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Grand angle

Publié le 15 mar 2019Lecture 11 min

Quel dispositif pour préparer son artère ? Caractéristiques, avantages, inconvénients, et leurs résultats

Jérôme BRUNET, clinique Rhône Durance, Avignon

Préparer un vaisseau, c'est remplir une triple mission : modifier la plaque pour élargir la lumière artérielle afin de réduire le degré de sténose, éviter une dissection de la paroi, et essayer si possible d'améliorer la diffusion des produits actifs antiprolifératifs des technologies à élution médicamenteuse. Le traitement endovasculaire de la maladie artérielle athéromateuse repose depuis 1977 sur l'inflation d'un ballon, dont l'effet associe écrasement de la plaque et étirement du vaisseau.

Les récents essais randomisés sur le ballon actif auront eu le mérite de nous faire redécouvrir l’angioplastie au ballon conventionnel. Une inflation progressive et prolongée donne des résultats finalement honorables, un taux de dissection ou recoil relativement faible (2,5 à 12 %), pour il est vrai, des lésions simples TASC II A/B. Lorsque l’on considère des lésions longues ou calcifiées, les résultats du ballon sont décevants : ouverture incomplète de la lésion, taux élevé de dissection approchant les 50 %. Sur ces lésions complexes l’utilisation d’une autre méthode de préparation doit être envisagée. Les systèmes d’athérectomie Au lieu de fracturer la plaque et d’étirer le vaisseau, le rationnel de l’athérectomie (ATR) est de détruire et/ou d’extraire le matériel athéromateux, avec un triple intérêt théorique : • réduire le risque de dissection postangioplastie, donc un moindre recours au stenting imposé en bail-out ; • réduire la lésion résiduelle, donc optimiser le largage en évitant une expansion incomplète de la prothèse, facteur de resténose et de fracture ; • réduire la charge calcique dont on sait qu’elle constitue un obstacle à la diffusion des drogues antiprolifératives, donc peutêtre une amélioration des résultats cliniques des techniques à élution médicamenteuses. Les systèmes d’ATR qui ont pour objectif la destruction et/ou l’extraction de la plaque, doivent se concevoir dans une approche filoguidée et endoluminale. Ils peuvent être classés en quatre grandes catégories : directionnelle, rotative, orbitale, et laser (tableau). Athérectomie directionnelle Cas clinique n°1 Le système comprend le cathéter d’ATR proprement dit, SilverHawk, TurboHawk , et maintenant HawkOne (Medtronic Covidien), et une poignée de contrôle motorisée. L’opérateur devra orienter le cutter directement vers la plaque jusqu’à son excision totale. Contrairement à tous les autres systèmes, il s’agit d’une ATR latérale. C’est un outil parfaitement adapté aux lésions excentriques (y compris sur des vaisseaux de gros diamètre). Les copeaux d’ATR sont récupérés dans l’extrémité distale du cathéter en aval de la fenêtre de coupe. La mise en place préalable d’un filtre distal est préconisée afin de prévenir le risque d’embolisation distale. Ces deux éléments, pose du filtre, et réservoir distal précédant la lame d’ATR proprement dite, imposent une dilatation préalable des lésions complexes ou occlusives. Il existe une courbe d’apprentissage dans la capacité à maîtriser la profondeur d’ATR. Le risque de traumatisme de la paroi existe, y compris dans des mains entraînées : 4 à 5 % de perforation artérielle, 6 % de fistule AV, 6 % de pseudo-anévrisme(1,2). En outre, une ATR trop profonde risque d’amplifier la stimulation du processus cicatriciel, et venir alors compromettre les résultats de perméabilité. En pratique, plusieurs passages doivent être effectués dans le sens longitudinal selon les différents points cardinaux, rallongeant ainsi la durée de la procédure sur des lésions longues ou étagées. L’utilisation est réservée aux lésions de novo (risque de capture des mailles dans la fenêtre de coupe pour une utilisation intrastent).   