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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 01 déc 2018Lecture 6 min

Quand et comment décider d’une ablation de tachycardies ventriculaires ?

Frédéric SACHER, Josselin DUCHATEAU, Hubert COCHET, Pierre JAIS, IHU Liryc, Electrophysiology and Heart Modeling Institute, fondation Bordeaux Université, CHU de Bordeaux, Univ. Bordeaux ; Centre de recherche cardio-thoracique, U1045, Bordeaux

Le recours à l’ablation des tachycardies ventriculaires (TV) est encore trop limité et/ou tardif à l’heure actuelle en France. Les patients sont généralement adressés dans le cadre d’un orage rythmique ou d’épisodes de TV très fréquents alors que les recommandations internationales(1-3) proposent un recours à l’ablation plus précoce et cela depuis 2009. Avec le développement technologique, les choses sont en train de changer progressivement et de plus en plus de centres se mettent à pratiquer ce type d’interventions.

Quand penser à l’ablation? La survenue de TV en dehors d’une cause réversible (hypokaliémie, syndrome coronarien aigu...) doit faire proposer une ablation dans les situations résumées dans le tableau 1. Myocardiopathie ischémique Chez les patients en bon état général avec myocardiopathies ischémiques et TV, il faut systématiquement se poser la question d’une ablation de TV. Lorsque l’ablation est réalisée dans un centre expérimenté avec quelques précautions avant la procédure, les risques sont limités et les taux de succès bons quand on ne se limite pas à cibler la TV clinique. La relative frilosité dans cette indication était liée en partie aux études anciennes qui retrouvaient des taux de succès de 50 à 60 % et des taux de mortalité à 1 et 5 ans assez élevés (15 et 30 %) mais les indications étaient du dernier recours. Dans les études plus récentes sur l’ablation de TV sur myocardiopathie ischémique incluant des patients plus précocement dans l’histoire de leur maladie, les taux de succès sont de l’ordre de 80 % avec des taux de mortalité de 13 % à 2 ans. Dans ce contexte, le rapport bénéfice/risque versus amiodarone est possiblement/probablement en faveur de l’ablation d’autant plus que le patient est jeune (étude en cours : VANISH 2). Myocardiopathie non ischémique Chez les patients avec myocardiopathie non ischémique, les choses sont différentes. Tout d’abord il s’agit d’un groupe très hétérogène qui nécessite des stratégies d’ablation différentes en fonction du substrat (transmural, sous-endocardique, sous-épicardique, mésomyocardique/intra-mural, petites plages de fibrose disséminées (patchy), absence de fibrose localisée identifiée). Il nous semble important que toute personne avec CMD ait eu une IRM cardiaque avant implantation d’un défibrillateur afin d’identifier le substrat et l’étiologie sous-jacente. Quand ce n’est pas le cas, un scanner cardiaque injecté avec séquences tardives peut permettre d’avoir une idée du substrat sous-jacent. Outre l’identification du substrat, cela peut permettre de diagnostiquer une atteinte cardiaque d’une maladie de système ou d’une sarcoïdose qui ont des traitements spécifiques. En fonction du substrat, les stratégies sont donc différentes mais les taux de succès et le rapport bénéfice/risque de l’ablation pour le patient également. Ainsi devant des substrats intramuraux/mésomyocardiques ou patchy, nos indications sont plus restrictives. Nous proposons l’ablation chez les patients très fortement invalidés et sans autre option thérapeutique, mis à part l’amiodarone (surtout chez les jeunes). • Formes particulières Pendant longtemps, il était dit que l’ablation était inutile dans la dysplasie arythmogène du ventricule droit dû à un taux de récidive important. Les études ont finalement montré que ces récidives n’étaient le plus souvent pas liées à une évolution du substrat mais à la présence d’un substrat épicardique non traité. L’abord épicardique a permis de très nettement améliorer les résultats. En ce qui concerne les cardiopathies congénitales, l’indication se discute au cas par cas en fonction du substrat sous-jacent. Par exemple dans la tétralogie de Fallot, la réparation chirurgicale offre des conditions propices aux réentrées avec des isthmes de TV situés entre la cicatrice de fermeture de CIV et la valve pulmonaire et parfois entre la cicatrice de la ventriculotomie et cette même valve pulmonaire. Il s’agit alors de bonnes indications à l’ablation. Non-indication Il y a également des non-indications