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Congrès et symposiums

Publié le 14 mar 2015Lecture 6 min

Insuffisance cardiaque : quels outils pour diminuer les réhospitalisations ?

D. LOGEART, Hôpital Lariboisière, Paris

JESFC

Prévenir les hospitalisations, et notamment les réhospitalisations itératives des insuffisants cardiaques, est un objectif prioritaire à la fois pour les médecins et les tutelles. Malgré les progrès thérapeutiques des dernières décennies et une diminution du nombre de décès liés directement à l’insuffisance cardiaque, le nombre d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque a continué de croître en France de 22 % entre 2002 et 2010 d’après les données PMSI (environ 210 000 hospitalisations/an en 2009). Si on enlève la part liée au vieillissement, le taux rapporté à l’âge est plus stable mais ne baisse pas. Rapportée à une durée moyenne de séjour de 9,5 jours, le coût de cette prise en charge hospitalière atteint des proportions importantes (environ 1 milliard d’euros, soit 65 % du coût total de l’insuffisance cardiaque). Toujours à partir des données du PMSI et du SNIIRAM, le taux de réadmission à 1 mois atteint 25 % dont environ 1/4 directement lié à une nouvelle décompensation. À 12 mois, ce taux est entre 40 et 60 % selon les enquêtes. On peut noter qu’aux États- Unis, il existe actuellement un système de pénalités à l’encontre des hôpitaux en cas de taux de réadmission précoce (J30) trop important.
Comment faire pour améliorer ce constat sans nécessairement en passer par des sanctions ?

