bibliographiques, ainsi que des répétitions et des recoupements avec d’autres recommandations, elles constituent néanmoins un exercice de synthèse remarquable. De plus, elles témoignent d’une réelle évolution de nos pratiques.
La stratification du diagnostic et du pronostic repose désormais principalement sur l’imagerie par scanner et les critères anatomiques, au détriment de l’évaluation de l’ischémie et des aspects fonctionnels.
La revascularisation par angioplastie continue de perdre de son importance.
Certaines techniques, ainsi que l’implication du patient, sont valorisées à l’extrême comme gage de modernité. De plus la cohésion globale du message est parfois sacrifiée au profit de partis pris d’experts.
Il est crucial de veiller à ce qu’elles, au lieu d’inspirer de meilleures pratiques, ne se déconnectent pas totalement de la réalité de la pratique quotidienne.
Pour mémoire, cette nouvelle dénomination des syndromes coronariens chroniques, apparue en 2019, englobe des présentations cliniques très hétérogènes regroupées artificiellement :
• L’angor induit par le stress ou équivalent avec coronaropathie obstructive.
• L’angor ou équivalent sans maladie coronaire obstructive (ANOCA/INOCA).
• L’ischémie myocardique silencieuse.
• Un état stabilisé après un syndrome coronarien aigu, une angioplastie ou un pontage.
• La dysfonction VG ou l’insuffisance cardiaque d’origine ischémique.
C’est du reste probablement la plus grande difficulté de ces recommandations de couvrir autant de pathologies différentes avec un message commun qui s’applique en réalité principalement à l’angor stable. Pour cette édition, un chapitre très détaillé sur les ANOCA/ INOCA propose une synthèse très pédagogique des connaissances, malgré le manque de certitudes tant sur le plan diagnostique que thérapeutique.
La dysfonction VG est évoquée principalement par le biais de sa revascularisation sans jamais aborder la question de la place de la recherche de viabilité.
L’ischémie silencieuse est une fois de plus sur volée alors que les recommandations paraissent d’autant plus importantes pour cette question majeure pour laquelle si peu de certitudes sont disponibles.
Parmi les grandes tendances de cette nouvelle version, on observe – dans la continuité des recommandations du syndrome coronarien aigu de 2023 –, l’importance cruciale de l’information éclairée pour le patient. Celui-ci devient un acteur à part entière dans le processus décisionnel, au même titre que la heart team, avec une classe I d’indication concernant tous les aspects de sa prise en charge, qu’il s’agisse du choix des explorations cardiaques pour le diagnostic, du traitement médicamenteux ou de la revascularisation.
Le choix de cette relecture, qui ne se veut pas exhaustive, a été de se concentrer sur trois chapitres principaux : la stratégie de prise en charge, les traitements médicamenteux, notamment antithrombotiques et anti-ischémiques, et les indications de revascularisation.
UNE PRISE EN CHARGE DES PATIENTS EN 4 ÉTAPES
La structuration de la démarche diagnostique devant un syndrome coronaire chronique doit se concevoir désormais en quatre étapes distinctes et successives, chacune déterminant l’organisation de la suivante :
- évaluation initiale de débrouillage ;
- évaluation de la probabilité prétest de maladie coronaire sténosante ;
- confirmation de la maladie coronaire (risque post-test) ;
- prise en charge thérapeutique.
Ce long chapitre, un peu laborieux modifie essentiellement dans la forme la stratégie préconisée en 2019 en 6 étapes.
1re ÉTAPE : évaluation initiale
Cette évaluation de débrouillage réalisée non systématiquement par un cardiologue comprend chez les patients symptomatiques ou à risque une première évaluation visant à écarter les patients présentant des douleurs non cardiaques mais aussi de réorienter ceux présentant un angor instable, un syndrome coronarien aigu, une décompensation cardiaque ou une arythmie.
Outre l’interrogatoire et l’examen clinique avec un ECG, le bilan biologique réalisé à titre systématique comprend les dosages suivants :
- NFS avec hémoglobine ;
- bilan lipidique avec cholestérol LDL ;
- créatinine avec évaluation de la fonction rénale ;
- glycémie avec hémoglobine glyquée ;
- TSH ;
- éventuellement CRP (IIa).
