Publié le 14 oct 2015Lecture 6 min
L’hypertension artérielle - La spironolactone, mais à bonne dose
J. AMAR, Fédération de cardiologie ; CHU de Toulouse
ESC
Dans la pratique
La spironolactone dans l’hypertension résistante : d’ASPIRANT à PATHWAY 3
Le contexte : beaucoup de recommandations suggèrent dans l’hypertension résistante, l’ajout de spironolactone. Le niveau de preuve soutenant cette proposition est modeste. L’étude ASPIRANT(1) avait laissé une impression mitigée. Il s’agissait d’une étude avec tirage au sort en double aveugle comparant un placebo à la dose de 25 mg/jour de spironolactone chez l’hypertendu résistant à une trithérapie incluant un diurétique. Le critère primaire était la mesure ambulatoire de la pression artérielle. Il était observé une réduction modeste de la pression ambulatoire systolique diurne comparée au placebo -5,4 mmHg (IC95% : -10,0 à -0,8 ; p = 0,024) sans effet significatif sur la pression artérielle diastolique.
L’étude PATHWAY 2 présentée à l’ESC 2015 et publiée dans le Lancet(2) ajoute de l’information sur le potentiel de la spironolactone dans cette situation en testant une posologie cible plus forte de 50 mg par jour. Il s’agit d’un essai randomisé en double aveugle et en cross over comparant dans une méthodologie en cross over un placebo, un alphabloquant, un bêtabloquant et de la spironolactone à la posologie cible de 50 mg/jour sur des cycles de 12 semaines. Les patients inclus étaient des hypertendus résistant à un traitement associant un inhibiteur d’enzyme de conversion (ou un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II), un inhibiteur calcique et un diurétique. Le critère primaire était la pression artérielle mesurée au domicile par automesure (3 mesures le matin, 3 mesures le soir sur 4 jours). Dans ces conditions la spironolactone s’est avérée supérieure aux autres molécules et a démontré une baisse supplémentaire de la pression artérielle de 8,70 mmHg (IC95% : - 9,72 à -7,69 ; p < 0,0001) contre placebo et d’environ 4 mmHg en comparaison des autres drogues. De façon intéressante la supériorité de la spironolactone sur les autres classes testées est présente quel que soit le niveau de la réninémie mais cette supériorité est plus nette dans les HTA à rénine basse.
En synthèse, la spironolactone à posologie de 25 mg/jour amène une réduction modeste de 5 mmHg de la pression systolique diurne. Il est possible de gagner encore un peu (réduction de 8,7 mmHg) en doublant la dose (50 mg/j) en particulier dans les HTA à rénine basse. On risque cependant de voir survenir à cette posologie les effets indésirables en particulier chez l’homme : impuissance et gynécomastie, incompatibles avec la poursuite à moyen ou long terme de cette stratégie.
La place de l’amiloride
L’hypokaliémie volontiers associée à l’administration des diurétiques thiazidiques (et des diurétiques de l’anse) est un des acteurs de la mort subite chez l’hypertendu. De façon moins importante cliniquement c’est aussi un des acteurs de l’élévation de la glycémie sous diurétique. L’amiloride est un diurétique épargneur de potassium qui bloque le canal ENAC dont l’ouverture est physiologiquement régulée par l’aldostérone. À la différence de la spironolactone qui est l’autre diurétique épargneur de potassium disponible dans l’hypertension artérielle, l’amiloride est dépourvue d’effet stéroïdien et n’est donc pas associée à une gynécomastie ou une impuissance chez l’homme et à des métrorragies ou à des mastodynies chez la femme. La place de l’amiloride dans l’HTA a été explorée dans l’étude PATHWAY 3.
L’étude PATHWAY 3 a évalué dans un essai randomisé chez 399 hypertendus ayant une obésité, un autre élément du syndrome métabolique et une indication à un traitement diurétique, l’amiloride 10 mg par jour, l’hydrochlorothiazide 25 mg par jour ou la combinaison des deux. Une meilleure tolérance glycémique (critère primaire) était démontrée dans le groupe amiloride et surtout une amélioration du contrôle de la pression artérielle était observée dans le groupe combinaison hydrochlorothiazide + amiloride.
