Publié le 30 nov 2013Lecture 7 min
Le défibrillateur sans sonde intracardiaque
M. CHAUVIN, CHU de Strasbourg
Les Journées de rythmologie
La haute technicité de la défibrillation cardiaque implantable fait de cet outil thérapeutique un moyen efficace dans la prévention et le traitement de la mort subite. Néanmoins, si cette sophistication a rendu la fiabilité du système dans l’ensemble excellente, elle ne doit pas faire oublier un point faible : la sonde de défibrillation.
Les complications liées à la sonde, certes peu fréquentes, sont loin d’être négligeables en nombre et en termes de morbimortalité. Elles sont bien connues :
• complications mécaniques : érosion de l’isolant, fracture de conducteur ;
• complications infectieuses avec le risque d’endocardite ;
• complications veineuses : veinites, thromboses ;
• complications liées à l’extraction des sondes défectueuses ou infectées.
Un progrès considérable
C’est pourquoi toute solution qui permet d’offrir aux patients les mêmes conditions de sécurité et d’efficacité des traitements des arythmies ventriculaires que les défibrillateurs conventionnels, sans les inconvénients liés la sonde, constitue un progrès considérable.
Bien sûr, on peut envisager d’améliorer l’architecture des sondes pour les rendre plus résistantes, mais il serait encore bien difficile de diminuer très significativement les dysfonctionnements, mécaniques et infectieux, en raison même des contraintes subies par ces dispositifs intravasculaires et intracardiaques.
La conception d’un défibrillateur qui ne comporterait pas de sonde intracardiaque est la solution la plus satisfaisante. Après des années de recherche, un défibrillateur non pas « sans sonde », mais « sans sonde intracardiaque » ou, plus précisément, avec une sonde de défibrillation sous-cutanée (S-ICD) vient d’être mis sur le marché.
Quel en est le principe ?
Le défibrillateur est implanté sur la ligne axillaire gauche, en position sous-cutanée et préaponévrotique. Par un système de tunnelisation pratiquée grâce à deux petites ouvertures cutanées, xiphoïdienne et à la partie inférieure du manubrium sternal, une sonde connectée au défibrillateur est positionnée sous la peau. Son trajet est d’abord horizontal, à la base du thorax, puis il se coude à angle droit pour devenir vertical, le long du bord gauche de sternum.
L’ECG est détecté entre une première électrode, qui est le boîtier du défibrillateur lui-même, et deux autres électrodes supportées par la sonde, l’une à hauteur de la xiphoïde, l’autre à l’extrémité de la sonde, au niveau de la partie inférieure du manubrium sternal. Les chocs de défibrillation sont délivrés entre le boîtier qui fait office d’électrode et une électrode en forme de tresse située sur la sonde, le long du bord gauche du sternum. Les positions de cette dernière électrode et celle du boîtier sont un peu celles des électrodes d’un défibrillateur externe.
L’implantation est le plus souvent faite sous anesthésie générale. Certains centres ont commencé à pratiquer des implantations sous simple anesthésie locale.
À la fin de l’implantation, on évalue systématiquement l’efficacité du système en induisant, via le S-ICD, une fibrillation ventriculaire : le test est réalisé avec une énergie de 65 J, ce qui est bien inférieur aux 80 J que l’appareil est capable de délivrer et garantit ainsi une marge de sécurité.
Le trajet sous-cutané de la sonde fait disparaître les risques majeurs habituellement en relation avec les trajets intracardiaques des sondes conventionnelles : plus de traumatismes liés à la pince costo-claviculaire, plus de mouvements d’ébranlement, de torsion et de plicature en rapport avec les 36 millions de battements cardiaques annuels, plus de risques, surtout, d’endocardites. L’une des difficultés majeures de ce système a été de pouvoir détecter un électrocardiogramme d’excellente qualité, sans interférences, à partir des trois électrodes sous-cutanées. L’autre difficulté, également en rapport avec la détection des signaux, a été d’arriver à différencier avec une très grande fiabilité un ECG normal d’une tachycardie supraventriculaire, d’une tachycardie ventriculaire et, bien sûr, d’une fibrillation ventriculaire. Un système de filtres particulièrement discriminatoires a permis de surmonter ces difficultés et de faire en sorte d’éviter, autant que faire se peut et comme nous le verrons, le risque de traitements inappropriés.
Dans sa conception actuelle, l’appareil ne délivre que des chocs, sans possibilité de stimulation de quelque nature que ce soit (antitachycardique ou antibradycardique). Il peut seulement, sur un temps très limité, délivrer une stimulation transthoracique de dépannage après un choc.
L’absence d’électrode de défibrillation intracardiaque impose une énergie de défibrillation en général plus importante qu’avec les défibrillateurs conventionnels. C’est pourquoi le S-ICD délivre des chocs de 80 J (contre moins de 40 J pour les autres défibrillateurs). En l’état actuel de la technique, une telle énergie nécessite d’augmenter la taille et le volume des piles et des condensateurs, ce qui explique la grosseur et le poids des boîtiers.