2e ÉTAPE : évaluation de la probabilité prétest de maladie coronaire sténosante
L’objectif de cette étape est d’évaluer une probabilité de maladie coronaire sténosante classée en 5 niveaux de probabilité (figure 1) :
- très faible : ≤ 5 % ;
- faible : 5 à 15 % ;
- modéré : > 15 à 50 % ;
- élevée : > 50 à 85 % ;
- très élevée : > 85 %.
Figure 1. Évaluation prétest de probabilité de maladie coronaire obstructive.
Dans un premier temps, les experts proposent au clinicien d’utiliser le modèle RF-CL (RiskFactor-weighted Clinical Likelihood) calculé à partir de :
• L’interrogatoire du patient et notamment sur les caractéristiques de la douleur et de la dyspnée :
• Douleur (0-3 points)
– Typique par sa localisation (1 point)
– Son aggravation à l’effort ou lors des émotions (1 point)
– Son soulagement au repos ou par les nitrés (1 point)
• Dyspnée (0-2 points)
– Le nombre de facteurs de risque : hérédité, tabagisme, dyslipidémie, hypertension et diabète
• Âge et sexe du patient.
Le 2e temps consiste à implémenter cette première évaluation d’autres paramètres issus des examens complémentaires cardiaques.
• Systématiquement
– Un ECG
– Une échographie cardiaque (classe I) voire une IRM cardiaque si l’échographie n’est pas réalisable ou non conclusive (classe IIb).
• Exceptionnellement :
– Un test d’effort chez les patients sélectionnés non pas à visée diagnostique pour évaluer leur tolérance à l’effort, leurs symptômes, l’existence d’une arythmie et le profil tensionnel (classe I).
– Un Holter ECG garde d’exceptionnelles indications en cas de suspicion d’arythmie (classe I) ou d’angor vasospastique suspecté (classe IIa).
Le Doppler vasculaire n’est pas retenu à ce stade comme un examen pouvant participer au calcul de probabilité.
La 3e implémentation concerne principalement les patients avec un risque prétest faible (5-15 %).
Afin de reclasser leur plus grand nombre en un risque très faible (< 5 %), il est proposé – évolution particulière de ces recommandations – d’intégrer le résultat du score calcique en affinant le modèle RF-CL en un modèle CACS-CL (CACS + RF-CL) (classe IIa).
C’est avec ce même objectif de déclassement que peuvent être envisagées une épreuve d’effort et/ou un Doppler vasculaire (IIb).
Même si cette démarche est en soi extrêmement pédagogique pour appréhender la philosophie de ce que doit être la démarche diagnostique, on peut regretter que l’ESC ne se soit pas donné les moyens de sa politique en fournissant une application disponible sur son site.
Le CACS-CL score peut cependant être approché sur l’application « Calculate by QxMD (Pre-test probability of CAD, CAD consortium) ».
3e ÉTAPE : confirmation de la maladie coronaire (risque post-test)
L’objectif de cette étape n’est plus d’évaluer une probabilité mais d’affirmer ou d’infirmer le diagnostic de maladie coronaire obstructive, mais également d’identifier les patients les plus à risque.
• Choix de l’examen optimal
• Le premier temps consiste à choisir l’examen (ou les examens) optimal pour chaque patient :
– le scanner coronaire désigné comme une évaluation anatomique non invasive ;
– les tests d’ischémie ;
– la coronarographie.
• Le choix de cet examen va s’appuyer sur :
– l’évaluation prétest de la probabilité pré-test (classe I) ;
– de l’existence de critères de gravité (classe I) : modifications ischémiques de la repolarisation de l’ECG de repos ou lors d’une épreuve d’effort, de trouble de la cinétique segmentaire ou une dysfonction VG sur l’échographie cardiaque, d’une hyperexcitabilité ventriculaire, d’un athérome périphérique ou de calcifications sur un scanner thoracique ;
– de la disponibilité et de l’expertise locale des différents examens (classe I) ;
– de l’état général du patient, de ses comorbidités, de sa qualité de vie. Ainsi un traitement médical optimal peut être proposé sans autre examen chez les patients les plus fragiles ;
– du souhait du patient.
Chez certains patients ayant de lourdes comorbidités et une qualité de vie dégradée, il est acté que le traitement peut être débuté sans nécessité de poursuivre les explorations.
Il en est de même chez les patients à très faible risque (< 5 %).
