Publié le 29 fév 2016Lecture 5 min
Traitement percutané de l’insuffisance tricuspide
J. TERNACLE, R. GALLET, E. TEIGER, J.-P. COUETIL, J.-L. MONIN, P. LIMAP-HP, CHU Henri Mondor, Créteil
JESFC
Après avoir été longtemps négligée, la valve tricuspide est désormais au cœur de l’actualité cardiologique. La prévalence de l’insuffisance tricuspide (IT) est en augmentation avec le vieillissement de la population. Malgré un pronostic sévère, seul un nombre limité de patients sont opérés (< 1 %) en raison d’un risque opératoire élevé. Des solutions thérapeutiques percutanées sont en cours d’essai pour répondre à ce besoin thérapeutique.
Prévalence, mécanismes et traitement de l’insuffisance tricuspide
La prévalence de l’IT moyenne à sévère est estimée à 0,8 % de la population adulte selon les données de Framingham. Cette prévalence augmente nettement au-delà de 75 ans, notamment chez les femmes ou en cas de fibrillation atriale. Dans les pays développés, l’IT secondaire est la première étiologie (80 % des cas). Le développement de l’IT secondaire est lié à un remodelage des cavités droites en réponse à une augmentation des conditions de charge. Ce remodelage induit une dilatation de l’anneau tricuspide et/ou un tenting des feuillets tricuspides. Une fois l’IT présente, un cercle vicieux s’installe car l’IT majore la dilatation des cavités droites. La première cause de développement d’une IT secondaire est la présence d’une pathologie du cœur gauche. L’IT peut survenir plusieurs années même après correction de la cardiopathie gauche. Ce problème va inexorablement se majorer à l’aire du tout percutané. L’IT reste longtemps asymptomatique, souvent diagnostiquée au stade d’insuffisance cardiaque droite avancée. L’IT est un facteur indépendant de mortalité (médiane de survie de 2,2 ans) et seul le traitement chirurgical permet d’améliorer le pronostic. Malgré les recommandations encourageant un traitement précoce des IT sévères secondaires au stade asymptomatique avec une dilatation ou dysfonction précoce du VD, seule une minorité de patients (< 1 %) est adressée à la chirurgie car la mortalité opératoire est souvent jugée inacceptable chez les patients âgés ou en cas de dysfonction ventriculaire droite.
Les défis du traitement percutané de l’insuffisance tricuspide
L’abord veineux direct, les faibles gradients de pressions et la discontinuité anatomique entre l’anneau tricuspide et la chambre de chasse pulmonaire sont les avantages clés pour le développement de système percutané pour la tricuspide. En revanche, la géométrie tridimensionnelle et la faible composante musculaire de l’anneau rendent les techniques de plasties plus difficiles. Parallèlement, le développement d’une bioprothèse percutanée doit relever les problèmes de variabilité géométrique de l’anneau aux conditions de charges, de proximité des voies de conduction et d’épaisseur limitée des parois droites.
Solutions percutanées existantes pour valve tricuspide non native
Valve-in-valve ou valve-in-ring (figure 1) : l’expérience de ces implantations est relativement récente et limitée mais les résultats sont probants pour le valve-in-valve. L’équipe de Eicken et coll . a publié une série de 16 patients implantés en valve-in-valve d’une prothèse Melody® (n = 7) ou Edwards SAPIEN™(n = 10). Le taux de succès d’implantation était de 100 % et un seul patient gardait une fuite sévère. En revanche pour le valve-in-ring, la principale difficulté réside dans la géométrie non circulaire et ouverte des anneaux prothétiques. Sur les 3 cas rapportés par l’équipe de Bichat, deux gardaient des fuites non négligeables.
Figure 1. Scopie de procédure valve-in-valve en position tricuspide (A : avant B : après implantation) et scanner cardiaque de valve-in-ring (C : avant et D : après implantation).
