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Explorations-Imagerie

Publié le 15 nov 2020Lecture 11 min

Coroscanner : pour quels patients le proposer ? Chez quels patients l’éviter ?

Luc CHRISTIAENS, Cardiologie, CHU de Poitiers

Le coroscanner, ou scanner cardiaque, est une avancée technologique majeure de ces dernières années permettant de visualiser de manière non invasive, le plus souvent en ambulatoire, les structures cardiaques et péricardiques ainsi que le réseau coronaire artériel et veineux. Ceci est devenu possible grâce au développement de détecteurs analysant les structures sur 6 à 12 cm en un seul passage, à des vitesses de rotation du scanner très rapides et à une bonne synchronisation de l’acquisition des images avec l’ECG. Ces avancées ont permis une diminution importante de l’exposition du patient aux rayons X, avec actuellement des coroscanners réalisables pour l’analyse du réseau coronaire pour une dose d’exposition inférieure à 1 mSv.

L'avantage principal du scanner est lié à l’analyse possible a posteriori de toutes les parties d’un volume d’acquisition et à la possibilité d’exclure virtuellement certaines parties pour mieux en analyser d’autres. Ces inconvénients sont marqués principalement par le risque lié à l’exposition aux rayons X et à celui lié à l’injection de produits de contraste iodés. La résolution spatiale est de l’ordre de 0,5 mm, satisfaisante pour l’analyse des structures cardiaques, mais reste un peu limitée pour l’analyse fine des plaques et des sténoses coronaires. La résolution temporelle, 80 à 200 ms, est suffisante pour analyser la cinétique segmentaire, réaliser des mesures de fraction d’éjection ventriculaire droite ou gauche et l’analyse de la mobilité des valves cardiaques. Sur le plan technique, deux modes d’acquisition des images sont couramment utilisés et le choix de l’un ou de l’autre dépend de l’indication du scanner : • Le mode prospectif avec une acquisition des images uniquement dans une courte période du cycle RR, habituellement 70 % du cycle RR pour l’analyse des artères coronaires. Le mode prospectif peut également être utilisé au cours d’un scanner sans injection de produit de contraste iodé pour le calcul du score calcique coronaire ou score d’Agatston. Du fait de son caractère moins irradiant, c’est le mode le plus utilisé en priorité. • Le mode rétrospectif consiste en une acquisition continue des images tout au long du cycle RR avec souvent une modulation de dose (baisse des kilovolts) pendant la systole. Ce mode expose le patient à une dose de rayons X 3 à 4 fois supérieure que le mode prospectif, mais permet d’obtenir une visualisation de la cinétique des structures cardiaques. Ce mode est donc intéressant pour une analyse des valves, des prothèses valvulaires cardiaques, des volumes des cavités cardiaques et des fractions d’éjection. Deux grands types d’indications de coroscanner se dégagent : • Le coroscanner réalisé pour objectiver la présence ou non de lésions coronaires : coronarographie non invasive. • Le coroscanner réalisé avant un geste interventionnel structural ou de rythmologie interventionnelle : dans ce cas l’analyse des structures cardiaques est le principal motif de l’examen, on pourrait donc parler de cardioscanner. Dans ce type d’indication, une analyse des artères coronaires sera également réalisée si possible. Coroscanner et analyse des coronaires : pourquoi ? Pour qui ? Pour la maladie coronaire, il faut répondre à 3 questions : les artères coronaires sont-elles lésées ? Le myocarde souffre-til ? Quel est le pronostic ? Les examens à visée morphologique répondent à la première question, les tests fonctionnels ou ischémiques à la deuxième. L’évaluation pronostique est réalisable à partir des deux types de tests, avec la localisation et la multiplicité des sténoses coronaires visualisées, d’une part, et l’importance de l’ischémie myocardique, d’autre part. L’appréciation morphologique, obtenue par coronarographie invasive ou par coroscanner, est la mise en évidence de plaques coronaires éventuellement sténosantes dont la distribution impacte le pronostic du patient. L’aspect fonctionnel est la recherche d’une ischémie myocardique par test d’effort, échographie d’effort ou de stress, scintigraphie ou IRM de stress. À l’avenir, cet aspect fonctionnel sera probablement évalué également de façon fiable en scanner par le développement de la FFR-CT, évaluation mathématique de la FFR coronaire à partir