Entre 3 000 et 4 000 défibrillateurs ont déjà été implantés dans le monde (leur diffusion en France a, jusqu’à présent, été très restreinte, mais devrait augmenter très sensiblement dans les moi s à venir). Ce nombre est suffisant pour que plusieurs centres aient pu publier des séries permettant une comparaison des performances entre le S-ICD et les défibrillateurs conventionnels.
Sur le plan pratique, l’implantation d’un S-ICD par un opérateur expérimenté n’est guère plus longue que celle d’un défibrillateur conventionnel (respectivement 70,8 min contre 60,5 min). Des complications mécaniques ont été décrites, essentiellement liées à quelques déplacements de la sonde, inconvénients surtout observés au tout début de la technique, et que le fabricant a corrigés et prévenus en permettant de mieux fixer la sonde aux plans profonds. Des infections ont aussi été rapportées : l’implantation d’une prothèse, quelle qu’elle soit, fait toujours prendre un risque infectieux. Dans le cas du S-ICD, ce risque n’est pas plus élevé qu’avec un défibrillateur conventionnel, mais la différence est que, bien sûr, les conséquences d’une infection n’ont pas la gravité qu’elles revêtent avec les appareils conventionnels.
Les pourcentages de succès des évaluations peropératoires effectuées avec les S-ICD et les défibrillateurs conventionnels sont les mêmes (respectivement 89,5 % et 90,8 %).
On a, bien sûr, été très attentifs à la comparaison entre les deux types d’appareils quant aux pourcentages de traitements inappropriés. Les séries ont toutes fait ressortir qu’ils étaient pratiquement les mêmes (moins de 4 %), mais sur des populations peu nombreuses (environ 70 patients pour chaque système) et sur des durées de plusieurs années. Les traitements inappropriés observés avec les S-ICD sont majoritairement liés à des surdétections de l’onde T qui ont pu être prévenues par une amélioration des algorithmes de l’appareil et une meilleure détermination des vecteurs d’enregistrement de l’ECG entre les trois électrodes de détection.
D’une façon générale, les complications sont étroitement liées à l’expérience de l’opérateur. C’est une évidence que l’on observe pour toutes les techniques médicales. En l’occurrence, on a pu constater qu’après l’implantation d’une quinzaine de systèmes les complications (toutes confondues) diminuent de moitié et les thérapies inappropriées, de près des deux tiers.
Qu’en est-il des indications actuelles du S-ICD ?
Elles sont déduites à la fois de la position sous-cutanée du système et de ses limitations et, en particulier, de l’impossibilité de stimuler le cœur. Ce dernier point exclut donc forcément tout patient nécessitant une fonction antibradycardique et/ou tout patient victime de tachycardies ventriculaires accessibles à l’ATP.
La première indication qui vient immédiatement à l’esprit concerne, bien sûr, les problèmes d’accès veineux. Les patients qui ont des thromboses veineuses sous-clavières de quelque origine que ce soit ou qui ont déjà un nombre important de sondes en place, sans possibilité de les extraire, relèvent de ce dispositif. Sont également susceptibles d’être implantés d’un S-ICD tous les patients qui ont un risque infectieux important (infection chronique ou patients immunodéprimés).
Mais les indications les plus nombreuses sont représentées par les prophylaxies.
Tout patient – surtout s’il est jeune – qui n’a pas besoin d’une stimulation cardiaque et que l’on doit implanter pour une indication primaire est un candidat potentiel pour ce nouveau système. On pense en premier aux indications dites « MADIT II », mais également aux canalopathies (syndrome de Brugada, QT long congénital).
Le problème esthétique
Un dernier point, et non des moindres, est le problème esthétique que le S-ICD peut poser et son éventuelle gêne dans la vie quotidienne.
Compte tenu de sa taille, on imagine aisément que le S-ICD passe parfois difficilement inaperçu chez des personnes maigres, voire des adolescents. Néanmoins, lorsque le défibrillateur est implanté en position relativement postérieure, cette gêne esthétique peut être considérablement atténuée. Chez des personnes de poids moyen, le défibrillateur n’est le plus souvent visible que pour un œil averti. De toute façon, les avantages du dispositif compensent largement une éventuelle gêne esthétique qui est, le plus souvent, mineure. Elle ne doit pas, nous semble-t-il, sauf problèmes psychologiques préexistants, être un obstacle à la proposition ce dispositif, surtout lorsque l’on sait qu’il est appelé à diminuer très nettement de volume dans les années à venir.
L’avenir
Il convient de souligner que la défibrillation avec sonde sous-cutanée est sûrement l’avenir de la technique. Très rapidement, le défibrillateur va se miniaturiser. Des boîtiers de deuxième génération sortiront bientôt et une troisième génération est déjà à l’étude.
Quant à l’absence de stimulation antibradycardique, il est à parier qu’elle sera résolue dans le futur avec l’apparition prochaine des stimulateurs cardiaques sans sonde : la défibrillation avec sonde sous-cutanée couplée à la stimulation sans sonde va constituer dans l’avenir les bases d’une évolution spectaculaire qui révolutionnera la stimulo-défibrillation cardiaque.
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