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Thérapeutique

Publié le 14 sep 2015Lecture 13 min

Les craintes sur les anticoagulants oraux directs en utilisation prolongée sont-elles fondées ?

J.-C. DAUBERT, M. FOURNET*, *Service de cardiologie et maladies vasculaires, CHU de Rennes

Un rapport sur les anticoagulants oraux directs (AOD) publié par l’Académie nationale de médecine en 2014 concluait que « en l’état actuel des données de la littérature et au vu de celles résultant des pratiques encore récentes, les AOD doivent être considérés comme peu différents des AVK autant en termes d’efficacité que de risque en particulier hémorragique ; ils en représentent donc une alternative ». Il insistait sur la nécessité de données de suivi prolongé en conditions de vie réelle pour évaluer la sécurité à long terme.
Cette revue critique analyse avec le regard du clinicien, l’abondante littérature publiée depuis un an associant métaanalyses et analyses secondaires des essais cliniques AOD versus AVK dans la fibrillation atriale et la maladie thromboembolique veineuse, et suivis de cohortes.

Globalement, les résultats des études pharmaco-épidémiologiques sont rassurants, ne montrant pas de différences significatives entre « vie réelle » et ce qui était prédit par les essais cliniques. En particulier, Il n’a pas été observé de sur-risque global d’hémorragies. Le risque d’hémorragies intracrâniennes est plus faible sous AOD. Les données ne sont pas homogènes pour les hémorragies gastrointestinales. Enfin, il n’existe pas d’évidence de mésusage de ces nouveaux médicaments, en particulier en France. Malgré les limites actuelles des AOD (absence d’antidote vraie…), leur sécurité d’emploi semble satisfaisante, qu’ils soient utilisés en première intention ou en relais des AVK. Leur facilité d’emploi et une mei l leure adhérence au traitement sont à considérer. Des anticoagulants oraux inhibiteurs directs de la thrombine (dabigatran) ou du facteur Xa (rivaroxaban, apixaban) sont disponibles à la prescription et viennent concurrencer les antivitamine K (AVK), produits de référence. En usage curatif, les indications cliniques autorisées (AMM) concernent la fibrillation atriale (FA) non valvulaire pour la prévention des accidents thromboemboliques (ATE/AVC) en traitement continu, et la maladie thromboembolique veineuse (MTEV) avec un traitement habituellement temporaire (3-12 mois). La population « cible » est considérable ; elle est estimée pour la seule FA à 1,5 million d’individus en France dont une proportion importante de sujets âgés (> 30 % de 80 ans et plus) et à risque plus élevé. Un rapport de l’Académie nationale de médecine sur les AOD a été rédigé sous la direction de Gilles Bouvenot en 2014(1). Comparés aux AVK, les AOD ont des avantages potentiels : moindres contraintes pour le patient, pas de surveillance de l’activité anticoagulante, dose fixe, demi-vie brève, moindres interactions alimentaires et médicamenteuses au moins pour les produits les plus récents… Mais ils gardent d’importantes limites : élimination rénale prédominante qui contre-indique l’utilisation en cas d’insuffisance rénale sévère et impose la prudence en cas d’insuffisance rénale modérée, absence actuelle d’antidote que ne compense qu’en partie la demi-vie brève, absence de possibilité d’ajustements posologiques personnalisés, observance plus incertaine et difficile à évaluer… sans omettre un recul insuffisant et un coût élevé (x 6 vs AVK). La conclusion générale du rapport était que « en l’état actuel des données de la littérature et au vu de celles résultant des pratiques encore récentes, les AOD doivent être considérés comme peu différents des AVK autant en termes d’efficacité que de risque en particulier hémorragique ; ils en représentent donc une alternative ». Le rapport insistait aussi sur la nécessité de données de suivi prolongé pour évaluer la sécurité à long terme. Un an après ce rapport, la situation a-t-elle évolué ? Pour tenter d’y répondre, cette revue critique se base sur une réinterprétation des résultats des grands essais cliniques et sur les nombreuses données de suivi publiées au cours des derniers mois. Elle correspond à une vision de clinicien et non de méthodologiste.   