Les patients avec un risque de maladie coronaire compris entre 5 et 85 % doivent se voir prescrire soit un scanner coronaire, soit un test d’ischémie (classe I B) avec cependant une nette préférence donnée pour le scanner.
• Un scanner coronaire est préféré chez le patient suspect d’un SCC à probabilité prétest faible à modérée (5-50 %) à visée diagnostique (mise en évidence d’une maladie coronaire sténosante et par sa capacité à infirmer – rule out – le diagnostic) et pronostique (classe I).
À noter que la FFR-CT apparaît dans les recommandations pour l’évaluation des sténoses intermédiaires proximales (classe IIb).
• Les tests fonctionnels sont indiqués chez le patient suspect d’un SCC à probabilité prétest modérée à élevée (15-85 %) (classe I), à visée diagnostique et pronostique.
Les trois tests sont indiqués (classe I) avec un même niveau de preuve (B) :
– l’échographie de stress couplée à une échographie de contraste dès que ≥ 2 segments sont mal visualisés (classe I) et éventuellement à une analyse de la réserve coronaire dans l’IVA (classe IIb) ;
– l’IRM de stress ;
– la scintigraphie de stress (préférentiellement PET > SPECT).
• Une stratégie séquentielle est également possible pour affiner l’évaluation du risque post-test : un test d’ischémie sera réalisé si le scanner montre l’existence d’une maladie coronaire sans pouvoir en préciser le risque (classe I B) et un scanner si le test fonctionnel n’est pas contributif (classe I B).
La coronarographie à visée diagnostique a presque disparue en première intention sauf dans les rares situations suivantes :
– chez les patients avec un risque prétest > 85 % ;
– chez les patients présentant d’emblée un angor pour un très faible niveau ;
– en cas de critères de gravité :
– modifications ischémiques de la repolarisation sur l’ECG de repos ;
– trouble de la cinétique segmentaire ou une dysfonction VG sur l’échographie cardiaque ;
– hyperexcitabilité ventriculaire.
L’accent est mis sur la nécessité, en cas de recours à une coronarographie, d’une évaluation fonctionnelle en l’absence de test d’ischémie concluants ou dans les ANOCA/INOCA.
• Importance de l’évaluation fonctionnelle en cas de coronawrographie
• Mesures de gradient de pression
La mesure de la FFR/iFR/QFR est recommandée dans l’évaluation fonctionnelle des sténoses intermédiaires (40-70 % pour les sténoses du tronc commun et 40-90 % pour les autres artères) pour guider la revascularisation (classe I).
Les autres marqueurs (Pd/Pa, dPR, RFR, FFR dérivée de l’angiographie) ne doivent être considérées que comme des paramètres alternatifs (classe IIb).
L’évaluation systématique de tous les vaisseaux n’est en revanche pas recommandée (classe III).
• Mesure du débit et de la réserve coronaire
Les mesures (CFR : coronary flow reserve / HSR : hyperaemic stenosis resistance / CFC : coronary flow capacity) peuvent être envisagées en complément d’investigation (classe IIa).
• Évaluation de la microcirculation
L’IMR (index of microcirculatory resistance), produit de la pression coronaire distale en hyperhémie par le temps de transit en hyperhémie) et la MRR (microvascular resistance reserve) sont des bons marqueurs de la microcirculation. Par exemple, un IMR > 25 UI est le témoin d’une dysfonction microcirculatoire.
• Recherche d’un spasme coronaire
• Identification des patients à risque
Le deuxième temps de cette étape est l’identification des patients à haut risque de complications cardiovasculaires (mortalité annuelle > 3 %).
Les résultats de l’étude ISCHEMIA mettant en évidence le bon pronostic des patients y compris chez ceux ayant une ischémie étendue ont reposé le débat sur une supériorité pronostique des critères anatomiques sur les critères fonctionnels. Cette supériorité n’est finalement pas intégrée dans les recommandations, les experts considérant que le biais de sélection des patients dans les études randomisées par rapport aux registres de vraie vie mais aussi le design de l’étude ne permettait pas de conclure définitivement.
Les tests d’ischémie gardent donc leur place avec un même niveau de classe I que le scanner au côté des critères cliniques pour identifier les patients à haut risque :
Cette évaluation repose sur des :
• Critères cliniques (classe I B) : âge, ECG, classe de l’angor, diabète, insuffisance rénale chronique et FeVG.