des données du scanner. Il est indispensable que les cardiologues s’approprient ces techniques d’imagerie pour rester en première ligne dans la gestion de la maladie coronaire depuis son diagnostic jusqu’à sa prise en charge thérapeutique. Les deux points forts du coroscanner sont, d’une part, l’évaluation du risque cardiovasculaire à partir du coroscanner non injecté par la mesure du score calcique coronaire et, d’autre part, l’efficacité pour exclure une atteinte coronaire obstructive à partir du coroscanner injecté. Mesure des scores calciques La mesure du score calcique coronaire est indiquée en cas de risque coronaire faible à modéré chez des patients asymptomatiques sur le plan angineux (recommandation de classe IIB niveau B)(1) et chez les patients diabétiques asymptomatiques à risque modéré(2). Ce score prend en compte l’étendue des calcifications coronaires et leur densité (figure 1). L’utilisation de ce score permet le reclassement du niveau de risque cardiovasculaire du sujet dans 30 à 40 % des cas. En l’absence de calcification coronaire avec donc un score calcique coronaire égal à zéro, et même en présence de facteurs de risque traditionnels, le risque d’événement cardiovasculaire dans les 5 ans est très faible (< 0,5 % à 50 mois). À l’inverse, un score supérieur à 300 ou au 75e percentile pour l’âge, le sexe et l’ethnie, est considéré comme à haut risque d’événement cardiovasculaire(3). Cette mesure peut être intégrée dans le calcul de probabilité pré-test de sténose coronaire en cas de syndrome coronaire chronique(4). Figure 1. Coroscanner sans injection. Mesure du score calcique coronaire. En blanc : calcifications coronaires et aortiques. Images de droite : repérage en vert des calcifications du réseau coronaire gauche proximal. Images de gauche : repérage en vert des calcifications du réseau coronaire droit segment 3. La même technique est utilisée couramment pour mesurer le score calcique de la valve aortique en cas de rétrécissement aortique. Chez l’homme, le rétrécissement aortique est très probablement serré si le score calcique valvulaire aortique est ≥ 3 000, probablement serré si ≥ 2000, et probablement non serré si < 1 600. Pour les femmes, ces valeurs seuils sont respectivement ≥ 1 600, ≥ 1 200 et < 800. Ces valeurs sont utiles en cas de surface valvulaire aortique < 1 cm² avec un gradient moyen < 40 mmHg et une fraction d’éjection ventriculaire gauche préservée(5). Les calcifications péricardiques sont également bien quantifiées en coroscanner avec ou sans injection de produit de contraste iodé avec synchronisation cardiaque (figure 2). Figure 2. Calcifications péricardiques étendues visualisées en coroscanner. Coroscanner avec injection de produit de contraste iodé (coronarographie non invasive) Cet examen ne peut être réalisé qu’après s’être assuré de l’absence d’allergie aux produits de contraste iodé et d’insuffisance rénale sévère. Il nécessite une voie veineuse périphérique de bonne qualité. Il est fréquent d’utiliser une injection intraveineuse de bêtabloquant associé à un dérivé nitré en spray pour obtenir une qualité d’image optimale. Le risque lié à l’exposition aux rayons X doit toujours être considéré, d’autant plus chez la femme jeune en raison de l’exposition mammaire, même si le développement des machines et des pratiques permet une dose d’exposition en routine de l’ordre de 1 à 3 mSv et régulièrement de moins de 1 mSv dans les équipes expérimentées avec un matériel de dernière génération. Un dosage de bêta-HCG est réalisé avant le scanner chez les femmes en âge de procréer. L’obésité morbide et les rythmes cardiaques très irréguliers restent un obstacle. Les extrasystoles isolées, les rythmes électro-entraînés et la fibrillation atriale avec une fréquence ventriculaire entre 40 et 80 par minute ne sont plus des contre-indications au coroscanner à visée coronaire et encore moins pour une analyse des structures cardiaques avant intervention de type TAVI, occlusion d’auricule gauche ou ablation de fibrillation atriale. Le coroscanner est une excellente technique pour réaliser une étude anatomique des artères coronaires de manière quasi non invasive et en ambulatoire au cours d’un examen qui dure environ 15 minutes. L’acquisition des images en elle-même est très brève au cours d’une apnée et d’un à deux cycles cardiaques. Sa valeur prédictive négative pour les sténoses coronaires est très élevée, supérieure à 95 %. C’est donc un examen fiable pour