Athérectomie rotative Cas clinique n°2 et 3 Le dispositif Phoenix (Philips IGT) est un système autonome constitué du cathéter d’ATR et d’une poignée de contrôle intégrant le moteur. La plaque abrasée par la fraise rotative est évacuée au sein du cathéter par une vis sans fin, de type vis d’Archimède. Le dispositif Jetstream™ (Boston Scientific) va lui aussi abraser la plaque par un système de lames rotatives. Il s’agit du seul dispositif d’ATR doté d’une fonction d’aspiration active impliquant une console additionnelle pour l’infusion de sérum et la réaspiration du matériel d’ATR. Ces deux systèmes sont disponibles en plusieurs tailles sélectionnées en fonction du diamètre de référence vaisseau. Pour les plus gros cathéters, il est possible d’élargir le diamètre d’ATR, soit en déployant des ailettes latérales additionnelles (Jeststream ™) jusqu’à 3,4 mm, soit en orientant l’extrémité distale déflective (Phoenix) de 2,4 mm, permettant d’aller gratter les lésions excentrées. La différence fondamentale avec l’ATR-D, c’est l’attaque non pas latérale mais frontale de la plaque par la fraise située à l’extrémité distale du cathéter. La prise en main est simple sans gros risque de traumatisme pariétal à condition de respecter les consignes de ratio fraise/artère. La procédure est rapide. Le temps d’ATR est court. Il ne sera pas nécessaire de prédilater avant d’aborder une occlusion ou une sténose sub-occlusive. Il ressort, de notre expérience sur les lésions de novo, comme dans les registres observationnels publiés, un faible taux d’embolisation : 1 % dans EASE pour le Phoenix(3), 1,4 % dans JET-Registry pour le JetstreamTM(4), ne justifiant donc pas de filtre distal. La resténose intrastent n’est pas une limitation à l’ATRR. Cependant, le registre de faisabilité JETSTREAMISR a simplement confirmé l’absence d’interaction entre le dispositif et l’endoprothèse sans démontrer l’intérêt clinique du Jeststream ™ pour la resténose(5). Cas clinique 2 Cas clinique 3 Athérectomie orbitale Cas clinique n°4 Le système comprend le cathéter Stealth, connu en cardiologie sous le nom DiamondBack (CSI, distribué en France depuis le début 2019 par OrbusNeicht), un guide 0,14 spécifique (Viper®), une poignée de contrôle et une console type pompe péristaltique infusant un lubrifiant spécifique (ViperSlide). C’est une couronne asymétrique sertie de diamants qui va, par rotation excentrique, venir abraser la plaque athéromateuse, sans compromettre les tissus sains. Il n’y a pas de système de récupération des débris générés, considérés comme inférieurs aux éléments figurés du sang. Une vigilance s’impose toutefois quant au risque de dégradation de la qualité du flux distal, notamment lorsque le run-off est très précaire. Il faut raccourcir les séquences de fraisage en intercalant des séquences de perfusion (ratio 1/1 entre le temps de fraisage et le temps de flush). Le diamètre du tunnel d’ATR varie avec le choix du type de couronne (Solid, Classic ou Micro), avec le nombre de passages (élargissement de l’ellipse à chaque séquence), et avec la vitesse de rotation, permettant ainsi d’aborder des lésions étagées, supra et infrapoplitées, par exemple, avec un seul cathéter. L’utilisation dans la resténose intrastent est contre-indiquée. Athérectomie laser Cas clinique n°5 Le laser (light amplification by stimulated emission of radiation) de type Excimer (Philips) est produit par l’application d’un voltage élevé à une solution dimérique de xénon et d’hydrogène chloré, avec comme conséquence la formation de photons responsable d’un triple effet photochimique, photothermique et photomécanique permettant de dissoudre les tissus au sein de l’artère. Le système comprend la fibre laser et le volumineux générateur CVX300® (Philips IGT). On préconise classiquement deux passages à énergie croissante (puissance variant entre 30 et 60 mJ/mm2, fréquence de tir variant de 25 à 80 Hz), avec progression lente et maîtrisée du cathéter ne devant pas dépasser 0,5 à 1 mm/s, pour d’une part, réduire le risque d’embolisation distale (en particulier sur l’ISR occlusive à haut potentiel emboligène), mais aussi pour obtenir un diamètre d’ATR le plus large possible. La fibre TurboPower ™ devrait se substituer