Publié le 31 mar 2013Lecture 10 min
TAVI : questions d’actualité
M. DEKER
Pour cette technique encore jeune qu’est le TAVI, il reste plusieurs questions à résoudre telles que mieux comprendre le mécanisme des fuites paraprothétiques et savoir y remédier, choisir la voie d’abord, mieux évaluer les patients candidats au TAVI. En 2013, les résultats sont incontestablement bons, avec un succès de la procédure dans plus de 95 % des cas, une amélioration précoce des symptômes, qui s’amplifie dans le temps, et de la qualité de vie.
Prévention et gestion des fuites paraprothétiques
Les fuites paraprothétiques post-TAVI de grade 3 ou 4 concernent 10 à 20 % des patients, dans toutes les études. Ce pourcentage atteint 40 % si l’on ajoute les fuites de grade 2, lesquelles sont également associées à une surmortalité, que la fonction ventriculaire gauche (VG) soit normale ou altérée. Idéalement, la prothèse doit être positionnée de telle manière que la jupette coïncide avec l’anneau virtuel, afin d’assurer l’étanchéité. En pratique, les fuites paraprothétiques répondent à trois mécanismes :
– un positionnement trop haut de la prothèse, entraînant une fuite par le bas, ou trop bas, avec une fuite par le haut ;
– une prothèse sous-dimensionnée, avec des fuites le long de la prothèse, correspondant à un index de couverture de la prothèse < 8 % (index = (100 x [DTAVI – DETO]/DTAVI) ;
– un anneau très calcifié : score d’Agatson > 2 200, calcifications majeures dans la zone de landing, asymétriques, non-fusion commissurale.
Si la technique de référence dans l’évaluation des fuites reste l’échographie, celle-ci pèche par l’absence de critères de quantification validés et son caractère opérateur-dépendant. L’IRM a sans doute sa place ici en permettant avec une simple séquence en contraste de phase une évaluation quantitative grâce au calcul de la fraction de régurgitation. Elle n’a fait l’objet que de peu d’études, comme l’échographie 3D qui est également intéressante pour localiser et quantifier les fuites, en planimétrie de la veina contracta. L’évaluation hémodynamique est plus intéressante, par l’index de régurgitation aortique (IRA = [PDA-PTDVG)/PSA] x 100) : un IRA < 25 est associé à une nette augmentation de la mortalité. Dernière méthode, l’évaluation par angiographie sus-sigmoïdienne offre une évaluation directe de la fuite pendant la procédure et sa classification (Sellers).
La prévention des fuites paraprothétiques repose sur l’adéquation de la taille de la prothèse au sizing de l’anneau. Il existe de nombreuses méthodes pour « sizer » l’anneau, qui ne mesurent pas la même chose. En échographie, on mesure le petit diamètre de l’anneau ; le scanner, grâce à son imagerie tridimensionnelle, permet de mesurer le petit et, surtout, le grand diamètre de l’anneau (généralement de forme ovale), ce qui explique que les mesures au scanner soient toujours de taille supérieure à celles obtenues en échographie transthoracique (ETT), d’environ 1,5 mm. La mesure au scanner du diamètre moyen (Dmoy) de l’anneau virtuel à la base des sigmoïdes aortiques et le calcul de la surface (S) de l’anneau semblent plus performants que l’échographie pour déterminer la taille de l’anneau (valves > 1 mm/Dmoy et S valve > 10 %/S anneau). Le choix de la valve dépend donc de la méthode d’imagerie (tableau ci-dessous) ; au moindre doute, reste la méthode rouennaise avec injection sus-sigmoïdienne per-procédure pour vérifier la bonne coaptation du ballon avec l’anneau.
La procédure d’insertion de la valve nécessite de sélectionner la bonne incidence, en s’aidant du scanner réalisé avant la procédure, afin de choisir le plan d’alignement des 3 sigmoïdes ; ce repérage est facilité par un logiciel d’angiographie.
Une fois la valve positionnée, on réalise une inflation longue de 6 à 10 s. Si une fuite ≥ 2 persiste à l’échographie, il faut vérifier le positionnement de la valve, son impaction et l’absence de calcification. En cas de malposition, une procédure de valvein- valve peut être réalisée ; sinon, une réimpaction peut être tentée si nécessaire, au prix d’une augmentation du risque d’AVC, mais sans altération des résultats hémodynamiques. Des systèmes de plug ou d’ombrelle sont à l’essai pour les fermetures de fuites paraprothétiques chirurgicales. En dernier lieu, on peut essayer d’explanter une valve mal positionnée.