Informations complémentaires issues des essais cliniques   Fibrillation atriale Plusieurs métaanalyses ou revues systématiques de la littérature ont été récemment publiées. La métaanalyse de C.T. Ruff et coll.(2) est la plus complète en ce qui concerne les essais randomisés dans la FA. Elle regroupe les données des quatre principales études, RE-LY(3) avec dabigatran, ROCKET AF(4) avec rivaroxaban, ARISTOTLE(5) avec apixaban et ENGAGE AF(6) avec edoxaban, totalisant 71 683 patients dont 59 % randomisés dans les bras AOD. La durée moyenne de suivi était de 2,2 ans (ext. : 1,9-2,8). Les populations n’étaient pas strictement comparables d’un essai à l’autre. En particulier, le score de risque thromboembolique (CHADS2) était plus élevé dans l’étude ROCKET AF (3,5 vs 2,1-2,2 dans les autres études). Ces différences n’autorisent pas de comparaison directe entre études et donc entre produits. Les principaux résultats de la métaanalyse figurent dans le tableau 1 et sont exprimés en réduction du risque relatif (RRR) observée avec les ADO comparés aux AVK (warfarine). Sont concernés le critère primaire d’efficacité (AVC/ embolies systémiques), le principal critère secondaire de sécurité (hémorragies majeures) et leurs composantes. En résumé, les AOD réduisent en moyenne le risque relatif d’AVC/embolies systémiques de 19 %. Le bénéfice est toutefois variable d’une étude à l’autre, compris entre 12 % (NS) dans les études ROCKET AF et ENGAGE AF et 36 % dans l’étude RE-LY avec la dose élevée de dabigatran (150 mg). Fait intéressant, l’effet bénéfique des AOD ne porte que sur les AVC hémorragiques (RRR : 51 %). Aucune différence n’est observée sur les AVC ischémiques. RRR : réduction du risque relatif ; HR : hazard ratio ; ATE : accidents thromboemboliques ; AVC : accidents vasculaires cérébraux ; HM : hémorragies majeures ; HIC : hémorragies intracrâniennes ; HGI : hémorragies gastro-intestinales. *p < 0,01 ; **p < 0,001. Concernant la sécurité, le risque relatif d’hémorragies majeures n’est pas significativement différent entre AOD et AVK. Seules les études ARISTOTLE(5) et ENGAGE AF(6) ont montré une RRR significative de 29 % et 20 % respectivement, en faveur de l’AOD. Concernant le type d’accidents hémorragiques, une réduction très significative (52 %) est observée pour les hémorragies intracrâniennes (0,7 % sous AOD vs 1,5 % sous AVK). En revanche, il existe un sur-risque (+25 % : 2,6 % vs 2 %) d’hémorragies digestives. Concernant la sévérité et la prise en charge des hémorragies majeures, une information intéressante est apportée par une réanalyse des résultats de RELY(7). Les patients sous dabigatran victimes d’hémorragie nécessitaient plus de transfusions sanguines mais moins de plasma que les patients sous AVK, avaient des durées de séjour en soins intensifs plus courtes (1,6 vs 2,7 nuits) et une mortalité à 30 jours plus faible (9,1 % vs 13 %). Ces données suggèrent un pronostic meilleur des hémorragies majeures sous dabigatran que sous AVK. Il est intéressant de noter que le ratio hémorragies majeures/ATE survenus en cours d’essai est en moyenne de 1,6, identique pour les AOD (1,61) et les AVK (1,63). Pendant un suivi moyen de 2 ans, 3,1 % des patients sous AOD et 3,8 % des patients traités par AVK ont présenté un ATE quand 5,2 % et 6,2 % respectivement ont eu une hémorragie majeure. En se référant à la métaanalyse de R.G. Hart et coll.(8) montrant une RRR de 65 % pour les AVC sous AVK par rapport au placebo, on peut admettre qu’un patient traité par anticoagulant oral pour FA a un risque égal de présenter une hémorragie majeure et d’éviter un AVC ou une embolie systémique en cours de traitement. Il convient aussi de rappeler que le risque d’hémorragie majeure augmente sur un mode quasi linéaire avec le temps, en particulier chez les sujets âgés(9). Ces observations illustrent le « prix à payer » pour prévenir un événement clinique dans cette population. Dans la pratique, Il illustre la nécessité d’évaluer le risque hémorragique avant chaque prescription et de le réévaluer régulièrement au cours du suivi. Il souligne enfin le besoin de nouveaux critères pour évaluer le bénéfice réel de ces traitements à risque. Une évaluation objective du bénéfice net doit