Diminuer l’inertie thérapeutique   Le concept d’inertie est souvent utilisé dans l’hypertension artérielle où il existe une cible thérapeutique simple – la pression artérielle – ; il est alors aisé de pointer l’insuffisance de modification/optimisation du traitement en cas de persistance de pression artérielle (PA) élevée. Dans l’insuffisance cardiaque, le problème est plus complexe à analyser car il n’y a pas de cible simple. Une telle inertie existe pourtant si on regarde par exemple le faible nombre de modifications thérapeutiques réalisées dans les 2-3 mois suivant la sortie d’un patient. De même, les données PMSI/SNIIRAM de 2009 montrent que dans le mois suivant la sortie, seulement 29 % des patients ont vu un cardiologue et 71 % leur médecin généraliste. Aux États- Unis (registre OPTIMZE-HF), ces taux étaient de 31 % et de 80 %. Concernant les cibles, la PA et la fréquence cardiaque permettent d’adapter les doses mais rendent peu compte de la stabilité de la maladie. Le poids et le stade NYHA sont des cibles nécessaires mais insuffisantes. Le suivi biologique du taux de peptides natriurétiques, en parallèle à la fonction rénale, est séduisant mais reste peu utilisé et ne bénéficie pas (encore) du soutien des recommandations des sociétés savantes. La difficulté à individualiser des cibles claires ne saurait justifier la reconduction systématique du traitement précédent à chaque consultation. Chaque ligne de prescription doit y être évaluée de même que l’observance médicamenteuse et diététique. Ceci concerne aussi les aspects thérapeutiques non médicamenteux. Dans les observatoires récents comme celui de l’ESC, seulement 40 à 50 % des patients a priori éligibles pour une resynchronisation et/ou un défibrillateur étaient finalement implantés. La part prépondérante des transplantations réalisées sur liste de « super-urgence » par rapport à la liste d’attente conventionnelle, ou encore le très faible taux d’implantation d’assistance ventriculaire gauche, interpellent aussi sur une probable inertie.   Identifier les patients les plus à risque   Si tous les patients devraient pouvoir profiter de la meilleure prise en charge, les plus à risque de décompensation à court terme doivent bénéficier d’une attention spéciale. De façon ironique (et sans surprise), on peut noter que dans la cohorte américaine OPTIMIZE-HF, les patients les moins sévères étaient les mieux suivis… Les facteurs de risque quant au risque d’aggravation précoce ont été assez largement explorés (tableau ci-dessous). De nombreuses études explorent également l’intérêt de nouveaux biomarqueurs pour mieux stratifier le risque (troponine ultrasensible, ST2, etc.). Le poids des comorbidités peut être quantifié par le score de Charlson. Ce dernier intègre, en leur donnant un poids variable, les comorbidités suivantes : maladie vasculaire, démence, BPCO, diabète compliqué, cirrhose, AVC séquellaire, tumeur, cancer évolutif, sida. Plusieurs études ont montré que le niveau de ce score était lié au risque d’aggravation des insuffisants cardiaques. Enfin, le poids de l’environnement socio-économique à la fois individuel (isolement social, niveau d’éducation, d’investissement, etc.) et du lieu de résidence (accès aux soins) commence à être quantifié dans la littérature ; son importance en France mérite d’être évaluée. Il n’y a pas de score ou d’algorithme consensuel. À l’admission pour décompensation, un algorithme CART a été proposé à partir d’une cohorte américaine de plus de 50 000 patients (ADHERE) ; cet arbre de décision simplissime utilise 3 paramètres successifs : l’urée (± 43 mg/l) puis la PA systolique (± 115 mmHg) puis la créatininémie (± 2,75 mg/dl). Beaucoup d’autres études ont confirmé l’importance de ces 3 variables. Néanmoins, ce score et d’autres proposés à l’admission ont été construits essentiellement pour le risque de décès précoce. Pour prédire le risque de réadmission précoce chez les survivants, les paramètres mesurés à la sortie semblent plus pertinents. Plusieurs scores ont été proposés comme le YALE-score et l’ELAN Score. Ce dernier a été établi à partir de 7 cohortes européennes et intègre : âge ± 75 ans, PA systolique ± 115 mmHg, œdèmes périphériques à l’admission, NYHA III ou IV à la sortie, hyponatrémie < 135, urée > 15 mM et NT-proBNP sortie.   Améliorer le parcours de soins, notamment au décours d’une hospitalisation   Les recommandations de l’ESC, de la HFA ou encore de la HAS insistent sur l’importance de la coordination des soins, d’une transmission fluide de l’information et la nécessité d’une prise en charge globale, le plus souvent multidisciplinaire. La HAS considère que la coordination de ces patients reste du domaine du généraliste sauf cas particulier. Concernant la prise en charge globale, le champ des possibilités est important (infirmières spécialisées, ETP, réadaptation, télémédecine, clinique d’insuffisance cardiaque, etc.) et est à adapter aux possibilités locales. Plusieurs expériences de réseaux de soins multidisciplinaires ont été réalisées en France, avec initialement un soutien des tutelles. Le système usuel est basé sur des visites à domicile et/ou des appels téléphoniques par des infirmières libérales (avec quelques objectifs simples : constantes, observance, etc.) et l’utilisation d’un dossier médical partagé. Des alertes sont générées en fonction de l’évaluation paramédicale. L’exacte utilité de tels réseaux reste difficile à quantifier. Pour exemple, le réseau ICALOR en Lorraine a inclus 1 222 patients entre 2006 et 2010, soit entre 15 et 20 % des insuffisants cardiaques de cette région, et ses instigateurs ont publié récemment avoir diminué significativement le taux d’hospitalisations dans leur région. L’utilisation des outils de télésurveillance n’en est qu’à ses débuts. Il est probable que les plateformes actuelles basées sur la transmission du poids, de la PA et de réponses à des questionnaires simples évoluent rapidement vers des propositions plus élaborées, pouvant inclure plusieurs biomarqueurs par exemple. Pour les patients les plus sévères, il existe déjà des capteurs embarqués dans les pacemakers, et même un capteur de pression artérielle pulmonaire délivrable par voie endovasculaire (étude CHAMPION), commercialisé aux États-Unis. La capacité à traiter efficacement ces informations est loin d’être réglée (algorithmes, personnels dédiés, financement). Au décours d’une décompensation, il existe une période de vulnérabilité évidente où devrait se concentrer une grande partie des efforts. La CNAM déploie actuellement un programme d’aide au retour à domicile (PRADO) pour ces patients (quelle que soit leur sévérité) en proposant une standardisation de la prise en charge des premières semaines, basée sur plusieurs visites à domicile d’infirmières libérales et des consultations planifiées auprès du généraliste essentiellement. L’évaluation et l’ajustement thérapeutique de ces patients restent néanmoins délicats et la valeur ajoutée du cardiologue, libéral ou hospitalier, dans le suivi immédiat ne doit pas être sous-estimée. Plusieurs études ont évalué ou évaluent actuellement le bénéfice à revoir (par le cardiologue) systématiquement les patients dans les jours qui suivent la sortie (J7, J14…).   La sortie du patient hospitalisé, une étape cruciale L’hospitalisation peut être une chance pour le patient survivant en termes de réévaluation de ses pathologies, de mise en place des thérapeutiques et enfin d’organisation du suivi. Il faut que la sortie du patient soit organisée et qu’une sorte de cahier des charges soit établi avec notamment une « check-list » de sortie. Les sociétés savantes américaines AHA et HFSA en ont d’ailleurs publié une en 2013, basée sur une liste de 42 points et répartis entre traitements, conseils et planification du suivi.

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