Publié le 30 nov 2010Lecture 13 min
TCT 2010
C. BENSOUDA, Hôpital européen Georges Pompidou, Paris
La grand-messe de la cardiologie interventionnelle a réuni quelque 10 000 participants à Washington du 20 au 25 septembre 2010.
Par l’étendue de son champ d’action la spécialité non seulement se renouvelle, mais plus encore, relève de nouveaux défis.
On retiendra le traitement percutané des valvulopathies, les innovations dans la conception des stents, la prise en charge pharmacologique des syndromes coronaires aigus et enfin l’angioplastie périphérique.
Valve aortique percutanée
L’historique du remplacement valvulaire aortique percutané n’est plus à rappeler, notamment en France, mais la première étude randomisée PARTNER est (essentiellement) américaine…
Une journée entière a été consacrée au remplacement valvulaire aortique percutané qui est apparu comme l’un des sujets phares de ce congrès.
L’engouement outre-Atlantique, marqué par la future approbation du système CoreValve (Medtronic) en sus de la valve Sapien (Edwards Lifesciences), a été conforté par les études économiques rapportées au système de santé américain, telle que celle présentée par le Dr Tiffini Diage. En comparant l’approche percutanée, le traitement chirurgical classique et le traitement médical, il apparaît, par la réduction de la morbidité et des coûts associés, que le recours au remplacement valvulaire aortique percutané soit adapté chez les patients à haut risque. Et aux États-Unis, tant que c’est cost effective…
L’implantation percutanée des valves aortiques devrait être le nouveau standard thérapeutique pour les patients porteurs d’un rétrécissement aortique sévère récusés pour la chirurgie malgré l’incidence plus élevée d’accidents vasculaires cérébraux et malgré les événements vasculaires majeurs secondaires aux procédures percutanées. L’évolution des valves à long terme reste un questionnement majeur. Telles sont les conclusions de l’étude PARTNER présentée par le Dr Martin Leon (encadré).
Chez les patients avec RA serré non candidats à la chirurgie, le remplacement valvulaire percutané, comparé au traitement médical, a diminué significativement la mortalité toutes causes confondues, le critère composite mortalité toute cause, les hospitalisations répétées et la symptomatologie cardiaque, au prix d’une augmentation significative des AVC et des complications vasculaires.
Le suivi moyen a été de 1,6 an ce qui a permis de confirmer l’absence de dysfonctionnement de la bioprothèse en échocardiographie. Reste la question de la durabilité de la bioprothèse à 5, 10 et 15 ans. Les complications liées à la procédure devraient être réduites par les améliorations des systèmes Sapien XT (Edwards) miniaturisés de 40 % et des systèmes Core- Valve (Medtronic).
L’étude PARTNER II va d’ailleurs évaluer la valve Sapien XT chez des patients à moindre risque.
Plusieurs questions ont été soulevées lors de ce congrès comme l’adéquation des scores de risque chirurgicaux actuellement utilisés comme le Logistic Euroscore et le Society of Thoracic Surgeons score, le premier surévaluant le risque réel, le deuxième le sous-évaluant chez les patients à plus haut risque. Ceci donne tout son intérêt à d’autres modes d’évaluation du risque lors du TAVI comme le Columbia Frailty Index (indice de « faiblesse biologique »), reflétant la moindre réponse physiologique d’un patient face à un stress donné.
Les indications actuellement off label sont de moins en moins marginales et l’extension des indications aux « valves dans les valves » (sur dégénérescence des bioprothèses en position aortique) ou encore à la prothèse en position pulmonaire, ne relève plus de la science-fiction.
Stents de nouvelle génération, innovations et matchs entre stents
Les voies de recherche sont nombreuses entre les DES avec polymère biorésorbable, les DES sans polymère et les stents biorésorbables. Différentes plateformes sont également testées.
BioFreedom « first in man »
On retiendra le suivi de cohorte « first in man » comparant le stent BioFreedom™ (Biosensors International) au stent Taxus® (Boston Scientific) présenté par E. Grube.
L’hypothèse de départ est la possible réduction des événements thrombotiques tardifs imputés, entre autres, au polymère. Par ailleurs, l’arrièrepensée est, de fait, de pouvoir réduire la durée de la double antiagrégation plaquettaire (6 mois recommandés ici). Ce stent sans polymère possède une microstructure permettant un relargage abluminal de Biolimus A9™ : deux doses, faible et standard, de biolimus ont été évaluées.