prochainement à la TurboTandem ™ (marquage CE février 2019). Elle délivre un tir asymétrique et devrait permettre de gagner au moins 10 % par rapport à la fibre TurboElite ™ utilisée habituellement. Le calcium n’est pas le terrain de prédilection de ce système. Le laser est particulièrement intéressant dans l’hyperplasie intimale, seul système d’ATR validé dans le traitement de la resténose intrastent sur la base de l’étude randomisée EXCITE ISR(6). Enfin, il s’agit du seul système d’ATR pouvant être utilisé wireless comme outil de franchissement, soit en technique step by step (fibre TurboElite ™, PHILIPS IGT), soit purement non filoguidée (fibre Dabra™, Ra Medical, non distribuée en France). Athérectomie : résultats Quel que soit le dispositif utilisé, les résultats immédiats sont globalement satisfaisants en termes de succès technique. Beaucoup moins de dissections qu’avec le ballon : 1,8 % avec le SilverHawk vs 18,5 % avec le ballon pour l’essai randomisé DEFINITIVE AR(2). Le corollaire est un faible taux de stenting en bail out, y compris pour les lésions très calcifiées, 3,4 à 7 % avec le SilverHawk(7,8). Il n’est pas possible aujourd’hui d’apprécier et de comparer les différents dispositifs entre eux : il y a peu de data, la littérature disponible est très hétérogène en termes de protocole ou de population étudiée, les différences dans le mécanisme d’ATR ne permettant pas enfin d’extrapoler les résultats obtenus avec tel ou tel dispositif. Ce qui est sûr, c’est que l’évolution est décevante lorsque l’ATR est utilisée seule, la perméabilité primaire à 1 an est en moyenne de l’ordre de 60 %. La perméabilité est bien meilleure si l’on utilise un ballon actif en complément de l’ATR. Dans le registre rétrospectif monocentrique JET-SCE sur 75 lésions fémoropoplitées traitées par Jetstream™, le taux de revascularisation de la lésion cible (TLR) à 16 mois atteint 46 % dans le bras ballon, s’améliorant de manière spectaculaire à 5,5 % si l’on combine le Jetstream™ à un ballon actif. On obtient dans deux essais randomisés avec le SilverHawk™ des résultats encourageants à 1 an en association au ballon actif : perméabilité primaire à 84,6 %, TLR à 11 % sur l’axe fémoropoplité(2), perméabilité primaire 88 % et TLR 7,3 % sur la fémorale commune(9). Toutefois, il n’y a pas de bénéfice statistiquement significatif par rapport à la stratégie ballon actif seule dans ces deux essais. Enfin, on note des résultats préliminaires prometteurs, en tout cas supérieurs au ballon conventionnel en infrapoplité dans le registre XLPAD(10). Les ballons spécifiques Le rationnel de ce type de dispositif est de dilater l’artère, comme le ferait un ballon conventionnel, mais en réduisant le risque de dissection. Cutting balloon (Boston Scientific) L’expansion du ballon sera facilitée par la fissuration de la plaque par 3 ou 4 lames de bistouri placées longitudinalement à la surface du ballon. Il est utilisé le plus souvent sur des lésions fibrocalciques indilatables avec un ballon conventionnel ou sur des lésions de resténose intrastent (ISR). Le profil rend le franchissement parfois difficile et la rigidité du dispositif impose une longueur de ballon réduite (10 à 20 mm). Scoring balloon Le ballon semi-compliant est enveloppé par une structure de filaments rectangulaires de nitinol dont la fonction ici aussi sera de favoriser la fissuration de la plaque. Cette structure nitinol est longitudinale (Ultrascore™, Bard) ou hélicoïdale (AngioSculpt®, Philips IGT). Le dispositif est plus souple qu’un cutting, permettant de développer de plus grandes longueurs, jusqu’à 200 mm pour l’AngioSculpt® XL, 300 mm pour l’Ultrascore™, les diamètres s’échelonnant de 2 à 8 mm. Il existe finalement peu de données publiées : un registre sur 56 lésions infrapoplitées dont on peut retenir un faible taux de dissection (10,7 % de stenting)(11), et un registre observationnel sur 124 lésions calcifiées fémoropoplitées(12). Chocolate™ PTA balloon (Medtronic Covidien) Le maintien d’un diamètre constant par un corsetage grillagé en nitinol, sur toute la longueur du ballon