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Coronaires

Publié le 01 juin 2018Lecture 7 min

Coronarien et FA : quels antithrombotiques après angioplastie ?

Jean CHAPSAL, Paris

La coexistence d’une FA et d’une cardiopathie ischémique est une situation fréquente en pratique clinique, et le maniement des antithrombotiques et de leur association peut être délicat. Ce Printemps de la Cardiologie a été l’occasion pour François Roubille (Montpellier) de réunir différents experts pour un échange sur leurs pratiques et leurs convictions dans cette situation.

Une association fréquente La prévalence de la FA augmente avec l’âge (12 % dans REACH, 7 % dans CLARIFY). Ce sont les patients les plus âgés qui tirent le plus grand bénéfice du traitement anticoagulant mais qui sont aussi à plus haut risque hémorragique. Plus de 30 % des patients en FA ont une maladie coronaire latente ou patente et sont donc des candidats à une éventuelle antiagrégation plaquettaire. Chez les coronariens avérés, 5 à 10 % sont en FA et donc candidats à un traitement anticoagulant. Les anti-vitamine K L’étude WOEST a comparé chez les patients avec indication aux AVK une bithérapie AVK + clopidogrel à une trithérapie AVK + DAPT après angioplastie. Même si cette étude faite en ouvert sur une petite population est critiquable, elle a confirmé des travaux déjà connus mais a fait du buzz en démontrant que le bras clopidogrel seul était associé à une réduction significative des accidents hémorragiques divisés par 2 par rapport à la trithérapie et associé à une réduction des événements ischémiques. Les anticoagulants oraux directs Trois essais cliniques avec les AOD disponibles en France tentent de répondre à la question de la meilleure stratégie thérapeutique antithrombotique chez le coronarien stenté en FA. PIONEER (figure 1) Figure 1. Étude PIONEER. Patients avec une fibrillation atriale ayant bénéficié d’un stenting. Au schéma classique avec les AVK sont comparés 2 bras de rivaroxaban, l’un à dose réduite de 15 mg associé à un inhibiteur de P2Y12, l’autre à dose « antiplaquettaire » de rivaroxaban 2,5 mg x 2. Cette étude a permis de démontrer que dans les 2 stratégies rivaroxaban, le risque hémorragique est diminué de façon significative (16-18 % vs 27 % dans le bras AVK). S’il existe un bénéfice clinique net, il faut souligner que le critère principal de l’étude est le saignement. L’efficacité a été jugée comparable dans les 3 bras, mais il a été souligné que les petits effectifs et l’hétérogénéité des données (durée variable des traitements au choix des investigateurs comme dans la vraie vie) rend délicate son interprétation. Enfin, la posologie de rivaroxaban testée n’est pas celle validée dans la FA (ROCKET-AF). REDUAL-PCI (figures 2 et 3) Figure 2. Étude RE-DUAL. Figure 3. Hémorragie majeure ou hémorragie non majeure mais cliniquement relevante. Cette étude multicentrique a inclus 2 725 patients en FA ayant bénéficié d’une angioplastie et a comparé avec, comme critère principal, le risque hémorragique de 2 doses de dabigatran (110 ou 150 mg) associé à un inhibiteur P2Y12 au traitement classique par AVK + DAPT. Ici, l’étude se situe d’emblée dans une stratégie de bithérapie. Celle-ci fait mieux que le traitement AVK en termes de risque hémorragique, ce qui n’est pas surprenant : le choix d’une stratégie gagnante, la bithérapie, fait moins saigner qu’une trithérapie. En ce sens, les résultats de PIONEER et de REDUAL-PCI ne font que démontrer ce que l’on savait intuitivement : la trithérapie augmente le risque hémorragique par rapport à la bithérapie. Conclusion • L’association anticoagulant + AAP est fréquente et augmente le risque hémorragique. • Ceci doit conduire à réduire la durée de la trithérapie. • Pas de ticagrelor ni de prasugrel avec les AOD. • Les AOD sont recommandés par rapport aux AVK en raison du moindre risque hémorragique. • Ces études concernant les associations anticoagulants + antiagrégants plaquettaires sont des études de stratégie qui testent la tolérance mais dont les effectifs et la méthodologie ne sont pas calibrés pour évaluer l’efficacité antithrombotique. • Y aura-t-il un élargissement des indications à la fermeture de l’auricule gauche ? AUGUSTUS Cette 3e étude, avec un effectif de patients plus important (4 600), va comparer l’apixaban à la warfarine associés à un anti-P2Y12 avec un plan factoriel 2x2 testant pour chacun des deux bras l’association ou non d’aspirine (figure 4). Ici, le match est égal entre les deux comparateurs. L’étude se fera en non-infériorité sur le risque hémorragique chez les patients en FA qui ont une angioplastie planifiée ou dans le cadre d’un SCA et la 2e hypothèse est de tester la supériorité d’une monothérapie antiagrégante plaquettaire avec un inhibiteur du P2Y12 à la bithérapie antiplaquettaire sur le risque de saignement. Figure 4. Étude AUGUSTUS. Apixaban versuswarfarine chez les patients en FA et angioplastie. Place des recommandations Six à 8 % des patients stentés sont à risque ischémique et embolique, et environ 1/3 sont âgés de plus de 80 ans avec un risque hémorragique multiplié par 2 voire 3. Plutôt qu’un défilé des tableaux des recommandations, la présentation a choisi le décryptage pour la pratique. • Évaluer la balance individuelle entre un risque hémorragique et un risque ischémique : – sur la clinique : antécédent de thrombose de