• Critères anatomiques au scanner (classe I A) :
– sténose du tronc commun ≥ 50 % ;
– patient tritronculaire avec des sténoses ≥ 70 % ;
– patient bitronculaire avec des sténoses ≥ 70 % et atteinte de l’IVA proximale ;
– patient monotronculaire avec une sténose ≥ 70 % de l’IVA proximale et FFR-CT ≤ 0,8.
• Critères ischémiques (classe I B) :
– test d’effort avec score Duke Treadmill < 10 ;
– étendue de l’ischémie > 10 % sur une scintigraphie ;
– ≥ 3 segments ischémiques en échographie de stress ;
– ≥ 2 segments ischémiques en IRM de stress.
Au terme de ce bilan, la coronarographie et éventuellement une revascularisation, sont indiquées :
• Chez les patients à haut risque de complications cardiaques.
• Chez les patients présentant un angor réfractaire.
même, chez les patients pour lesquels les tests non invasifs n’ont pas permis un diagnostic de certitude, la coronarographie est indiquée pour affirmer ou infirmer une maladie coronaire obstructive ou un ANOCA/INOCA avec des tests fonctionnels (classe I).
THÉRAPIE RECOMMANDÉE
Cette prise en charge s’appuie grâce à une bonne information du patient et au recours à une équipe multidisciplinaire sur :
– des mesures générales assez conventionnelles concernant l’hygiène et le mode de vie, l’alimentation et la consommation d’alcool, l’activité physique, la perte de poids, l’arrêt du tabac, les vaccinations très larges ;
– le traitement anti-ischémique ;
– le traitement antithrombotique ;
– le traitement hypocholestérolémiant.
Traitement anti-ischémique
Peu de nouveautés ressortent de ce chapitre consacré au traitement anti-ischémique en dehors de cette rosace de synthèse résumant les différentes molécules disponibles avec leurs indications préférentielles, leurs contreindications relatives ou absolues et les associations à privilégier (figure 2).
Figure 2. Traitement anti-ischémique : rosace de synthèse résumant les différentes molécules disponibles.
Les bêtabloquants et les inhibiteurs calciques restent les molécules à prescrire en première intention (classe I).
Les dérivés nitrés et les dihydropyridines doivent être privilégiés en deuxième ligne, en association aux deux autres molécules (classe IIa).
Le nicorandil est quant à lui déclassé en IIb sans qu’on comprenne les raisons scientifiques profondes et l’ivabradine reste limitée aux patients ayant une dysfonction VG.
Traitement antithrombotique
• Traitement antiagrégant plaquettaire
• Peu d’évolutions ont été constatées chez les patients non revascularisés ou à distance (> 6 mois) d’une revascularisation.
En 2019, la monothérapie par Aspegic® (classe IA) et par clopidogrel comme alternative à l’aspirine (classe IA) était indiquée, avec une indication préférentielle (classe IIB) pour le clopidogrel en cas d’antécédents d’AVC ou d’artériopathie périphérique. Ni le ticagrelor ni le prasugrel n’étaient mentionnés comme monothérapie.
Ces recommandations, enrichies par les études DAP T, COMPASS et PEGASUS, avaient ouvert la voie à une bithérapie (par clopidogrel, ticagrelor 60 mg 2 x/j ou rivaroxaban 2,5 mg 2 x/j) chez les patients à faible risque hémorragique et à risque ischémique élevé (IIa) ou modéré (IIb).
En 2024, la prescription à vie de l’aspirine en monothérapie (75-100 mg/j) reste indiquée pour tous les patients coronariens, avec un niveau de recommandation maximal (classe IA).
Nous attendions avec impatience le positionnement du clopidogrel après la publication en 2021 de l’étude HOST-EX AM, qui a comparé le clopidogrel et l’aspirine chez 5 530 patients après une bithérapie de 6 à 18 mois. Cette étude a montré une diminution significative des complications ischémiques et hémorragiques dans le groupe clopidogrel à 2 ans (5,7 % vs 7,7 %) et à 6 ans.
Malgré ces résultats favorables, confirmés par une méta-analyse de 24 325 patients publiée en 2023, le clopidogrel conserve son statut de 2019 d’alternative en monothérapie à l’aspirine uniquement chez les patients ayant présenté un infarctus ou à distance d’une angioplastie (classe IA au lieu de IB).
