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Prévention et protection

Publié le 14 jan 2020Lecture 7 min

Cigarette électronique : quelles précautions ? Ce qu’il faut savoir sur la vape après le battage médiatique de l’épidémie nord-américaine de 2019

Bertrand DAUTZENBERG, GH Pitié-Salpêtrière, Paris

La vape ou cigarette électronique, depuis 2013 qu’elle délivre correctement la nicotine, est l’objet d’attaques incessantes. Ces attaques sont facilitées car les données scientifiques sont d’autant plus insuffisantes que le design de la majorité des études est mal construit et ne peut répondre aux questions essentielles. La survenue d’une épidémie avec des dizaines de morts par vapotage de joints frelatés aux États-Unis est venue percuter l’inquiétude que la vape soit toxique, soit une porte d’entrée en tabagisme aidée par les arômes, soit un outil aux mains des cigarettiers pour aider à laisser perdurer le tabagisme, soit un outil de confusion pour favoriser le commerce des tabacs chauffés. Cet article écrit pour le praticien et son patient fait le point de ce qu’il faut savoir à ce jour pour comprendre les principales polémiques sur la vape.

La vaporisation par chauffage de e-liquide produit un gaz qui se condense en fines gouttelettes dans la cigarette électronique (ou vaporette) qui sont inhalées par les fumeurs qui veulent la substituer à la fumée de cigarette. La vape est utilisée en 2019 par 3 millions de Français, alors que 12 millions prennent la nicotine avec des cigarettes de tabac. La vape, un outil efficace pour délivrer la nicotine non fumée La vaporette, si elle est appréciée, est aussi efficace que la cigarette de tabac pour éviter le manque de nicotine en apportant tout au long de la journée de la nicotine au corps des patients atteints de dépendance tabagique nicotinique. La dépendance tabagique est une maladie chronique récidivante, le plus souvent acquise avant 18 ans, ce qui en fait une maladie pédiatrique, une maladie voulue par des industriels. En effet cette maladie est volontairement inoculée par l’industrie du tabac qui depuis des décennies a manipulé les décideurs et les adolescents pour multiplier dans leurs cerveaux les récepteurs à la nicotine à un âge (12-24 ans) où le cerveau est très malléable. Le rêve du cigarettier est d’inoculer la dépendance la plus tôt possible, si possible avant 15 ans car il y a alors toutes les chances que la première cigarette soit fumée toute la vie dans les 5 minutes du lever et que la durée et l’intensité de la consommation soient très fortes, leur assurant ainsi des revenus élevés au long cours justifiant l’effort fait pour hameçonner les jeunes. La vape n'est pas une porte d'entrée en tabagisme Plus de 99 % des utilisateurs adultes de la vape sont fumeurs ou ex-fumeurs. La question de savoir si la vape peut être une porte d’entrée au tabagisme chez l’adolescent est une question légitime, mais les données scientifiques sont maintenant suffisantes pour répondre non (encadré ci-dessous). Figure. Design nécessaire pour qu’une étude puisse conclure sur le fait que la vape est une porte d’entrée ou un concurrent à l’entrée en tabagisme chez les jeunes. La vape réduit la dépendance à la nicotine, la cigarette l'augmente Contrairement à la vape, les cigarettes où les nouveaux tabacs chauffés type Iqos® délivrent la nicotine en pics durant 3-8 minutes, entrecoupés de pauses de 45 minutes. Cette délivrance en nicotine en pic crée et maintient la dépendance. Chaque cigarette donne envie de fumer la suivante par un phénomène d’up-regulation. À l’inverse la vape n’apporte pas de pic de nicotine, mais un taux régulier. En cas de passage du tabagisme au vapotage exclusif, les besoins journaliers de nicotine qui étaient par exemple de 60 mg/jour avec les cigarettes restent de 60 mg sous vapotage (par exemple 4 ml/j de e-liquide à 15 mg/ml), puis après un mois les besoins descendront à 40 mg/j, après 2 mois à 20 mg/j et à 3 mois la plupart des ex-fumeurs n’auront plus besoin de doses significatives de nicotine. Soit ils arrêtent la vape et deviendront ex-fumeurs-ex-vapoteurs, soit ils continueront à utiliser la vape comme outil comportemental de prévention, en particulier quand ils sont avec des fumeurs en prenant de toutes petites doses de nicotine, soit, pour moins de 10 % d’entre eux, ils resteront dépendants à la nicotine comme certains fumeurs qui continuent à mâcher des gommes à la nicotine 3 ans après l’arrêt du tabac. La grande différence entre vape et tabac n’est pas seulement la moindre toxicité des émissions, c’est surtout le caractère non ou peu addictif de la vape qui est un produit de sortie du tabac alors que les cigarettes sont des produits d’entrée en tabagie. La vape plaît souvent plus que les substituts pour prendre de la nicotine non fumée Un essai randomisé comparant vape à substitution nicotinique dans le cadre du système britannique de prise en charge des fumeurs a montré qu’au bout de l’année la vape obtenait près de deux fois plus de succès que la substitution nicotinique(3). Ce n’est pas à cause du principe actif car les deux produits contiennent la même