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Congrès et symposiums

Publié le 31 mai 2014Lecture 6 min

La voie radiale dans l’infarctus : pourquoi s’embêter ?

J. MONSEGU, Institut Mutualiste Montsouris, Paris

TUC

La prise en charge des syndromes coronariens aigus avec sus-décalage du segment ST nécessite une revascularisation coronaire de l’artère coupable la plus rapide possible. Que celle-ci soit pharmacologique avec une fibrinolyse ou mécanique avec une angioplastie primaire, cette prise en charge conduit obligatoirement en salle de cathétérisme soit pour le geste initial, soit pour un geste complémentaire. Le choix de la voie d’abord est donc au-devant de la scène, étant entendu que ces patients font l’objet de traitements antithrombotiques particulièrement agressifs avec a minima des anticoagulants associés à une double antiagrégation plaquettaire. La mise sur le marché des nouveaux inhibiteurs des récepteurs P2Y12 renforce le risque hémorragique qui est bien réel et tout doit être mis en jeu pour réduire ce risque, la voie radiale y trouvant toute sa place. 

Derrière la thématique proposée, sont posées 2 questions : - quelles sont les difficultés potentielles rencontrées lors de l'approche radiale ? - qu'apporte vraiment la radiale dans l'infarctus ?   Le taux d’échec de la voie radiale reste peu élevé (de l’ordre de 1 à 2 %) dès lors que l’opérateur possède la maîtrise de la technique. Néanmoins, on comprend aisément qu’échec rime avec perte de temps et que cet élément doit être pris en compte dans une situation où la rapidité de reperfusion est une des clés du succès de la prise en charge de l’infarctus. Il est indispensable que le cardiologue interventionnel apprécie très vite les potentielles difficultés qui pourront l’amener à convertir pour une voie fémorale (celle-ci devant à mon sens être simultanément préparée lors de l’installation sur la table de coronarographie du patient) et qui sont dominées par : - les échecs de ponction (ce d’autant que les conditions liées à la phase aiguë d’infarctus ne sont pas optimales pour la ponction : hémodynamique parfois instable, patient mal informé et non préparé) ; - le spasme qui doit être prévenu par l’injection de vasodilatateurs ; - l’existence de variations artérielles anatomiques du membre supérieur, d’autant plus marquées que le patient est âgé et hypertendu, et rencontrées dans 14 à 15 % des cas et dont le franchissement peut s’avérer parfois difficile ; - les difficultés d’intubation des ostias coronaires. Une autre limite d’utilisation de la voie radiale est représentée par la taille de la radiale qui n’autorise pas toujours l’utilisation de cathéters de gros diamètre parfois nécessaires pour réaliser une thrombo-aspiration efficace dès lors que la charge thrombotique endoluminale coronaire est importante. L’approche radiale est très largement utilisée en France avec un taux de pénétration de l’ordre de 75 %. En région Ile-de-France, le registre Cardio- ARSIF confirme cette progression puisqu’en 2012, 82 % des angioplasties ont été effectuées par cette voie d‘abord, et concernant l’infarctus : 79 %. On voit donc bien que cette voie d’abord est largement dominante et qu’on s’affranchit des limites d’utilisation précédemment décrites, essentiellement car les centres ont acquis une expertise certaine dans cette approche vasculaire.   La deuxième interrogation est celle des acquis scientifiques : la radiale fait-elle mieux que la fémorale ?   Tout d’abord, il convient de revenir sur l’importance de la surmortalité générée par les saignements. Ceux-ci, lors des syndromes coronariens aigus (SCA), sont responsables à court (30 jours) et long terme (1 an), d’une surmortalité très significative. Dans environ 1/3 des cas, la cause du saignement majeur trouve son origine au point de ponction. Le caractère incompressible du taux de complications loco-régionales fémorales reste immuable dans le temps, variant de 1,5 à 9 %, et les systèmes de fermeture percutanée n’ont guère modifié cette incidence. Particulièrement fréquent et grave chez le patient faisant l’objet d’un traitement antithrombotique agressif comme à la phase aiguë de l’infarctus, il est acquis depuis plusieurs années que la voie radiale permet de réduire le nombre de complications au point de ponction. Dès 2004, la métaanalyse d’Agostini confirmait qu’après randomisation sur des procédures programmées la voie radiale permettait de réduire significativement le taux de complications de 2,8 % à 0,3 %. Le « raccourci intellectuel logique » est donc d’essayer d’améliorer le pronostic de ces patients en réduisant ce taux de complications qui est