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Congrès et symposiums

Publié le 30 sep 2014Lecture 8 min

Cardiologie interventionnelle - Les Anglais brisent les tabous de l’artère non coupable

G. CARTIGNY, E. NOIROT, Y. COTTIN, CHU de Dijon

Une nouvelle fois, l’ESC a été très riche, et en particulier dans le domaine de la cardiologie interventionnelle, avec des études randomisées majeures dans la prise en charge des syndromes coronariens aigus. 

CULPRIT   À l’ESC 2013, l’étude PRAMI avait été présentée. Cette étude avait inclus 465 patients présentant un STEMI traités par angioplastie primaire et présentant au moins une autre lésion > 50 % dilatable. Les auteurs avaient randomisé en 2 bras : 1) angioplastie de la lésion coupable et de l’autre lésion dans le même temps, ou 2) angioplastie de la lésion coupable et traitement médical. Cette étude était positive pour le critère de jugement principal qui incluait décès d’origine cardiaque, infarctus du myocarde non fatal, ou angor réfractaire, en faveur de la revascularisation complète (9 % versus 23 % ; p < 0,001). Mais ce travail important posait de nombreuses questions : en effet, le bras traitement médical ne bénéficiait pas d’angioplastie programmée même si la lésion était jugée menaçante, les procédures étaient réalisées à la phase aiguë, et surtout le bras traitement médical ne bénéficiait pas de recherche d’ischémie. Tous ces éléments allaient à l’encontre des théories sur la mise en évidence de l’ischémie avant angioplastie et celles sur l’impact du score SYNTAX après un SCA. En 2014, l’étude anglaise CULPRIT (Complete versus culpritlesion only primary PCI trial) apporte de nouvelles informations sur cette thématique. En effet, il s’agit d’une étude multicentrique, randomisée, ouverte, prospective, qui a inclus 296 patients en 2 bras : 1) angioplastie de la lésion coupable et des autres lésions au cours de la même hospitalisation, ou 2) angioplastie de la lésion coupable et traitement médical. Un élément majeur est une revascularisation différée non nécessaire en phase aiguë, mais également une réévaluation de l’ischémie à la 6e semaine. Les résultats sont donc majeurs, car cela concerne 30 % des patients présentant un STEMI, et surtout pour le même critère principal que PRAMI, les auteurs démontrent à 1 an une réduction significative des décès toutes causes, des réinfarctus ou des revascularisations, respectivement, 21 % versus 10 % (p = 0,009) (figure 1). Néanmoins, de nombreuses questions persistent : quel est le délai optimal de traitement ?, comment guider la revascularisation sur l’ischémie ou sur une FFR ?, quelle attitude pour les occlusions chroniques ou les lésions très complexes ? En effet, les patients inclus dans ces études n’étaient que des patients pour lesquels les lésions étaient jugées accessibles à une angioplastie et, de plus, les chocs cardiogéniques étaient exclus. Les études PRAMI et CULPRIT sont donc en faveur d’une revascularisation complète avec comme arguments principaux : - une limitation de la taille de l’infarctus et de la zone péri-infarctus par amélioration des flux collatéraux ; - réduire l’ischémie des segments non liée à l’artère coupable qui serait un facteur majeur de la genèse des événements cardiovasculaires majeurs post-IDM ; - réduire les durées d’hospitalisation mais également les explorations à la recherche d’ischémie post-SCA.   Par contre, les détracteurs rappellent que : - les angioplasties, même électives, conduisent dans 30 % des cas à des élévations de troponine qui pourraient avoir un impact spécifique mais qui est difficilement évaluable à la phase aiguë ; - il existe un sur-risque de néphrotoxicité dont les conséquences sur la morbi-mortalité sont bien établies ; - enfin les travaux avec la FFR montrent que l’évaluation hémodynamique des lésions est fondamentale dans l’optimisation de la prise en charge des lésions coronariennes. Figure 1. Résultats de CULPRIT. Syndrome coronarien aigu avec sus-décalage du segment ST : aspiration ou non ?   