L’essai a inclus 182 patients avec comme critère principal le late loss à 12 mois, le critère secondaire étant les MACE à 12 mois. Le stent BioFreedom™ dose standard a atteint les critères de noninfériorité sur l’évaluation angiographique. Le taux de MACE à 1 an était de 6,1 % pour ce dernier, de 11,6 % pour le stent faible dose et de 5,5 % pour le Taxus® Liberté™.
La conclusion est que ce stent sans polymère, atteint les critères de sécurité d’utilisation à 12 mois et montre une efficacité comparable au Taxus® Liberté™ sur l’inhibition de l’hyperplasie néo-intimale, avec absence notamment d’événement thrombotique. Un suivi à plus long terme sur des cohortes plus larges est nécessaire.
LEADERS
Les résultats à 3 ans de l’étude multicentrique prospective randomisée de non-infériorité LEADERS (Limus Eluted from A Durable versus ERodable Stent coating), ayant inclus 1 707 patients et comparant le BioMatrix™ (Biolimus A9™, polymère biodégradable [BES] – Biosensors International) au Cypher® Select (sirolimus, polymère permanent [SES] – Cordis) ont été présentés (tableau).
ISAR-TEST 5
L’étude ISAR-TEST 5 compare, sur une cohorte de 3 002 patients, un stent sans polymère en acier inoxydable dont les micropores permettent de libérer une association rapamycine- probucol (dual-DES) à la nouvelle version du stent au zotarolimus, Resolute®, avec plateforme en cobalt chrome et BioLinx Polymer System. Le suivi angiographique à 6-8 mois et le suivi clinique à 12 mois sont en faveur d’une non-infériorité du dual-DES par rapport au stent au zotarolimus.
COMPARE et SPIRIT IV
La suite à 2 ans du match entre le Xience V® à l’évérolimus (Abbott) et le Taxus® au paclitaxel (Boston Scientific) est présentée.
Pour mémoire, les résultats de l’étude de non-infériorité à 1 an COMPARE (Lancet, 16 janvier 2010) ont été confortés par l’étude SPIRIT IV (NEJM, 6 mai 2010) qui a mis en évidence la supériorité du Xience® sur le Taxus® après 1 an de suivi clinique.
COMPARE et SPIRIT IV à 2 ans vont dans le même sens : L’étude SPIRIT IV montre une réduction dans le groupe Xience® de 34 % du risque relatif (RR) de TLR guidé par l’ischémie, de 36 % du RR d’infarctus, de 64 % du RR de thrombose (précoce, tardive et très tardive). On note qu’il n’y a pas de différence significative de mortalité cardiaque entre les deux groupes, et pas de différence significative sur ces mêmes critères chez les diabétiques.
ISAR-TEST 4
Un match indirect et sans vainqueur a eu lieu entre le Xience V® (Abbott) et le Cypher® (Cordis) lors de l’étude ISAR-TEST 4 (2 603 patients) comparant un stent à polymère biodégradable (BP DES) à un stent à polymère permanent (PP DES), en l’occurrence Xience® et Cypher®. À 2 ans, il n’y a pas de différence significative entre Cypher® (18,8 %) et Xience® (16 %) sur le critère principal (mortalité cardiaque, infarctus lié au vaisseau cible et revascularisation de la lésion cible). Pour le critère secondaire (thrombose de stent possible ou certaine), la tendance est en faveur du Xience® sans atteindre de différence significative.
EXCELLENT
La confrontation a par contre eu lieu lors de l’étude EXCELLENT (Efficacy of Xience®/Promus versus Cypher® to rEduce Late Loss in stENT). Il s’agit de la première étude comparant les événements cliniques entre ces deux types de stents, et son objectif est d’évaluer la sécurité d’utilisation et l’efficacité d’un stent à élution d’évérolimus (EES) versus Cypher® (sirolimus, SES). Le critère principal est le late loss à 12 mois chez 1 443 patients revascularisés, dont 40 % de diabétiques, et il n’y a pas de différence significative entre les EES et le SES.
SORT-OUT 4
De même, l’étude de noninfériorité SORT-OUT 4 compare le EES (Promus/Xience®, 1 390 patients) au SES (Cypher Select® plus, 1 384 patients) avec comme critère primaire les MACE (mortalité cardiaque, infarctus du myocarde, thrombose de stent et TVR) à 9 mois. La conclusion est la non-infériorité de l’EES par rapport au SES.