L’indication préférentielle du clopidogrel en cas d’antécédent d’AVC ou d’artériopathie périphérique a même été abandonnée.
La publication des résultats de l’étude THEMIS (2019), qui a démontré une diminution du risque d’événements cardiovasculaires mais une augmentation du risque d’hémorragie majeure, renforce l’indication d’un second agent antithrombotique (clopidogrel, ticagrelor 60 mg 2 x/j ou rivaroxaban 2,5 mg 2 x/j) chez les patients à risque ischémique accru sans risque hémorragique élevé (classe IIa A).
• Au décours d’une revascularisation
Les recommandations de 2019 préconisaient une association Aspegic® et clopidogrel pour une durée de 6 mois (classe IA), avec la possibilité de raccourcir cette bithérapie à 3 mois pour les patients à haut risque de complications hémorragiques (classe IIa) et à 1 mois pour les patients à très haut risque (classe IIb). Le clopidogrel était l’inhibiteur des P2Y12 de choix, tandis que le recours au ticagrelor ou au prasugrel était envisagé, mais avec une classe défavorable IIb pour les patients à très haut risque de thrombose de stent.
L’étude française ALPHEUS, publiée en 2020, a randomisé 1 910 patients traités par angioplastie entre une bithérapie aspirine-clopidogrel et ticagrelor-aspirine pendant 1 mois. Les résultats n’ont cependant pas montré de différence significative sur les complications hémorragiques et ischémiques, confirmant ainsi le choix presque exclusif du clopidogrel.
La bithérapie associant 75-100 mg d’aspirine et 75 mg de clopidogrel par jour pendant 6 mois maximum est confortée comme stratégie antithrombotique par défaut après une angioplastie avec stent (classe IA). Chez les patients à haut risque thrombotique, le prasugrel ou le ticagrelor (en plus de l’aspirine) peut être envisagé à la place du clopidogrel pendant le premier mois et jusqu’à 3-6 mois (classe IIb C).
Des évolutions significatives ont été notées concernant le raccourcissement de la durée de la bithérapie après revascularisation.
De nombreuses études, comme GLOBAL LEADERS (2018), STOPDAPT-2 (2019), One-Month DAPT Trial (2021) et MASTERDAPT Trial (2021), ont évalué un raccourcissement de la bithérapie à 1 mois. D’autres études comme T WILIGHT (2019) et SMART-CHOICE (2019) ont étudié une bithérapie de 3 mois.
Les résultats de ces études, qui incluent souvent des patients présentant un syndrome coronarien aigu, sont concordants : aucune n’a mis en évidence une augmentation du risque ischémique avec le raccourcissement de la bithérapie, et beaucoup d’entre elles ont montré une réduction des complications hémorragiques. Une métaanalyse de 11 études randomisées, incluant près de 9 006 patients (42 % de SCC à haut risque hémorragique), a révélé qu’une durée de bithérapie de 1 à 3 mois permettait de réduire non seulement les complications hémorragiques, mais aussi les complications ischémiques et la mortalité.
L’actualisation des recommandations sur le raccourcissement de la bithérapie dans le syndrome coronarien aigu a largement été inspirée par ces études.
La durée par défaut de la bithérapie demeure de 6 mois maximum après une angioplastie avec stent (classe IA). Pour les patients à risque hémorragique, le raccourcissement de la bithérapie à 3 mois devient la norme, avec la possibilité d’un relais par aspirine ou clopidogrel, voire à 1 mois chez les patients à faible risque ischémique (classe IA).
Pour les patients sans risque hémorragique mais à risque ischémique, la bithérapie de 6 mois reste la règle (classe I).
• Traitement anticoagulant
Les recommandations concernant le traitement anticoagulant n’ont que très peu évolué par rapport à celles de 2019.
La procédure d’angioplastie doit être réalisée sous trithérapie : aspirine (si nécessaire avec une dose de charge), clopidogrel et anticoagulant oral direct (AOD) (classe IC).
Les AOD doivent être préférés aux AVK en dehors de leurs contre-indications (classe I).