se substituer aux seuls critères d’efficacité clinique. Concernant enfin la mortalité totale (critère secondaire des études), il existe une réduction modeste (RRR = 10 %), mais significative avec les AOD. Dans la métaanalyse de Ruff(2) ainsi que dans une revue systématique de la littérature incluant les études observationnelles(10), les analyses de sous-groupes n’ont pas montré d’interaction significative tant pour le critère d’efficacité que pour le risque d’hémorragies majeures avec les principales caractéristiques de base des patients : âge, sexe, fonction rénale (sachant que l’insuffisance rénale sévère était un critère d’exclusion des études), histoire d’AVC/AIT, insuffisance cardiaque, diabète, prescription antérieure d’AVK. Seul le score CHADS2 ≥ 2 prédit un risque hémorragique plus élevé (p < 0,01) confirmant qu’il s’agit d’un indicateur de risque composite même s’il est surtout utilisé en pratique pour prédire le risque thromboembolique et indiquer le traitement anticoagulant.   Maladie thromboembolique veineuse À titre indicatif, sont indiqués dans le tableau 2 et la figure les principaux résultats des essais cliniques avec dabigatran(11-13), rivaroxaban(14-17), apixaban(17) et edoxaban(18) dans la maladie thromboembolique veineuse et de leur métaanalyse(19). Les durées de traitement étaient plus courtes que dans la FA (3, 6 ou 12 mois). Les résultats sont cohérents avec les observations faites dans la FA. L’efficacité clinique (récidives de thromboses veineuses profondes ou d’embolies pulmonaires) est non inférieure à celle des AVK. Le risque d’hémorragies majeures ou d’hémorragies « cliniquement significatives » (hémorragies fatales, hémorragies intracrâniennes, hémorragies digestives sévères) est globalement réduit avec toutefois des différences sensibles d’un produit à l’autre. La méta analyse ne montre pas de sur-risque d’hémorragies gastrointestinales sévères. TEV : événements thromboemboliques veineux ; H : hémorragies ; HGI : hémorragies gastro-intestinales. *p < 0,01 ; **p < 0,001. Métaanalyse (N. van Es(19)) des essais cliniques randomisés comparant AOD et AVK dans la maladie thromboembolique veineuse.  Études pharmacoépidémiologiques en conditions de « vie réelle » Dans les mois qui ont suivi la commercialisation du dabigatran aux États-Unis en 2010, la FDA s’est inquiétée de multiples messages d’alerte pour des accidents hémorragiques graves associés à l’utilisation de ce produit(11). Le taux d’événements rapportés était supérieur à celui attendu à partir des résultats de l’étude RE-LY(3) et l’expérience ancienne des AVK. Pour déterminer si ces alertes correspondaient à un sur-risque réel lié au dabigatran, la FDA a mené une enquête rétrospective à partir de sa base de données Mini-sentinel afin de déterminer les incidences d’hémorragies intracrâniennes et d’hémorragies gastro-intestinales chez les patients ambulatoires traités par dabigatran ou par warfarine, quelle que soit l’indication clinique(20). Contrairement aux inquiétudes initiales, l’analyse n’a pas montré de surrisque lié au dabigatran. L’incidence d’hémorragies gastrointestinales était plus faible (tableau 2) sous dabigatran que sous warfarine ; l’incidence d’hémorragies intracrâniennes était trois fois moins élevée. Les résultats étaient identiques dans la population globale et celle de patients avec FA avérée. Ces observations illustrent l’intérêt essentiel des études « post-marketing » pour ces médicaments à risque. En cas de risque avéré, elles permettent d’en comprendre l’ampleur et si la qualité de la base de données l’autorise, les causes (mésusage, posologies, interactions médicamenteuses, fonction rénale, etc.) et les facteurs de risque. À l’inverse, elles permettent de lever (au moins transitoirement) les inquiétudes si un sur-risque n’est pas démontré. Depuis cette première étude, les résultats d’autres enquêtes de pharmacovigilance ont été publiés(21-28). Elles concernent principalement le dabigatran, premier AOD commercialisé et qui reste le plus surveillé. Ces enquêtes ont été réalisées aux États-Unis, au Danemark, en France et en Grande-Bretagne à partir des bases de données existantes (Medicare aux États-Unis, CNAMTS en France) ou de cohortes nationales