lors de l’inflation, permet d’éviter l’effet « os de chien » et donc le risque de dissection aux extrémités proximale ou distale. Chocolate™, disponible en diamètre 2-6 mm et en longueur 20-120 mm, évalué dans le registre multicentrique Chocolate BAR (Chocolate Balloon Angioplasty Registry) sur 290 lésions fémoropoplitées atteint son objectif avec une quasi-absence de dissection grave et donc un très faible taux de stenting en bail out (1,6 %). Utilisé seul, la perméabilité primaire à 1 an est de 64 % dans ce registre(13). La scarification de la plaque par ces dispositifs pourrait permettre en outre de faciliter la diffusion des produits actifs antiprolifératifs et d’améliorer l’efficacité des technologies à élution médicamenteuse. Le produit actif serait administré dans un 2e temps, via un ballon actif, ou dans le même temps en déposant le paclitaxel directement sur l’AngioSculpt® (AngioSculpt® X) ou prochainement sur le Chocolate™. Le bénéfice clinique reste à démontrer. Lithotripsie intravasculaire : Shockwave Le système Shockwave (Shockwave Medical) comprend un générateur connecté à un ballon d’angioplastie. Ce ballon est muni de plusieurs émetteurs de lithotripsie dont la fonction est de générer une onde sonore qui va venir fragiliser et fracturer la plaque calcaire adjacente, permettant ainsi d’ouvrir des lésions calcifiées avec des pressions d’inflation relativement basses, 6,5 mmHg en moyenne dans le registre multicentrique Disrupt PAD II(14). Il s’agit d’une technique récente, bien sûr encore peu de données en termes de perméabilité, mais on peut d’ores et déjà noter un succès technique de 100 %, une quasiabsence de dissection grave et donc un très faible taux de stenting (1,7 %) dans Disrupt PAD II. Dans sa version périphérique, le ballon est disponible en diamètres 3,5 à 7 mm pour une longueur de 60 mm. Conclusion Il existe dès aujourd’hui plusieurs situations paraissant légitimes pour préparer un vaisseau autrement qu’avec un simple ballon, si bien utilisé soit-il : les lésions massivement calcifiées, les lésions de resténose intrastent, les patients ou les localisations lésionnelles peu propices au stenting. Dans notre pratique, les petits vaisseaux diabétiques, la poplitée du claudiquant, la bifurcation poplitéo-jambière constituent aujourd’hui les indications principales, les lésions jambières ou la bifurcation fémorale seront peut-être les indications de demain. La perméabilité est donc bien meilleure lorsque l’on utilise une association ATR + ballon actif mais aucun élément ne vient accréditer à ce jour le fait que cette stratégie soit supérieure à la mise en place d’un stent moderne sur des lésions tout venant. Qu’il n’y ait pas donc pas d’ambiguïté : ne pas mettre de stent n’est pas forcément une fin en soi. Si c’est une stratégie « stent » qui a été planifiée, l’ATR assurera un déploiement optimal de la prothèse en réduisant la charge calcique. Mais si c’est une stratégie « no stent » qui a été retenue, l’objectif de réduire le recours du stenting non maîtrisé par une préparation du vaisseau via ATR est atteint et il faudra alors utiliser en complément un ballon actif à titre systématique. Le choix du matériel est multifactoriel : diamètre de référence, localisation supra ou infrapoplitée, degré de calcification, lésion concentrique ou excentrique, de novo ou ISR, courte, longue ou occlusive, sans oublier les éventuels partenariats avec l’industrie et/ou les contraintes d’un référencement d’appel d’offre. Une utilisation systématique est à l’évidence prématurée dans l’attente de résultats cliniques robustes. La question est de savoir dans quelle mesure le bénéfice escompté lors de la préparation du vaisseau, par ATR notamment, n’est-il pas contrebalancé par une réponse cicatricielle exacerbée induite par l’agression. Le type d’ATR, mais aussi sa profondeur, ont sans doute leur importance. Quoi qu’il en soit, la preuve scientifique reste un prérequis à la généralisation de ces outils comme gold standard de la préparation du vaisseau.

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