SYNTAX
Les résultats à 3 ans de SYNTAX ont été présentés, avec un intérêt particulier pour le sousgroupe de patients ayant des lésions du tronc commun.
On rappelle qu’à l’ESC 2010 les recommandations ESCEACTS ont « up-gradé » le stenting du tronc commun (isolé ou associé avec une atteinte monotronculaire) de la classe IIb (niveau C) à la classe IIa (niveau B).
Sur les 3 075 patients de l’étude SYNTAX, 705 avaient une lésion du tronc commun (TC). Ils ont été randomisés en un groupe pontage (PAC, 348 patients) et en un groupe angioplastie et stent Taxus® (ATL, 357 patients).
Après 3 ans de suivi :
- la mortalité cumulée est de 8,4 % dans le groupe PAC et de 7,3 % dans le groupe ATL ;
- le taux d’AVC à 3 ans est de 4 % dans le groupe PAC et de 1,2 % dans le groupe ATL ;
- le taux cumulé d’infarctus du myocarde est de 6,9 % dans le groupe ATL et de 4,1 % dans le groupe PAC.
La 3e année, le taux de revascularisation diminue à 3,9 % dans le groupe ATL et à 2,6 % dans le groupe PAC. Ce sont les deux premières années qui voient un taux de revascularisation significativement plus élevé dans le groupe ATL (20 % versus 11,7 % dans le groupe PAC).
Le taux cumulé de MACCE tend également à être plus élevé dans le groupe ATL (26,8 % vs 22,3 %) sans différence statistiquement significative.
Lorsque l’on évalue ces mêmes MACCE en fonction du score de risque Syntax (faible risque < 22, risque intermédiaire entre 23 et 32, risque élevé > 33) l’angioplastie présente un risque moindre dans le groupe à faible risque (222 patients, 18 % de MACCE vs 23 %) alors que la chirurgie est à moindre risque dans le groupe à risque élevé (284 patients, 21,2 % vs 37,3 %).
En conclusion l’angioplastie du tronc commun est une alternative raisonnable à la chirurgie de pontage en particulier dans le groupe de patients dont le score Syntax est faible.
CRISTAL
L’étude prospective randomisée CRISTAL, a comparé l’utilisation de l’angioplastie au ballon à celle du Cypher Select® dans les resténoses après implantation d’un Cypher® (120 patients) ou d’un Taxus® (120 patients). Les patients du groupe Cypher® et du groupe Taxus® ont été randomisés avec un ratio de 2/1 pour recevoir respectivement un Cypher® (80 patients) ou un Taxus® (80 patients) ou pour avoir une angioplastie au ballon (40 patients) ; 80 patients ayant eu une resténose intrastent après BMS ont également été évalués dans cette étude, et ont tous reçu un Cypher Select®.
L’hypothèse de départ était que la mise en place d’un Cypher Select® aurait conduit à un moindre late lumen loss que l’angioplastie au ballon, lors du traitement de la resténose intrastent actif.
Les critères d’analyse étaient le MLD préprocédure, postprocédure et lors du suivi ainsi que le late lumen loss.
Le MLD préprocédure n’était pas différent entre les deux groupes (Cypher® et angioplastie), par contre le MLD postprocédure était significativement plus élevé dans le groupe Cypher® comparativement au groupe angioplastie. La surprise est venue du groupe angioplastie au ballon pour lequel le late lumen loss est de 0,41 versus 0,37 dans le groupe Cypher®. Il faut noter que les MLD lors du suivi étaient plus grands dans le groupe Cypher® que dans le groupe angioplastie au ballon. Donc pas de différence sur le critère primaire qui est le late lumen loss entre le groupe Cypher Select® et dans le groupe angioplastie au ballon, par contre avantage pour le Cypher Select® pour le MLD, le gain initial et le gain net. L’explication plausible est l’effet recoil lié à l’angioplastie au ballon qui interférerait avec l’analyse du critère primaire.
Il n’y a pas eu, par ailleurs, de différence significative entre les groupes pour la mortalité cardiaque, la mortalité non cardiaque et le taux d’infarctus du myocarde.
La différence est venue du taux de TLR de 5,9 % dans le groupe Cypher® comparé au 13,1 % dans le groupe angioplastie au ballon (ce qui représente dans ce groupe plutôt un faible taux).