Solutions percutanées en essai clinique pour valve tricuspide native
Concept de réduction
Parmi les dispositifs percutanés de réduction des IT, deux reposent sur le concept de« bicuspidisation » des feuillets et un sur l’utilisation d’un ballon au centre des valves permettant d’augmenter la coaptation.
Le premier concept de biscupidisation est le système TriCinch™qui permet d’hameçonner la commissure antéro-postérieure puis d’exercer une traction sur celle-ci pour réduire la taille de l’anneau (figure 2). La tension du système de traction est maintenue via un stent déployé dans la veine cave inférieure. Les premiers patients implantés ont été améliorés malgré la persistance de fuite résiduelle. Une étude plus large (PREVENT) pour obtenir le marquage CE est en cours.
Figure 2. Système bicuspidisation TriCinch™ (A : implantation du systèmed’ancrage, B : tractionpermettant de resserrer l’anneau, C : maintien de latraction par un long stent enveine cave inférieure). Essai clinique en cours.
Le système concurrent est le Mitralign System™ dont la bicuspidisation est réalisée au moyen de points de suture placés aux extrémités du feuillet postérieur, en passant par les faces atriale et ventriculaire de l’anneau (figure 3). La première implantation a permis de réduire la fuite et améliorer la patiente.
Figure 3. Système Mitralign™. Essai clinique en cours.
Le troisième concept de réduction, développé par Edwards est le système FORMA. Il s’agit d’un ballon monté sur un guide et positionné au niveau de la valve tricuspide (figure 4) et fixé à la pointe du ventricule droit. Le ballon permet ainsi de réduire la fuite en comblant le défaut de coaptation. Les 7 premiers patients implantés ont eu une amélioration fonctionnelle et un essai clinique est en cours.
Figure 4. Système FORMA repairavec son ballon intracavitaire enposition tricuspide ancré à lapointe du VD. Essai clinique en cours.
Enfin, d’autres projets d’annuloplastie tricuspide percutanée au stade expérimental sont en développement, dont le système Millipede™, CARDIOBAND et TRAIPTA qui consiste à encercler et ligaturer la région atrio-ventriculaire par une gaine placée dans l’espace péricardique.
Concepts palliatifs
Le seul concept palliatif en essai consiste à implanter une bioprothèse aortique percutanée (Edwards SAPIEN™) dans la veine cave inférieure (± supérieure) afin de réduire l’hypertension hépatorénale (figure 5).Ce procédé a permis d’améliorer les signes cliniques des 3 patients implantés et une étude prospective est en cours(TRICAVAL study).
Figure 5. Bioprothèse aortique Edwards SAPIEN™ dans la veine cave inférieure et supérieure (A : scopie per-procédure, B : contrôle en scanner cardiaque). Essai clinique en cours.
Le remplacement valvulaire tricuspide total par voie percutanée
Plusieurs prothèses ayant fait l’objet de validations expérimentales ont été publiées mais la plupart n’ont pas été poursuivies sur le plan clinique (figure 6). Dans notre centre, le projet Mitricares utilise une prothèse très souple dont la conformation anatomique et non la force radiale est utilisée pour s’ancrer. Elle a fait l’objet de plusieurs validations expérimentales pour être proposée en étude clinique. De par sa souplesse, elle serait capable d’accompagner le remodelage inverse et les variations de conditions de charge.
Figure 6. Projet de valves tricuspides percutanées totales (A, B, C : sanssuite clinique dans le domaine tricuspide, D : en développement).
En pratique
De nombreuses solutions percutanées en position tricuspide seront très prochainement disponibles. Outre la nécessité d’évaluer leur sécurité et leur durabilité, l’un des défis sera de définir les indications selon le stade de dysfonction ventriculaire droite et d’insuffisance tricuspide.
Dans l’attente, il est important de bien examiner la tricuspide avant une chirurgie du cœur gauche et ne pas référer trop tard les insuffisances isolées aux chirurgiens.
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