spécifiques (Danemark). Le tableau 3 résume les données actuellement disponibles sur dabigatran et rivaroxaban. À noter que l’incidence d’événements est exprimée différemment d’un registre à l’autre ; les comparaisons ne sont donc valides qu’à l’intérieur d’un même registre. Globalement, elles confirment les résultats des essais cliniques(3,4,14-16). Comparés aux AVK, les AOD ne modifient pas(14) ou réduisent(14) le risque d’ATE/AVC. En ce qui concerne le risque hémorragique, une seule étude indique un surrisque d’hémorragies majeures(24) avec dabigatran (HR = 1,58), contrastant avec les autres registres qui montrent un effet neutre(23) ou une incidence plus faible(20-22). Ces résultats contradictoires peuvent s’expliquer par la faible puissance de l’étude d’Hernandez(24) et la sélection d’une population à plus haut risque. Néanmoins, elle réattire l’attention sur les précautions à observer (prescription et suivi) dans certains sous-groupes, en particulier les patients avec fonction rénale altérée. Dans toutes les études, la réduction du risque d’hémorragies intracrâniennes est confirmée. En revanche, le risque d’hémorragies gastrointestinales est augmenté sous dabigatran dans la plupart des registres. Seule l’étude de Southworth indique une incidence plus faible(20). Enfin, il est rassurant d’observer que les AOD réduisent la mortalité toutes causes et ne sont pas associés à un sur-risque d’infarctus du myocarde. Deux études(25,26) ont analysé l’influence du mode d’introduction des AOD sur les risques ischémique et hémorragique : première prescription d’anticoagulant oral (patients « naïfs ») ou « switch » d’un traitement par AVK pour un traitement par AOD. En comparant « switcheurs » et « non-switcheurs », ces études n’ont pas montré de différences significatives tant pour le risque d’événements ischémiques (HR = 0,91 [0,50- 1,66] ; p = 0,76) que pour celui d’hémorragies majeures (HR = 0,91 [0,60-1,39] ; p = 0,66). La pratique du « switch » ne semble donc pas comporter de surrisque(25). *Nb événements/100 000 jours d’exposition au risque ; **Incidence de l’événement pendant la durée du suivi ; ***Incidence/1 000 patients-années ; ACO : anticoagulants oraux ; D : dabigatran ; R : rivaroxaban ; AVK : anti-vitamine K ; ATE : accidents thromboemboliques ; HM : hémorragies majeures ; HIC : hémorragies intracrâniennes ; HGI : hémorragies gastro-intestinales ; IDM : infarctus du myocarde ; FDA : Food and drug administration (US) ; CNAMTS : Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (France) ; ANSM : Agence nationale de sécurité des médicaments (France). Concernant spécifiquement le rivaroxaban, une étude d’observation non comparative(27) sur 24 647 patients a évalué l’incidence d’hémorragies majeures à 2,86/100 patients-années, majoritairement gastro-intestinales (88,5 %), rarement intracrâniennes (7,5 %). Au total, 2,9 % des hémorragies majeures ont été fatales. Ces données sont cohérentes avec les observations des essais cliniques(4,14-16). L’observance thérapeutique était un autre point critique souligné dans le rapport de l’ANM(1). La demi-vie courte des AOD avec une sensibilité particulière à l’oubli d’une prise, impose une observance rigoureuse. Les études pharmaco-épidémiologiques ne renseignent pas sur ce point. En revanche, l’adhérence au traitement est meilleure avec les AOD comme le montre un registre anglais avec un maintien d’administration de 80,7 % à 1 an pour les AOD et de 54,3 % pour les AVK(8).   Réflexions sur les méthodes d’évaluation du bénéfice clinique net des anticoagulants oraux Les données des études pharmaco-épidémiologiques en situation de vie réelle confirment ou amplifient celles des essais cliniques. L’incidence d’hémorragies majeures est élevée que ce soit avec les AOD ou les AVK. Dans le registre MEDICARE(22) qui a étudié la période la plus critique de début de traitement (90 j)(9), l’incidence d’hémorragies majeures était de 43/1 000 patientsannées avec un ratio hémorragies majeures/ATE-AVC > 3. Sur un suivi plus long, le ratio semble diminuer se rapprochant de 1 dans le registre danois(12). Il n’en est pas moins vrai que le « prix à payer » pour prévenir un accident ischémique est élevé. Ces observations obligent à