à l’ablation. Il n’est pas rare que devant un holter avec > 10 % d’ESV, un patient asymptomatique soit adressé pour ablation de ses ESV. Or les ESV ou TV non soutenues asymptomatiques sans critère de malignité et sans altération de la fonction VG ne sont pas une indication à l’ablation. Comment ? Pour que la procédure soit la plus efficace possible et pour diminuer le risque de complication, certaines précautions doivent être prises (tableau 2). Comme pour tout acte technique, plus le centre est expérimenté, meilleur sera le rapport bénéfice/risque. Le patient doit être suffisamment stable pour tenir 3-4 heures allongé et immobile sur une table. Même sous anesthésie générale, il n’est pas recommandé de débuter une procédure chez un patient recevant choc sur choc. Il faut d’abord stabiliser le rythme et/ou l’hémodynamique (sédation, accélération de la fréquence cardiaque, antiarythmiques, assistance cardiaque, etc.). De même, si le patient est en insuffisance cardiaque, il doit être un minimum compensé car il devra tenir allongé et aura des apports en sérum salé liés au matériel utilisé. Les désordres hydroélectrolytiques doivent également être corrigés avant de débuter la procédure car cela peut parfois régler le problème. S’assurer de l’absence de thrombus intracavitaire Il faut éliminer un thrombus de la cavité ciblée mais ne pas sous-estimer le risque d’un thrombus intraatrial gauche même avec un abord rétroaortique car il est fréquent de devoir choquer pendant une procédure d’ablation de TV. S’il y a une urgence vitale à faire l’ablation, en présence d’un thrombus intraVG, alors pourra se discuter une ablation épicardique. En présence d’un thrombus intraOG, on ne fera pas d’accès transeptal et on évitera d’induire la TV pour ne pas avoir à choquer. Le mieux étant de surseoir à l’ablation le temps de faire fondre le thrombus pour éviter un accident embolique, si la situation le permet. Identification du substrat avant le début de la procédure Quand cela est possible, l’identification du substrat avant la procédure est une information supplémentaire qui aide à choisir sa stratégie d’accès et d’ablation. Une IRM ou un scanner cardiaque avec séquences tardives permettent cette identification du substrat (figure). Cela permet aussi d’éliminer un thrombus intracavitaire, d’avoir une anatomie cardiaque précise à intégrer dans le système 3D, de savoir si le patient est très athéromateux, en particulier au niveau de la crosse aortique (et donc privilégier une voie transseptale). Si le substrat est sous-endocardique, sous-épicardique ou mésomyocardique, les stratégies et accès seront différents. Figure. Substrat et circuit d’une TV avec son isthme critique. Identification de la zone cicatricielle intégrée dans le système de cartographie tridimensionnelle avec le logiciel MUSIC. Société Inheart. Le panel A est une vue inférieure du cœur montrant la reconstruction cardiaque en 3D par le logiciel MUSIC (Inheart) à partir de du scanner. En plus d’avoir l’anatomie classique, ventricule, sinus coronaire (bleu), artère coronaire (rouge), les zones avec épaisseur myocardique < 5 mm sont représentées par tranche de 1 mm ce qui correspond à la cicatrice d’infarctus. L’hétérogénéité d’épaisseur laisse apparaître plusieurs isthmes anatomiques potentiels dont celui de la TV délimité par les points noirs. Les flèches blanches reprennent le circuit de la TV cartographié par le système Rhythmia (Boston Scientific) (panel B). Le panel C montre la première application de radiofréquence réalisée au milieu de l’isthme (position du cathéter sur le panel B) qui permet l’arrêt de la tachycardie [Suite page 2] ventriculaire. Choisir son accès Il est important de choisir son accès avant la procédure en fonction du patient et de sa pathologie. Une valve mécanique mitrale impose un accès rétrograde aortique. Une valve mécanique aortique, un anévrisme de l’aorte abdominale, un patient très athéromateux, un pontage aortobifémoral feront opter pour un accès transseptal. S’il existe un substrat épicardique, alors un accès épicardique sera réalisé. En pratique L’ablation de TV est une option thérapeutique de choix dans le traitement des TV. Ses indications dépendent du substrat sous-jacent. Elle est encore largement sous-utilisée en France, particulièrement chez les patients avec myocardiopathie ischémique chez qui la survenue d’une TV doit faire discuter la possibilité d’une ablation.

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