stent, angioplastie à risque (tronc commun, lésions longues, etc.), insuffisance rénale, antécédent de FA embolique pour évaluer le risque ischémique et pour le risque hémorragique : l’âge, une anémie, un antécédent d’hémorragie, un alcoolisme chronique ; – en s’aidant de scores (HASBLEED pour la FA, PRECISE-DAPT ou DAPT), ce qui peut conduire à raccourcir ou au contraire à prolonger la durée du traitement pour l’angioplastie. • La stratégie d’angioplastie reste basée sur la voie radiale et sur le choix d’un stent actif pour tous, elle se fait sous anticoagulant et DAPT. – quelles molécules ? En cas de trithérapie, on associe le clopidogrel à l’aspirine < 100 mg/j. On privilégiera un AOD à dose réduite (ou un AVK avec un INR cible entre 2 et 2,5). Les IPP sont systématiquement prescrits ; – quelle durée ? La trithérapie doit être la plus courte possible, au minimum 1 mois (figure 5). Figure 5. Algorithme décisionnel pour DAPT chez les patients ayant une indication à un traitement anticoagulant et soumis à une PCI. La conduite à tenir en cas de saignement est bien codifiée : du saignement minime, modéré ou moyen au risque de saignement sévère, voire menaçant le pronostic vital. Le traitement antithrombotique sera modifié selon les cas et la gravité : pas de changement, saut d’une prise, arrêt des anticoagulants, voire arrêt total. Conclusion • AOD à dose réduite. • Trithérapie la plus courte possible. • Bithérapie possible en cas de risque hémorragique élevé. • Traitement individualisé au cas par cas à réévaluer en fonction du suivi du patient. Discussion Il a été rappelé que dans tous les cas, le patient en cours d’angioplastie doit recevoir une trithérapie. Les échanges ensuite ont porté sur la bithérapie suggérée par les résultats des essais précédents : le choix de l’anticoagulant et de l’antiagrégant plaquettaire est alors capital car on peut redouter une éventuelle résistance au clopidogrel et une thrombose de stent, notamment en cas d’atteinte du tronc commun ou de lésions tritronculaires. C’est l’intérêt de l’étude AUGUSTUS qui associe le prasugrel ou le ticagrelor au traitement par l’apixaban à pleine dose. Toutes ces études se sont focalisées sur le risque hémorragique mais il a été souligné que le risque ischémique ne doit pas être minimisé : celui-ci est difficile à évaluer. Même une métaanalyse de ces études de petits effectifs serait délicate à interpréter en raison de l’hétérogénéité des données. Les futurs registres devraient apporter des éclaircissements. Individualiser la prescription Par exemple, chez un patient au score CHADS-VASc très bas, pourrait-on suspendre le traitement anticoagulant 1 à 2 mois si le risque ischémique est élevé et prescrire une antiagrégation puissante (stratégie DAPT) ? Lesdonnées actuelles ne permettent pas d’apporter la réponse. Encore une fois c’est l’évaluation de chaque patient au cas par cas qui guidera le choix thérapeutique, mais il est essentiel qu’au sein de chaque unité de soins, l’attitude soit homogène pour un suivi clair à la sortie du patient. La difficulté du choix thérapeutique est une situation fréquente et délicate : pour caricaturer : « les premiers jours et les premiers mois on veut prévenir le risque de thrombose aiguë de stent et au-delà d’un mois, on veut diminuer le risque hémorragique ». Au-delà d’un mois si on décide de passer à la bithérapie, quel dosage d’AOD faut-il choisir ? AUGUSTUS devrait apporter la réponse. Si dans ARISTOTLE, 4,7 % des patients recevaient la demi-dose d’apixaban, ceci n’est pas du tout observé dans les enquêtes de vraie vie dans lesquelles on note une surprescription des demi-doses d’apixaban, ce qui témoigne d’un mésusage souligné par la HAS. On attend donc les résultats d’AUGUSTUS. Tous les participants sont d’accord sur l’emploi des AOD en priorité et pour passer à une bithérapie rapidement. À force de vouloir éviter avant tout un saignement, il ne faudrait pas observer une recrudescence du risque ischémique coronaire ou cérébral à court et à long terme. Ainsi, les acteurs de cette réunion se posent la question de la sécurité d’une bithérapie avec le clopidogrel dont on connaît la mauvaise réponse pharmacologique et donc clinique en termes de MACE, soulignant que les recommandations sont souvent en décalage avec la pratique clinique. En pratique Les messages suivants sont essentiels : La trithérapie est toujours appliquée au cours de l’angioplastie, que celle-ci soit programmée ou au cours d’un SCA. Il ne faut pas associer un anticoagulant à pleine dose au prasugrel et à l’aspirine. La bithérapie : la marge thérapeutique étroite des AVK doit faire privilégier la prescription d’AOD dont on connaît le moindre risque hémorragique. Les études publiées sont des études de stratégie et non d’efficacité. À l’issue de l’hospitalisation, l’attitude proposée doit être claire et notifiée dans le courrier de sortie en indiquant la teneur, la qualité et la durée du traitement. Au bout d’un an, le traitement est constitué par le seul anticoagulant à pleine dose sauf si le risque vasculaire jugé important conduit à associer un AAP. D’après une table ronde avec la participation de F. Roubille (Montpellier), M. Elbaz (Toulouse) et M. Akodad (Montpellier), V. Probst (Nantes), D. Angoulvant (Tours), N. Mewton (Lyon), J.-M. Davy et F. Leclercq (Montpellier)

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