Lorsque le risque hémorragique élevé l’emporte sur le risque de thrombose du stent ou d’AVC, le rivaroxaban 15 mg par jour doit être envisagé de préférence au rivaroxaban 20 mg par jour et au dabigatran 110 mg deux fois par jour plutôt qu’au dabigatran 150 mg deux fois par jour pendant la durée du traitement (classe IIa). Lorsque les AVK sont seuls indiqués, la cible de l’INR est de 2-2,5, avec un TTR > 70 % (classe IIa). L’utilisation du ticagrelor ou du prasugrel en trithérapie avec un AOD et de l’aspirine n’est pas recommandée (classe III).
Depuis 2019, des études, notamment l’étude AFIRE (2019) et les méta-analyses de Gargiulo (2019), Galli (2020) et Potpara (2020), ont confirmé les résultats des études PIONEER AF-PCI, RE-DUAL PCI et AUGUSTUS, toutes favorisant un allègement des associations antithrombotiques, avec le clopidogrel comme choix privilégié.
Après une angioplastie, la trithérapie d’une durée maximale de 7 jours devient la règle, suivie d’une bithérapie AOD-clopidogrel de 6 mois, puis d’un relais par AOD seul (classe IA). La bithérapie est poursuivie pendant 12 mois chez les patients à haut risque ischémique (classe IA).
La trithérapie peut exceptionnellement être prolongée à 1 mois chez les patients à haut risque ischémique (classe IIa).
Les traitements hypolipémiants
Les recommandations reprennent le schéma thérapeutique de celles du SCA avec des statines aux doses maximales tolérées et des autres hypocholestérolémiants (ézétimibe/ anticorps anti-PCSK9) pour atteindre l’objectif de 0,55 g/l.
On peut noter cependant l’apparition de l’acide bempédoïque, nouvelle classe thérapeutique qui apparaît pour la première fois dans des recommandations.
Les autres traitements médicamenteux
Les inhibiteurs des SGLT2 et les agonistes des récepteurs GLP-1 sont indiqués avec un niveau de classe I chez les patients diabétiques de type 2, quel que soit le niveau de l’hémoglobine glyquée et des autres traitements.
Le sémaglutide peut être envisagé chez les patients obèses (IMC > 27 kg/m²) sans diabète présentant un SCC (classe IIa).
En partie grâce aux résultats de l’étude LoDoCo2 réalisée chez des patients stables, la colchicine (0,5 mg/j peut être considérée (classe IIa).
REVASCULARISATION
Préalable à toute revascularisation
L’information du patient sur les différentes alternatives thérapeutiques, leurs bénéfices ou leurs risques, lui permettant de participer à la prise de décision est au cœur des nouvelles recommandations (classe I).
L’accent est également mis sur l’évaluation du risque (per et postprocédural) nécessaire pour guider la prise de décision d’une revascularisation dans les situations complexes (classe I), notamment par l’utilisation du score STS (classe I) ou du score Syntax.
Indication de la revascularisation
Après la publication des études ISCHEMIA et de CLARIFY notamment, confortant les résultats de l’étude COURAGE et ORBITA, on sentait le frémissement en faveur d’un déclassement des indications pronostiques et fonctionnelles de l’angioplastie chez les patients stables.
Plus que la revascularisation en général, ces études ont en réalité surtout remis en cause l’équilibre entre l’évaluation fonctionnelle et anatomique dans la prise de décision thérapeutique.
Il ressort de ces recommandations que l’ischémie > 10 % très clairement exprimé dans les recommandations de 2018 sur la revascularisation ou de 2019 sur le SCC a disparu des indications pronostiques de revascularisation.
En dehors de la dysfonction VG, la revascularisation n’a d’indication pronostique de première intention que sur des critères anatomiques à la condition le plus souvent d’un angor réfractaire :
– Sténose « fonctionnelle » du tronc commun (amélioration de la survie) (classe I) ;
– Atteinte tritronculaire surtout si angor réfractaire (amélioration de la survie, réduction de la mortalité cardiovasculaire et du risque d’IDM spontané)(classe I) ;
– atteinte mono ou bitronculaire avec sténose de l’IVA proximale si angor réfractaire (réduction de la mortalité cardiovasculaire et du risque d’IDM spontané) (classe I).
En cas de dysfonction VG, l’accent est mis sur l’importance de la heart team (classe I).