Il n’y a pas eu de différence de TVR ; 1 cas de thrombose a été décrit dans le groupeCypher®.
Pharmacopée dans les syndromes coronaires aigus
LANCELOT-ACS
Sur le versant pharmacologique de la prise en charge des syndromes coronaires aigus (SCA), l’étude prospective randomisée en double aveugle LANCELOT-ACS, montre les premiers résultats de l’utilisation de l’atopaxar (E5555) un antagoniste réversible du récepteur plaquettaire PAR-I de la thrombine. La thrombine est l’un des plus puissants agonistes plaquettaires, qui agit sur la plaquette via le récepteur PAR-I. Lorsque celui-ci est activé, il entraîne une augmentation de l’expression du récepteur plaquettaire au fibrinogène GPIIb/IIIa.
L’étude a inclus 603 patients en angor instable ou en SCA non ST+ qui ont été randomisés pour recevoir un placebo ou de l’atopaxar avec une dose de charge unique de 400 mg et une dose d’entretien (50, 100 ou 200 mg/j). Le traitement portait sur 12 semaines et le suivi sur 4 semaines.
Le critère primaire était le taux d’hémorragies majeures à 12 semaines.
Il n’y a pas eu de différence significative sur ce critère entre le groupe placebo et le groupe atopaxar. Il a été noté un moindre nombre d’infarctus, de morts cardiaques et d’AVC dans le groupe atopaxar, mais sur une étude non apte à montrer l’efficacité du traitement. Sur l’analyse Holter à 48 heures, l’atopaxar a diminué de 33 % le risque relatif d’événements ischémiques après dose de charge. L’analyse de l’inhibition plaquettaire après dose de charge de 400 mg montre une inhibition significative de l’agrégation plaquettaire en réponse au TRAP (Thrombin Receptor Activated Peptide) de 74 % entre 1 et 3 heures, de 92 % entre 3 et 6 heures, et de 89 % à J 2 avant l’administration de la dose d’entretien.
La conclusion est que l’atopaxar aboutit à une puissante et rapide inhibition du récepteur plaquettaire PAR-I sans augmenter significativement les événements hémorragiques chez les patients ayant un SCA non ST+ avec une tendance en faveur d’une diminution des événements ischémiques sur le Holter ECG à 48 heures. La tolérance à la molécule est moindre pour la dose d’entretien de 200 mg avec une augmentation des transaminases et un allongement du QTc. La pleine sécurité et l’efficacité de l’atopaxar restent à démontrer.
Horizons-AMI
L’étude Horizons-AMI a randomisé 3 602 patients présentant un infarctus du myocarde (STEMI) pour recevoir de la bivalirudine ou de l’héparine non fractionnée associée à un anti-GPIIbIIa.
Les résultats à 3 ans en termes de nouvel infarctus, de thrombose de stent sont comparables dans les deux groupes avec une réduction significative du taux d’hémorragie majeure (réduction de 36 % du risque relatif) et du taux de mortalité cardiaque et de mortalité globale (réduction respective du risque relatif de 44 % et de 25 %) dans le groupe bivalirudine.
Dans cette étude, le stent Taxus® Express™ (paclitaxel) était par ailleurs comparé à un BMS, avec un net avantage à 3 ans pour le Taxus®, avec une réduction significative de 40 % du TLR.
Angioplastie périphérique
L’étude prospective randomisée ZILVER PTX a comparé chez 479 patients un stent actif au paclitaxel (PES) à l’angioplastie au ballon avec stenting provisionnel au stent nu (BMS) dans les pathologies artérielles fémorales superficielles.
À 12 mois les résultats ont été significativement en faveur du PES (perméabilité, taux de resténose).
En sous-poplité, l’étude DES-BTK a comparé un stent sans polymère à élution de sirolimus au BMS chez 161 patients sur des artères de 3,0 ± 0,4 mm dont la lésion était en moyenne de 31 ± 9 mm. La perméabilité à 12 mois était significativement meilleure dans le groupe SES.
L’étude LEVANT I a comparé chez 101 patients, un ballon au paclitaxel (MOXY) à l’angioplastie au ballon classique, dans le traitement de lésions fémoro-poplitées. Le critère primaire, le late loss, était en faveur de l’angioplastie au ballon actif.
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