Publié le 25 juin 2021Lecture 4 min
Cinq fruits et légumes par jour
Patrick LERMUSIAUX, service de chirurgie vasculaire et endovasculaire, Hospices civils de Lyon, CHU de Lyon
Ses parents sont riches et de brillants intellectuels. Tout jeune enfant, il apprend l'anglais avec sa nounou venue de Londres. Bien sûr, il a appris à lire tout seul à l'âge de 4 ans. Il est beau, il est grand, il est décontracté, il a beaucoup d'humour.
Il n’a jamais eu besoin de travailler le soir ou le week-end car les quelques temps morts de la journée de lycée lui permettent de mémoriser ses cours et résoudre les devoirs de mathématiques et de physique. La solution de ces problèmes lui apparaît d’ailleurs en même qu’il est encore en train de lire l’énoncé. Le soir il joue de la guitare, il connaît Bob Dylan par cœur. C’est un grand sportif, il excelle au rugby, il adore aussi passer de longues heures avec ses copains et surtout copines, sur le sable fin des plages de l’Atlantique, en attendant d’attraper la bonne vague, il faut dire qu’il sait les lire comme personne. Il doit intégrer une math sup à Louis-le-Grand, qui l’amènera naturellement à Polytechnique. Pour quelle raison étrange, il décide cependant de s’inscrire en médecine ? Après avoir passé le concours de première année, et les ECN sans difficulté particulière, il choisit chirurgie. C’est curieux car à l’heure actuelle les premiers choisissent ophtalmologie ou cardiologie. Dans la chirurgie, il choisit la chirurgie vasculaire. C’est encore plus curieux, car à l’heure actuelle, la chirurgie vasculaire n’attire pas plus que la médecine générale...
C’est à l’âge de 25 ans qu’il fait la connaissance de celle qui sera bientôt sa femme. Je ne sais pas s’il croit en Dieu, mais en tout cas, le mariage à la cathédrale était impressionnant.
À l’âge de 60 ans, pour son anniversaire et sa récente légion d’honneur, il s’offre une Porsche rouge de collection, vous savez celle qui avait encore un refroidissement à air. Il reste sportif, il ne fume pas, son poids est parfait, il s’autorise 2 verres d’un bon Bordeaux le dimanche. Sa femme et lui sont toujours amoureux, ses enfants s’entendent à merveille et réussissent brillamment.
À 87 ans, bien qu’il ait encore pris sa voiture pour aller faire un tennis, il meurt brutalement pendant son sommeil. On peut dire qu’il aura eu une vie rêvée. Mais voilà, et comme son nom l’indique, une vie rêvée n’existe que dans les rêves. Peut-être l’avez- vous connu, mais pas moi.
Lors de ma consultation, je croise la vie non rêvée de mes concitoyens. Ils ne gagnent vraiment pas beaucoup d’argent et pourtant ils fument. Ils savent qu’il ne faut pas le faire, c’est écrit sur la boîte. Ils ont de l’hypertension artérielle, c’est normal, ils boivent trop d’alcool mais cela les aide à tenir, voire à oublier. Ils n’ont pas le courage de sortir 3 x 1 heure par semaine pour faire du jogging. Il en résulte un muscle Kronenbourg, qui est normalement l’apanage des champions de pétanque. Celui-là a divorcé plusieurs fois, un autre a des enfants qui se déchirent, un autre encore ne voit plus ses enfants. Le plus dramatique est celui qui a perdu l’un de ses enfants d’une leucémie ou d’un accident de moto. Avant de venir consulter pour leur claudication intermittente, beaucoup ont déjà affronté un cancer.
Pour l’extrême majorité des êtres humains, la vie est difficile, alternant les joies, les peines, les succès, les défaites, la maladie. Les injustices sont écœurantes et vont en s’aggravant. Alors oui, nos concitoyens ne prennent pas assez soin de leur santé, comment leur en vouloir ? Chacun fait ce qu’il peut, avec les moyens qu’il a. Certains collègues ne veulent pas prendre en charge le patient qui continue de fumer et pourtant la première chose que font beaucoup de chirurgiens thoraciques après avoir réalisé une pneumonectomie pour cancer, est de sortir du bloc pour fumer une cigarette.
Est-ce que tous nos bons messages vont rendre les gens heureux ? Sont-ils capables de les suivre ? Nos patients ont peut-être envie de vivre comme ils le veulent, comme ils le peuvent, et la maladie ne fait-elle pas partie de la vie ? ou faut-il mourir en bonne santé ?
Alors que viennent faire les cinq fruits et légumes ? Les preuves de leur effet protecteur sur la survenue d’accidents cardiovasculaires sont pratiquement inexistantes, mais alors si on n’en mangeait uniquement parce qu’on aime ça, pour se faire plaisir, juste parce que c’est la vie.
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