Congrès et symposiums
Publié le 14 juin 2013Lecture 5 min
La fréquence cardiaque : une cible thérapeutique dans l’insuffisance cardiaque et la maladie coronaire
V. PROBST, l’Institut du thorax, Nantes
Le printemps de la cardiologie, c’est le congrès de la jeunesse et de la recherche cardiovasculaire.
De nombreux aspects de la cardiologie ont été abordés lors de ce congrès avec une volonté affirmée de mélanger les présentations cliniques et plus fondamentales avec pour ambition que les congressistes présents puissent avoir une vue globale des nouveautés dans les différents domaines de la cardiologie. Afin de faciliter l’accès aux informations, des parcours thématiques ont été mis en place, le but de ces parcours étant également de faciliter l’interaction entre cliniciens et fondamentalistes.
Au sein du parcours insuffisance cardiaque, un déjeuner organisé avec l’aide des laboratoires Servier était proposé afin de tenter de mieux appréhender le rôle de la fréquence cardiaque (FC) dans l’insuffisance cardiaque ainsi que dans la maladie coronaire.
Ralentir la fréquence cardiaque dans l’insuffisance cardiaque : pourquoi, comment ?
Communication de V. Probst, Nante
Cette communication était consacrée au rôle de la fréquence cardiaque dans l’insuffisance cardiaque. Un des messages importants était de rappeler que la fréquence cardiaque jouait un rôle important dans la survenue de l’ischémie myocardique que celle-ci soit liée à une atteinte coronarienne ou relative en cas de dilatation ventriculaire gauche ou d’hypertrophie myocardique. En effet, l’augmentation de la fréquence cardiaque se traduit par une diminution de la durée de la diastole, une baisse du temps de remplissage des coronaires et donc une baisse des apports en oxygène et entraîne une augmentation du travail cardiaque avec un accroissement des besoins en oxygène. Cela est particulièrement bien démontré lors de l’exercice.
Chez un sujet normal, non insuffisant cardiaque, lors de l’augmentation de la fréquence cardiaque liée à l’exercice, on retrouve une diminution du temps de systole et du temps de diastole qui est équilibrée. À l’inverse, chez un sujet insuffisant cardiaque lors de l’augmentation de la fréquence cardiaque liée à l’exercice, le raccourcissement des durées porte quasiment exclusivement sur la diastole tandis que le temps de systole est peu diminué.
Dans le contexte spécifique de l’insuffisance cardiaque, il est rappelé qu’il existe une relation étroite entre la diminution de fréquence cardiaque obtenue par le traitement bêtabloquant et la diminution de mortalité. À ce titre, on peut citer les travaux de Damien Logeart qui avait démontré de façon élégante qu’en diminuant la fréquence de stimulation de 75 à 55 bpm chez les patients implantés d’un pacemaker et stimulodépendants, on pouvait non seulement améliorer la fonction ventriculaire gauche, mais également la classe NYHA des patients.
De la même manière, dans l’étude SHIFT, il existe une relation étroite entre la fréquence cardiaque : une fréquence cardiaque élevée est synonyme de mauvais pronostic. Dans le groupe traité par ivabradine, les patients ayant atteint une fréquence cardiaque < 60 bpm après 28 jours de traitement ont un meilleur pronostic.
Une des questions importantes actuellement est de savoir si le bénéfice constaté avec les bêtabloquants est plus lié à la dose de bêtabloquants prescrite ou à l’amplitude de la diminution de fréquence cardiaque obtenue. La réponse individuelle des patients à la dose de bêtabloquant est très variable. Des données récentes de métaanalyses semblent en faveur d’une relation plus marquée entre la baisse de mortalité et la diminution de fréquence cardiaque obtenue par le bêtabloquant que par la dose prescrite de bêtabloquant. Il faudrait donc, chez nos patients, se focaliser plus sur la diminution de fréquence cardiaque obtenue sans nécessairement chercher à obtenir les doses de bêtabloquant recommandées.
Il est intéressant de noter qu’un travail japonais récent a démontré que des polymorphismes dans l’ostéopontine pouvaient modifier la réponse au traitement bêtabloquant ce qui pourrait donc expliquer, du moins en partie, la variabilité de la réponse individuelle. C’est un nouvel exemple de la médecine personnalisée où la réponse individuelle à un médicament est plus à prendre en compte que les doses recommandées basées sur des grandes cohortes de patients. Il n’y a pas de doute que sur ce sujet d’importance, de nouvelles données devraient nous permettre d’affiner nos approches thérapeutiques au niveau individuel.
Ralentir la fréquence cardiaque dans la maladie coronaire : pourquoi, comment ?
Communication de J.-L. Bonnet, Marseille
Au-delà de l’effet de la fréquence cardiaque sur la diminution du flux coronaire et l’augmentation des besoins bien connus de tous, J.-L. Bonnet a rappelé le rôle essentiel des forces de cisaillement et de l’inflammation dans les mécanismes d’athérogenèse. En cas d’augmentation de la fréquence cardiaque, il y a une augmentation de la fréquence des modifications périodiques de la géométrie artérielle qui, en association avec la diminution du temps de diastole, va accroître le temps d’exposition de l’endothélium aux forces de cisaillement basses. Il est maintenant bien démontré, notamment après l’étude PREDICTION publiée en 2012 qui a systématiquement contrôlé 374 patients par une coronographie réalisée entre 6 et 10 mois après un accident coronarien, l’évolution du profil vasculaire et qui a pu démontrer également que l’évolutivité était liée à deux facteurs, le volume de la plaque athéromateuse et la présence de forces de cisaillement basses.
L’inflammation joue également un rôle majeur et bien démontré dans l’évolutivité des atteintes coronariennes. LURIC est une étude prospective portant sur 3 267 patients chez lesquels, il avait été retrouvé une sténose coronarienne soit de plus de 20 % soit de plus de 50 % sur un tronc principal. Chez ces patients, il était réalisé un calcul d’un score inflammatoire basé sur le dosage de cinq marqueurs (IL6, CRP, SAA, neutrophiles, fibrinogène). Ces patients avaient par ailleurs une mesure de la fréquence cardiaque au repos. Ce travail a permis de démontrer une relation étroite entre la mortalité cardiovasculaire et le score inflammatoire en particulier en association avec la fréquence cardiaque avec un effet potentialisateur lorsque les patients ont à la fois une fréquence cardiaque élevée et un score inflammatoire élevé.
Conclusion
Ces données montrent donc bien le rôle central de la fréquence cardiaque dans ces deux pathologies majeures que sont l’insuffisance cardiaque et l’insuffisance coronarienne.
Si la place du traitement bêtabloquant dans ces pathologies n’est pas discutée, la question de l’optimisation de la dose et de la cible à atteindre est posée et dans ce sens l’intérêt d’une approche combinée focalisée sur l’obtention d’une fréquence cardiaque optimale est souligné.
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