s’interroger sur la pertinence des critères d’évaluation utilisés dans les essais cliniques sur les ACO. Dans tous les essais réalisés avec les AVK(8) puis les AOD(2), le critère d’efficacité clinique (risque d’ATE/AVC) a été privilégié. Le risque hémorragique n’était qu’un critère d’évaluation secondaire de sécurité. Dans les essais les plus récents, une évolution positive se dessine avec l’identification de deux co-critères primaires, l’un d’efficacité, l’autre de sécurité. Mais il faut probablement aller plus loin en évaluant le « bénéfice net » du traitement par un critère combiné associant mesures d’efficacité et de sécurité. Plusieurs approches ont été récemment proposées(29-32) avec les AVK ou les AOD et testées dans des cohortes existantes. Le critère le plus souvent proposé associe risque d’AVC ischémique et hémorragie intracrânienne. Il a le mérite de l’homogénéité mais la limite d’une non-indépendance des deux composantes. De plus dans une comparaison AOD vsAVK, ce critère est présumé favoriser les AOD qui ont démontré un effet neutre ou positif sur les événements ischémiques et un effet très positif sur les hémorragies intracrâniennes comparés aux AVK. La combinaison AVC fatal-hémorragie fatale s’est révélée pertinente dans une population de patients à haut risque (fonction rénale altérée) traités par AVK(32), mais on remarquera qu’aucun de ces critères combinés n’intègre les hémorragies majeures de tous sites. Pourtant, le vrai succès d’un traitement anticoagulant est défini à la fois par l’absence d’accident ischémique et celle d’hémorragie majeure. Les futurs critères d’évaluation devront prendre en compte cette évidence. On peut rappeler que dans RE-LY(3), les investigateurs avaient testé un critère secondaire composite de « bénéfice clinique net » associant événements thromboemboliques (AVC, embolies systémiques, embolies pulmonaires, infarctus du myocarde), hémorragies majeures et décès de toutes causes (tableau 4). Il n’avait pas été observé de différence significative avec la warfarine pour le dabigatran 110 mg (p = 0,10) et seulement un bénéfice à la limite de la significativité pour le dabigatran 150 mg (p = 0,04). Le même critère testé dans l’étude ARISTOTLE(5) montrait une différence significative en faveur d’apixaban (p < 0,001). Des observations similaires ont été faites dans l’étude ENGAGE AF(6) avec l’edoxaban aux deux doses testées (30 et 60 mg). Les données ne sont pas disponibles pour le rivaroxaban(4). AVK : anti-vitamine K ; AOD : anticoagulant oral direct ; RRA : réduction de risque absolue ; HR : hazard ratio. Ce critère combiné permet une approche plus objective de la balance bénéfice-risque et autorise la comparaison entre produits et groupes de risque. Il devrait être particulièrement utile pour l’évaluation du bénéfice réel des AOD dans les groupes de patients à haut risque où sur-risque thromboembolique et sur-risque hémorragique sont associés. Dans l’avenir, d’autres critères composites pourraient être testés tels la survie sans ATE et sans hémorragie majeure, ou le délai de survenue d’un premier ATE ou d’une première hémorragie majeure.   Conclusion    Les AOD sont maintenant rentrés dans la pratique quotidienne. Pour le dabigatran et le rivaroxaban, le comportement en vie réelle est conforme à ce qui était attendu des essais cliniques. Les craintes exprimées sur un sur-risque hémorragique ne sont pas confirmées. Il n’existe pas d’évidence de mésusage en France où les prescriptions semblent conformes aux directives. La pratique du « switch » (AVK-AOD) n’est pas associée à un sur-risque. L’adhérence au traitement est meilleure avec les AOD mais on manque encore de données sur l’observance. Ces observations sont donc globalement rassurantes. Néanmoins, l’usage prolongé des AOD comme des AVK reste associé à un risque élevé d’hémorragies majeures. Une évaluation rigoureuse du risque hémorragique avant prescription et une réévaluation périodique du rapport bénéfice-risque pourraient contribuer à minimiser ce risque. Reste le problème encore non résolu des antidotes pour les AOD dans les situations urgentes à risque hémorragique ou en cas d’hémorragie majeure déclarée. 

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