En cas d’atteinte multitronculaire, la revascularisation par chirurgie a une indication pronostique si le patient est éligible (amélioration de la survie) (classe I) tandis que l’angioplastie ne peut être envisagée que chez les patients à haut risque chirurgical ou ayant des contre-indications à la chirurgie (classe IIb).
La réalité est que la revascularisation ne pouvait pas être déclassée davantage, cantonnée désormais aux indications le plus souvent fonctionnelles des angors persistant sous traitement médical (classe I).
Pourtant les mêmes experts dans les mêmes recommandations mettaient en avant un certain nombre d’arguments contradictoires.
• Tout d’abord dans l’étude ISCHEMI A , les patient s du groupe revascularisation systématique présentent moins d’infarctus spontanés et une amélioration fonctionnelle de la sévérité de l’angor.
• L’analyse à 7 ans (ISCHEMIAEXTEND) a montré une diminution de 2,2 % du risque absolu de décès cardiovasculaire notamment chez les patients tritronculaires.
• Les méta-analyses de Bangalore (2020) et de Soares (2021) ont conf irmé l’absence de bénéfice sur la mortalité par la revascularisation avec un surcroît d’infarctus périprocéduraux, mais ont également mis en évidence un bénéfice sur la survenue d’angor instable et d’infarctus spontanés et sur les symptômes d’angor chez les patients revascularisés.
• La méta-analyse de Navarese (2021) a même mis en évidence une réduction de la mortalité.
Ces arguments n’ont visiblement pas suffi pour reconnaître une quelconque valeur pronostique de la revascularisation tout venant en dehors de ces indications de niche.
Choix de la revascularisation
Concernant le choix de la revascularisation, on comprend facilement pourquoi la Société européenne de chirurgie cardio-thoracique a approuvé ces recommandations qui n’évoluent que très peu par rapport à celles de 2018. La chirurgie reste la revascularisation préférentielle en cas d’atteinte multitronculaire ou du tronc commun.
• En cas de sténose du tronc commun
La revascularisation chirurgicale est le mode de revascularisation préférentielle chez le patient à faible risque chirurgical que l’atteinte soit multitronculaire ou non (classe I). L’angioplastie garde le même niveau de recommandation qu’en 2019 comme alternative à la chirurgie en cas de sténose du tronc commun et de score Syntax 0-22 (classe IA) et de score 23-32 (classe IIa) à la nouvelle condition de revascularisation aussi complète.
• Chez les patients avec une sténose du tronc commun et score > 33
L’angioplastie gagne une indication de classe IIb chez les patients avec une sténose du tronc commun et score > 33 à haut risque chirurgical mais versus le traitement médical !
• Chez les patients diabétiques
Chez le patient multitronculaire diabétique, la revascularisation chirurgicale est indiquée versus le traitement médical (classe I). En cas de risque chirurgical élevé, l’angioplastie doit être envisagée (classe IIa) versus le traitement médical seul.
• Chez les patients multitronculaires
Chez le patient mutitronculaire non diabétique à bonne fonction VG avec un angor réfractaire, la revascularisation chirurgicale a une indication pronostique et fonctionelle versus le traitement médical (classe I). Dans cette indication, l’angioplastie peut être envisagée chez les patients à score Syntax faible, à la nouvelle condition de revascularisation complète (classe I).
• Chez les patients mono ou bitronculaires
Chez les patients mono ou bitronculaires avec atteinte de l’IVA proximale avec angor réfractaire, les deux solutions de revascularisation par angioplastie et par chirurgie ont la même indication pronostique et fonctionnelle (classe I).
Chez les patients mono ou bitronculaires sans atteinte de l’IVA proximale avec angor réfractaire, l’angioplastie a une indication préférentielle mais purement fonctionnelle (classe I) ; la chirurgie peut être envisagée en cas de lésions non accessibles à l’angioplastie (classe IIb).
Techniques de revascularisation
• La réalisation de l’IVUS et de l’OCT est recommandée pour les procédures complexes (tronc commun, bifurcation à 2 stents, longues sténoses).
• L a FFR est indiquée pour guidée la revascularisation chez les patients multitronculaires (classe I) et peut être considérée à la fin d’une procédure d’angioplastie pour identifier les patients à risque d’angor résiduel (classe IIa), ou afin d’identifier des lésions qui pourraient justifier une angioplastie complémentaire (classe IIb).
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