Les nouvelles valves en développement, telle la Sapien 3 dotée d’une jupette en dacron, devraient minimiser les risques de fuites paraprothétiques.
Quelle voie d’abord choisir ?
La voie d’abord fémorale s’est imposée en raison des très bons résultats de la procédure. En deuxième intention, le choix d’une autre voie d’abord dépend en premier lieu de l’équipe.
La voie transapicale, développée pour la prothèse Edwards, nécessite une petite thoracotomie gauche dans le 5e espace intercostal. Elle a l’avantage d’être antérograde et de diminuer le risque d’AVC, mais le confort chirurgical est limité. L’étude PARTNER n’a pas montré de bénéfice de cette voie comparativement à la chirurgie et, dans France 2, une surmortalité précoce apparaît comparativement à la voie fémorale, qui s’expliquerait par son indication chez des patients à plus haut risque. Il faut néanmoins prendre en compte la morbidité respiratoire indiscutable liée à cette voie (épanchements pleuraux, insuffisance respiratoire grave) et l’agression myocardique et coronarienne, sans doute responsable des décès précoces par insuffisance cardiaque ou défaillance multiorganes, d’autant que la fonction VG n’est pas améliorée, voire est dégradée à moyen terme.
Les voies axillaire et sous-clavière, principalement développées pour la CoreValve, se rapprochent de la voie fémorale. Elles sont limitées par la fragilité de ces artères. Dans la série France 2, la mortalité est intermédiaire entre celles des voies précédentes, mais les taux d’IDM et d’accidents neurologiques sont plus élevés (x 3 et x 2, respectivement) pour des complications vasculaires et hémorragiques équivalentes à celles de la voie fémorale, si bien que cette voie semble cumuler les effets délétères des voies fémorale et transapicale.
La voie carotidienne est développée dans certains centres, mais le taux d’accidents neurologiques semble préoccupant.
La voie transaortique peut être réalisée par mini-sternotomie ou mini-thoracotomie. Elle nécessite une parfaite évaluation préprocédure par scanner de l’aorte ascendante et de la distance entre l’anneau et la zone d’implantation (distance de sécurité 6 cm). Elle permet un abord extrapéricardique dans les cas de réimplantation. Le nouveau système Ascendra devrait faciliter le positionnement de la valve, en permettant de franchir la valve aortique de façon rétrograde sans grande difficulté. La cicatrice est petite et la récupération des patients très rapide. La variante para-aortique droite est grevée de complications pulmonaires. Les résultats de la voie transaortique sont un taux de mortalité acceptable, initialement moindre qu’avec la voie transapicale, une absence de morbidité cardiaque ou pulmonaire spécifique et un taux d’AVC très faible (3 %). Aujourd’hui, les courbes de survie avec cette voie se rapprochent de ceux de la voie fémorale. Elle pourrait donc rapidement s’imposer, d’autant qu’elle est accessible avec toutes les prothèses, avec les limites que sont l’aorte porcelaine et le double pontage mammaire. Le registre ROUTE devrait statuer sur son intérêt.
23, 25 ou 29 mm : un choix crucial
Le choix de la taille de la prothèse est délicat, d’autant qu’il existe une zone de chevauchement : choix entre une taille de valve 23 et 26 mm pour un anneau entre 21 et 22 mm ; 26 et 29 mm pour un anneau entre 24 et 25 mm. La mesure de l’anneau varie selon la méthode d’imagerie. En échographie 2D, il existe une variabilité interobservateur de -3 à + 2 mm ; la reproductibilité de la mesure est légèrement meilleure en écho 3D, la résolution spatiale est meilleure mais disparaît quand on essaie de mesurer le grand axe, d’où des résultats aléatoires. Quant à la méthode de sizing au ballon, développée à Rouen, elle est peu adaptée en routine. Le scanner apparaît comme la technique la plus adaptée, donnant accès à deux diamètres, permettant de calculer le diamètre moyen, le périmètre et la surface de l’anneau, ce qui facilite le choix de la taille de prothèse.