Les résultats à 1 an de TASTE La stratégie optimale à la phase aiguë des STEMI, et en particulier la place de la thrombectomie, reste également au coeur des débats. En effet, l’étude TAPAS, essai monocentrique randomisé, avait démontré que la thrombectomie à la phase aiguë du STEMI était efficace sur la mortalité, mais il faut souligner que les patients du bras sans aspiration bénéficiaient d’un angioplastie au ballon avant l’implantation du stent, alors que les patients du bras thrombectomie étaient traités par stenting direct. L’étude TASTE présentée en 2013 était un essai prospectif, contrôlé, multicentrique (29 centres suédois, un danois, un islandais) qui a été réalisé en ouvert, et a inclus 7 244 SCA-STEMI qui ont été randomisés pour bénéficier soit d’une thrombo-aspiration manuelle suivie d’une angioplastie percutanée, soit d’une angioplastie seule. À 30 jours, les taux de mortalité toutes causes des patients étaient similaires entre les deux groupes : 2,8 % (103 sur 3 621) pour l’angioplastie plus thrombo-aspiration versus 3 % pour l’angioplastie seule (110 sur 3 623) (RR = 0,94 ; IC95 % : 0,72-1,22 ; p = 0,63). De plus, les résultats étaient comparables pour les 2 groupes, pour les hospitalisations, pour récidive d’IDM à 30 jours, les thromboses de stent, et les AVC ou les complications neurologiques. Les auteurs soulignaient également l’absence d’impact en fonction du volume du thrombus, du flux coronaire avant l’angioplastie, du diabète et du tabagisme. Les données de suivi, à 1 an, ont été présentées car, pour les auteurs, les bénéfices de la thrombo-aspiration, médiés par la préservation du myocarde et/ou un remodelage positif pourraient émerger plus tardivement. Malheureusement, à 1 an aucun bénéfice n’est mis en évidence sur la mortalité ou sur les réinfarctus avec une thrombectomie systématique (figure 2). Au total, le concept de la thrombectomie reste une piste importante dans l’optimisation de la prise en charge des SCA, mais le résultat de TASTE à 1 an pose encore la question de la méthode qui pourrait être délétère dans certains cas, avec des embolisations distales (aspirations nombreuses ou unique, quelle pression d’aspiration, franchissement de la lésion) mais également de la stratégie liée au stenting systématique dans le même temps, et enfin de la possible sélection des lésions. Au total, de plus en plus d’études portent sur les lésions non coupables, mais la stratégie optimale de la lésion coupable reste à définir. Figure 2. Résultats de TASTE. De plus en plus de place pour la FFR : l’étude FAME 2 La place de l’angioplastie au cours des SCA est maintenant bien établie, même si l’étude CULPRIT montre un bénéfice d’une revascularisation complète « angio-guidée », le collectif de patients de cette étude reste faible (300 patients). De plus, une évaluation hémodynamique des lésions reste un élément majeur et dans ce contexte l’équipe de B. de Bruyne a présenté les résultats de FAME 2. Ces résultats sont de plus publiés dans le même temps dans le NEJM avec comme fil conducteur l’analyse par FFR avant toute angioplastie. Les auteurs ont ainsi inclus 1 220 patients coronariens stables avec une analyse systématique des lésions par FFR permettant de classer les patients en 3 groupes : 1) en cas de FFR > 0,80 la lésion est considérée comme non significative et les patients sont inclus dans le registre, 2) en cas de FFR ≤ 0,80 les patients sont randomisés en 2 groupes : angioplastie + optimisation du traitement médical ou traitement médical seul (figure 3). Il faut souligner que les patients bénéficiaient de stents actifs de dernière génération. Le critère de jugement était un critère combiné à 2 ans : décès toutes causes, infarctus non fatal ou revascularisation en urgence. Les résultats sont importants avec à 2 ans aucune différence significative pour le critère principal entre les groupes angioplastie et le registre, mais un pourcentage plus élevé d’événements cardiovasculaires pour le groupe traitement médical chez les patients avec une FFR ≤ 0,80 (19,5 % vs 8,1 % ; p < 0,001) (figure 