En synthèse, cette étude rappelle l’intérêt de l’amiloride chez les patients hypertendus avec syndrome métabolique présentant une hypokaliémie sous hydrochlorothiazide pour préserver l’équilibre potassique, pour contribuer à la baisse de la pression artérielle sans les effets indésirables de la spironolactone et sans compromettre les paramètres glycémiques. À noter à cet égard que la combinaison fixe disponible en France amiloride-hydrochlorothiazide : le Moduretic® (comprimé sécable associant 5 mg d’amiloride/50 mg d’hydrochlorothiazide) est très déséquilibrée en termes de posologie par rapport à notre expérience et au contenu de l’étude PATHWAY 3. Il vaut bien mieux personnaliser sa combinaison à partir de l’hydrochlorothiazide cp sécable à 25 mg et amiloride cp à 5 mg.
Perspectives : la place du LCZ696 dans l’hypertension systolique pure du sujet âgé
Le contexte : l’augmentation de la pression systolique secondaire à l’augmentation de la rigidité aortique semble inéluctable avec l’avancée en âge. De fait, 90 % des sujets après 80 ans présentent une HTA systolique pure. Dans cette forme d’hypertension, l’augmentation de la pression humérale est un bon reflet de l’augmentation de la pression aortique du fait de l’augmentation de la vitesse des ondes de pression et de la réduction du gradient de pression du centre vers la périphérie que cela occasionne. Il a été démontré dans 2 essais randomisés et suggéré dans un 3e l’intérêt qu’il y avait à traiter cette forme particulière d’hypertension chez le sujet âgé. Dans cette situation, deux classes d’antihypertenseurs ont été validées sur un critère dur, l’accident vasculaire cérébral : les diurétiques thiazidiques et les inhibiteurs calciques de la famille des dihydropyridines. Le LCZ696 est une combinaison qui après administration orale entraîne la libération dans l’organisme de valsartan et d’un inhibiteur de la néprilysine : le sacubitril. L’intérêt du LCZ696 a été démontré dans l’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection ventriculaire gauche basse. Il s’agissait dans l’étude PARAMETER (Williams et al.) d’étudier dans le cadre d’un essai randomisé son effet sur la pression aortique en comparaison avec l’olmesartan avec un suivi d’un an. Le LCZ696 s’est avéré supérieur à l’olmesartan sur la pression aortique et la pression brachiale. Cette étude constitue un rationnel intéressant pour tester l’effet de cette combinaison sur des critères cliniques en comparaison avec les stratégies validées dans l’HTA systolique pure du sujet âgé.
Pour mémoire : l’étude ATTEMPT CVD
L’étude ATTEMPS CVD (Ogawa et al.) est un essai randomisé incluant 1 245 patients hypertendus à haut risque dont l’objectif est de comparer deux stratégies antihypertensives selon la présence d’un antagoniste des récepteurs AT1 de l’angiotensine II : le telmisartan sur deux biomarqueurs (critère primaire) : l’excrétion urinaire d’albumine et le BNP et sur la pression artérielle et les événements cardiovasculaires (critères secondaire). Le suivi était de 3 ans. Au terme de ce suivi, il a été démontré une réduction significative de la microalbuminurie dans le bras telmisartan et il a été observé une baisse du BNP, sans différence de pression artérielle ou d’événements cardiovasculaires.
Cette étude rappelle l’importance de la baisse de la pression artérielle dans le bénéfice obtenu de la prescription des antihypertenseurs.
Conclusion
Pour la pratique, ce congrès européen de cardiologie aura été dans le domaine de l’hypertension, l’occasion de rappeler l’intérêt de l’amiloride en association à l’hydrochlorothiazide et préciser l’intérêt et les limites de la spironolactone dans l’hypertension résistante.
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