Une méthode plus récente est celle du triangle de Finet, basée sur un autre concept de l’étanchéité. Cette dernière ne se fait pas sur une seule ligne virtuelle mais sur toute la hauteur de la jupette positionnée au niveau des sigmoïdes et ce sont les sigmoïdes sur toute leur hauteur qui assurent l’étanchéité et dont il convient donc de mesurer la surface, ce que certains logiciels peuvent faire : à partir d’un triangle tracé entre chacune des commissures, au pied des sigmoïdes donc un peu plus haut que le diamètre aortique, on obtient un diamètre. L’idée sous-jacente est que les fuites se produisent souvent au niveau des commissures, le stent doit donc s’appuyer au fond de celles-ci. Ce type de mesure a l’avantage de ne pas dépendre du plan de coupe ni de sa hauteur.
Quelle que soit la méthode de mesure au scanner, ce procédé conduit toujours à surdimensionner la valve comparativement à l’échographie, d’où un risque d’oversizing et donc de rupture pour un écart de mesure ≥ 20 %, ou d’étirement et de fissuration si ≥ 10 %. Il faut aussi tenir compte des calcifications. Idéalement, il faut choisir un diamètre de valve ni trop petit pour éviter les fuites, ni trop grand pour éviter le risque de rupture. Aujourd’hui, on considère que le ratio taille de la valve/taille de l’anneau doit être de 1,1 + 1 cc, avec une différence acceptable de 5 %, soit 20,9 pour la valve de 23 mm, 23,6 pour la valve 26 et 26,4 pour la valve 29. En cas de fuite, il est possible de post-dilater, ce qui modifie le diamètre de la valve et permet de corriger la fuite d’au moins 1 grade. Ce procédé a ses limites car il est impossible de transformer une valve de 26 en 29 mm en inflatant de 5 cc supplémentaires. Dans les cas très difficiles, les données du scanner sont utiles pour choisir le type de valve, en tenant compte des calcifications annulaires, de la capacité des sinus, de la taille sous-annulaire au niveau de la chambre de chasse et de la hauteur des ostia, ce qui laisse le choix entre une grosse valve sous-dimensionnée en enlevant 1-2 cc lors du primo-largage et une valve plus petite que l’on peut surdimensionner.
Quand ne pas faire un TAVI ?
La procédure concerne des patients âgés et très malades chez lesquels le taux de mortalité est naturellement élevé et les décès post-procédure sont principalement liés à des complications tardives indépendantes de l’intervention et d’origine non cardiaque dans les trois quarts des cas. Il s’agit aussi d’une population hétérogène où les scores chirurgicaux sont peu adaptés. Il semble que les évaluations gériatriques multiparamétriques (état cognitif, activités quotidiennes, état nutritionnel, mobilité) permettent de mieux prédire l’évolution fonctionnelle et la mortalité.
On distingue trois cas de figure où le TAVI n’est pas indiqué :
– les contre-indications formelles (cf. recommandations), telles celles d’ordre anatomique ou par absence de heart team ;
– les contre-indications relatives (anatomiques, dysfonction VG très sévère, Euroscore très élevé, âge très avancé), d’où l’intérêt de l’évaluation pluridisciplinaire ;
– les non-indications (espérance de vie < 1 an, au mieux évaluée par les gériatres).
Au total
Il reste des progrès à faire pour réduire les fuites paraprothétiques qui, même de grade 2, ont un impact sur la mortalité ; à cet égard, la post-dilatation fournit une solution mais est encore controversée. Quand la voie fémorale est impossible, d’autres voies d’abord sont envisageables selon le choix et l’expérience des opérateurs. L’évaluation de valves dotées d’une jupe avec l’objectif de colmater les brèches paravalvulaires, débute en Europe. Une dernière valve autoexpandable, assez courte, repositionnable et dotée d’une jupe est également en développement.
D’après un symposium lors du congrès High Tech, avec la participation d’E. Eltchaninoff (Rouen), S. Chassaing (Tours), N. Dumonteil (Toulouse), O. Jegaden (Bron), D. Himbert (Paris), C. Caussin (Le Plessis-Robinson), T. Hovasse (Massy), F. Leclercq (Toulouse) et T. Lefèvre (Massy)
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