nicotine dextrogyre de qualité pharmaceutique issue de feuilles de tabac, mais du fait que la vape plaisait plus et que les fumeurs l’utilisaient beaucoup plus longtemps que la substitution nicotinique. Une nicotine non fumée qui plaît est mieux prise et est donc plus efficace qu’une prise qui ne plaît pas. Mais l’inquiétude liée aux campagnes de presse contre les gommes à la nicotine en 1985, à la varénicline et au bupropion en 2007 et contre la vape en 2019 porte ses fruits : les grands titres des journaux détournent les consommateurs d‘utiliser des produits de sortie du tabac sur lesquels portent des suspicions d’hypothétiques risques et, de fait, poussent à retourner au tabac qui tue avec certitude la moitié de ceux qui en consomment toute leur vie. Une étude scientifique ne peut donner de conclusions pour la pratique sans comparer les émissions de la vape à l'air et à la fumée du tabac Il est clair que la meilleure des vapes ne sera jamais parfaitement saine ; sur le plan médical, il vaut mieux ne rien inhaler que d’inhaler un produit de la vape. Mais il est encore plus clair qu’il vaut mieux inhaler un produit de la vape que de la fumée de tabac. Les études ayant un design inadéquat, qui donc comparent la vape à l’air ambiant, concluent presque toujours que la vape est plus nocive que de ne rien prendre, mais cela n’a pas grande signification clinique si on n’évalue pas dans la même étude la réduction du risque par rapport à l’exposition à la fumée de tabac qui est dans les études beaucoup plus nocive (figure). Même en cas de surchauffe, généralement pas un fonctionnement à sec (dry), des produits toxiques : l’acroléine (à l’horrible odeur de cramé) et le formaldéhyde peuvent être libérés à des taux proches, voire supérieurs pour certains d’entre eux à la fumée du tabac, mais personne ne vape longtemps un goût de cramé. L'épidémie de pneumopathies américaine est liée aux e-joints vapotés, pas aux e-cigarettes Aux États-Unis, la vape n’est pas encadrée comme en France et en Europe. La promotion de la vape est possible sur d’immenses affiches, on laisse des liquides avec plus de 57 mg/ml de nicotine, etc. C’est sur terreau qu’est née une épidémie de pneumopathies sévères touchant moins de 0,01 % des vapoteurs américains. L’analyse des quelque 1 300 cas n’est pas parfaitement centralisée(4) mais il en ressort : – que la maladie touche initialement soit les alvéoles, soit les petites bronches ; – que le premier diagnostic évoqué était pneumopathie lipidique (qui reste un diagnostic possible avec ses macrophages spumeux contenant des gouttelettes lipidiques)(5). Mais d’autres auteurs pensent qu’il s’agit plutôt de lésions toxiques des bronchioles terminales(6,7). À ce jour on ne sait pas tout, mais on sait : – que les vapoteuses el lesmêmes ne sont pas en cause ; – que l‘utilisation d’e-liquide vendu en boutique ne provoque pas de pneumopathies ; – que dans les cas où l’information est disponible, les produits sont achetés dans la rue ; – que dans les cas où le liquide a été analysé, il y a présence de cannabis ou de THC. Les attaques contre la vape portent atteinte à la santé publique Les gros titres des journaux de nature à semer l’inquiétude chez le plus zen des consommateurs sont efficaces et le bruit et la rumeur qui se répandent autour de l’épidémie américaine de pneumopathies expliquent la baisse de 20-30 % de vente des produits de la vape en septembre 2019. Ce phénomène touche surtout les nouveaux consommateurs. En miroir, les données de ventes de tabac de septembre 2019 sont de 6-7 % supérieures à celles qui étaient attendues. On ne peut pour la santé publique qu’espérer que ces chiffres ne soient qu’une anomalie ponctuelle et non un coup de frein à la régression du tabagisme en France. En pratique, on retiendra En respectant les règles, la vape seule ou associée aux médicaments d’arrêt est l’outil le plus utilisé pour l’arrêt du tabac selon Santé publique France. Respirer les émissions de la vape ne sera jamais aussi sain que de respirer de l’air pur ; aussi, la vape ce n’est pas pour les nonfumeurs. Les émissions de la vape sont beaucoup moins nocives que celles de la fumée de tabac. En l’absence de formation de pic de nicotine, la vape est beaucoup moins addictive que la cigarette. La vape n’est pas une porte d’entrée en tabagisme. Utiliser la vape en continuant à fumer (vapo-fumeur) ne réduit pas la dépendance tabagique et apporte un bénéfice incertain. La vape peut être utilisée associée aux substituts nicotiniques et la varénicline durant la période de sevrage tabagique. Après 6-12 mois d’arrêt du tabac, il faut analyser les raisons qui poussent certains à continuer à vapoter, mais ne conseiller l’arrêt qu’à ceux qui ne sont pas à risque de rechute tabagique. Les arômes usuels n’ont pas de toxicité significative et contribuent à ce que les e-liquides plaisent. Bibliographie centrée sur l’épidémie de pneumopathies chez des usagers de cannabis vapoté aux États-Unis L’auteur déclare ne pas avoir de conflit d’intérêts en rapport avec cet article. Publié dans OPA Pratique

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