4). Cependant les résultats de FAME sont essentiellement liés à une réduction des revascularisations urgentes dans le bras traitement médical et FFR ≤ 0,80. Cette nouvelle étude confirme donc la place de plus en plus importante de la FFR dans l’évaluation ischémique chez les coronariens, sa place au cours du SCA reste cependant à définir. Enfin, les patients inclus de FAME étaient des coronariens symptomatiques avec au moins une lésion évaluée angiographiquement > 50 % ou des patients asymptomatiques avec une ischémie significative. Cette notion d’ischémie est en effet un facteur majeur qui vient d’être modifié dans les nouvelles recommandations de la Société européenne de cardiologie 2014 avec un nouveau seuil à 10 % du myocarde contre 20 % dans les anciennes. Par contre, nous ne disposons pas à ce jour des données de FAME en fonction du mode d’entrée dans l’étude (ischémie évaluée ou symptômes) mais également en fonction du score SYNTAX qui est maintenant un élément majeur à prendre en compte dans la stratégie de revascularisation. Il sera également intéressant de comprendre les divergences en ischémie non invasive et FFR négative. Figure 3. Résultats de FAME 2. TM : traitement médical. Figure 4. Résultats de FAME 2. Incidence cumulée des événements. L’optimisation du traitement médical : quelle place pour la polypill en 2014   L’optimisation médicale est indispensable dans la prise en charge des coronariens en postinfarctus. Le programme FOCUS a inclus plus de 3 000 patients dans 64 centres en Espagne, au Brésil, en Argentine et au Paraguay avec 2 objectifs : la détermination des facteurs de nonadhérence aux traitements validés du post-infarctus, et l’évaluation de l’impact d’une polypill incluant 100 mg d’aspirine, 2,5 à 10 mg de ramipril et 40 mg de simvastatine sur l’adhérence. Les résultats mettent en évidence 2 facteurs d’adhérence, les niveaux sociaux élevés et une bonne couverture sociale, et 3 facteurs de non-adhérence, la complexité du traitement, une dépression et un âge < 50 ans. Mais surtout les auteurs montrent que la polypill est une réelle réponse à la non-adhérence avec une augmentation de 41 à 50,8 %. Les données sur les événements cardiovasculaires ne sont pas encore disponibles mais tous les travaux précédents étaient en faveur d’un impact de l’adhérence sur morbi-mortalité au long cours. En revanche, FOCUS est la première avec une dose fixe de statine et d’aspirine et une titration seulement sur la dose d’IEC. Dans l’optimisation du traitement médical, la stabilisation des plaques par la pharmacologie reste une des pistes. En revanche, à l’ESC, les travaux avec le darapladid (inhibiteur direct de la Lp-PLA2) chez des patients optimisés n’ont démontré aucun bénéfice chez 13 026 patients avec un suivi de 2 ans par rapport à un placebo. Il faut souligner que le darapladid n’avait pas démontré d’impact sur la réduction du volume des plaques mais un impact sur les progressions du noyau nécrotique intra-plaque confirmant à nouveau que les critères intermédiaires doivent être pris en compte avec réserve. Cependant, ces travaux ne remettent pas en cause le rôle central de l’inflammation dans l’athérosclérose. Enfin, la voie du LDL-cholestérol a pris un nouvel élan avec l’alirocumab dans l’étude ODYSSEY qui a inclus 2 341 patients à haut risque cardiovasculaire sous statine à dose optimale avec un LDL-Cs restant ≥ 0,70 mg/l. Les résultats sont fantastiques avec une réduction du LDL-Cs de 61 % dans le bras traitement actif, et surtout une absence d’alerte sur la tolérance. Une nouvelle fois, les résultats biologiques devront être confirmés par les événements cliniques mais la piste est très enthousiasmante.   Au total, la prise en charge de l’infarctus à la phase aiguë devient une combinaison de stratégie mécanique et pharmacologique associée à une évaluation de plus en plus précise du réseau coronaire angiographiquement, mais également par des scores comme le score SYNTAX, et des analyses hémodynamiques par FFR.

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