source de saignements. Nous disposons de 3 études randomisées permettant d’étayer cette hypothèse. RIVAL (Jolly, 2011) a comparé la voie radiale à la voie fémorale chez des patients présentant un SCA avec ou sans élévation du segment ST. Plus de 7 000 patients ont été inclus avec un résultat ne retrouvant pas d’effet bénéfique de la radiale sur un critère composite à 30 jours (mortalité, IDM, AVC et saignements), mais avec néanmoins une diminution significative des complications vasculaires majeures (1,4 versus 4,7 %). Certains commentaires doivent être apportés dans l’analyse de cette étude car il s’agissait d’une population hétérogène de SCA, qu’il existait un fort taux de cross-over du bras radial vers le bras fémoral responsable d’un nombre important de saignements rattachés au groupe radial, mais en réalité de nature fémorale. Deux analyses en sous-groupes (prévues à l’origine de l’étude) sont particulièrement intéressantes. Tout d’abord, le sous-groupe des SCA ST+ (près de 2 000 patients) où le critère primaire est significativement réduit dans le groupe radiale, gain obtenu surtout avec une réduction très significative de la mortalité (p = 0,001). L’analyse des sous-groupes en fonction du volume d’activité des centres est particulièrement intéressante révélant une supériorité significative de la radiale dans les centres à haut volume, confirmant que c’est au prix d’une grande expertise que l’approche radiale permet de réduire les complications hémorragiques. L’étude RIFLE STEACS (Romagnoli, 2012) a randomisé 1 000 patients présentant un SCA ST+, avec un taux de cross-over de 4,7 %. Le critère primaire (décès, IDM, AVC, saignements, complications vasculaires) à 30 jours est en faveur de façon significative pour la radiale. Ce gain est obtenu grâce à la réduction des saignements au point de ponction avec une réduction de 47 % (2,6 versus 6,8 %). Une troisième étude qui vient juste d’être publiée, STEMIRADIAL (Bernat, 2014), a randomisé radiale versus fémorale chez 700 patients présentant un SCA ST+ éligibles pour une angioplastie primaire. Le critère primaire composite à 1 mois associait saignements majeurs et complications vasculaires. Ce critère a été réduit de façon très significative dans le groupe radial (1,4 % versus 7,2 %), permettant aussi une réduction significative de la durée d’hospitalisation. Le gain sur la mortalité par voie radiale n’est pas significatif en raison d’un trop faible effectif de patients. Avec un faible taux de cross-over (3,7 %), cette étude confirme que l’expertise des centres va de pair avec les résultats favorables obtenus. Si le gain en termes de mortalité par voie radiale n’était pas un critère d’analyse dans ces études, l’analyse du registre suédois SCAAR dont le suivi est particulièrement performant apporte un début de réponse avec une analyse rétrospective sur 5 ans de plus de 21 000 angioplasties primaires où la mortalité à un an est significativement réduite lorsque la voie radiale est utilisée. L’une des interrogations qui subsiste aussi est la place de la bivalirudine dans la réduction des saignements au point de ponction. Bien que la grande majorité des patients de l’étude HORIZONS-AMI aient bénéficié d’une approche fémorale, il apparaît que la voie radiale fait mieux que la voie fémorale, y compris quand la bivalirudine est utilisée. Les résultats en attente de nouveaux essais viendront étayer cet élément. Enfin, un dernier point mérite d’être regardé dans l’utilisation de la radiale dans l’infarctus, celui de la rapidité de réouverture de l’artère coupable. Que ce soit dans RIFLE ou STEMI RADIAL, le délai « arrivée à l’hôpital-reperfusion coronaire » est identique dans les 2 groupes de patients, et ce délai est d’autant meilleur que la procédure est effectuée dans un centre à haut volume.   En pratique   La voie radiale dans l’infarctus doit être privilégiée. Elle permet la réduction des complications hémorragiques au point de ponction, sans allonger les délais de prise en charge, dès lors qu’elle est réalisée dans des centres à haut volume d’activité radiale, étant conscient que le cardiologue ne doit pas hésiter à convertir sa procédure en voie fémorale en cas de difficultés trop importantes. L’application des recommandations de la Société européenne de cardiologie plaçant la voie radiale au premier plan dans l’angioplastie primaire à condition qu’elle soit réalisée par un « radialiste » expérimenté (recommandation de classe IIa avec un niveau de preuve B) ne font que renforcer les derniers résultats des études comparant radiale et fémorale dans l’infarctus.

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