s’assurer de l’absence de lésion coronaire. Ses indications sont donc logiquement les patients symptomatiques à probabilité faible à intermédiaire de syndrome coronaire chronique (classe IB), les patients avec une discordance entre la clinique et le résultat de tests ischémiques ou des tests ischémiques non concluants (classe IIa), le patient diabétique asymptomatique (classe IIB), et dans le bilan préopératoire de valvulopathie (classe IIa)(2,4,5). L’utilisation du scanner dans le bilan initial d’une suspicion de coronaropathie stable a fait la preuve de son efficacité par rapport à une prise en charge traditionnelle, avec une réduction significative du nombre de décès et d’infarctus du myocarde non fatal avec un suivi moyen de 4,8 ans dans l’étude Scot-Heart(6). Dans la situation de syndrome coronaire aigu à faible risque (pas de modification notable de l’ECG et de la troponine, stabilité clinique et rythmique), le coroscanner a une indication de classe IIa. Dans cette situation, il faut rechercher attentivement la présence de plaque coronaire non calcifiée pouvant être responsable d’une sténose coronaire significative. En cas de calcifications coronaires visualisées avant l’injection de produit de contraste, cette injection pourra être abandonnée au profit de la réalisation de test ischémique si ceuxci n’ont pas été déjà réalisés ou d’une coronarographie si l’ischémie apparaît probable. Le coroscanner garde malgré les progrès technologiques une spécificité médiocre pour l’appréciation du degré de sténose, notamment en cas de plaque calcifiée. C’est la raison pour laquelle le coroscanner est un mauvais outil pour surveiller une maladie coronaire déjà connue en dehors de cas spécifiques tels que le contrôle d’un stent de diamètre ≥ 3 mm sans autre lésion coronaire associée ou l’analyse de pontages coronaires. La recherche d’une resténose intrastent est souvent possible quand le diamètre du stent est ≥ 3 mm, mais le reste du réseau coronaire peut être d’évaluation difficile ou non fiable en cas de lésions coronaires multiples associées. Malgré cette faiblesse dans l’appréciation du degré de sténose, un des avantages du coroscanner par rapport à la coronarographie est l’appréciation possible des plaques à l’origine des sténoses coronaires : localisation, volume des plaques et aspect calcifié, mixte ou hypodense (figure 3). Il est actuellement habituel de recourir à la classification CAD RADS pour stratifier l’atteinte coronaire d’un patient à partir de la localisation et de l’aspect des plaques coronaires associés à leur degré de sténose, et orienter sa prise en charge thérapeutique(7). Le risque d’événement coronaire majeur est proportionnel à la classe CAD RADS. Figure 3. Types de plaque coronaire en coroscanner injecté. Vue longitudinale en mode MIP à gauche avec correspondance en petit axe à droite. De bas en haut : plaque mixte, plaque non calcifiée et plaque calcifiée. Le coroscanner est également très efficace dans les anomalies de naissance des artères coronaires en permettant une analyse précise de l’ostium coronaire, de son angle de raccordement par rapport à l’aorte, de son éventuel trajet inter-aortico-pulmonaire (figure 4). Il en est de même pour l’analyse des fistules coronaires et la localisation des pontages coronaires, notamment en l’absence de compte rendu opératoire ou avant une chirurgie redux (figure 5). Figure 4. Anomalie de naissance de coronaire avec une coronaire unique naissant de l’ostium coronaire droit, la branche coronaire gauche passant en avant du tronc de l’artère pulmonaire. Figure 5. Pontage artère thoracique interne gauche pédiculé anastomosé à l’interventriculaire antérieure (IVA). À gauche : vue en mode VRT. À droite : vue en mode MIP. Flèche : clip d’hémostase. Risque CV : risque cardiovasculaire ; SCC : syndrome coronaire chronique ; SCA : syndrome coronaire aigu ; IMC : indice de masse corporelle ; TAVI : transartériel valve implantation ; FA : fibrillation atriale. Coroscanner et cardiologie interventionnelle structurale Le coroscanner est actuellement incontournable pour définir la stratégie de réalisation d’un TAVI : mesure de la surface de l’anneau valvulaire aortique qui servira à déterminer la taille et le type de la bioprothèse à utiliser (figure 6), évaluer la voie d’abord artérielle fémorale ou autre, mesurer la hauteur d’implantation des artères coronaires, déterminer l’incidence de travail et prévoir les éventuelles complications. Pendant la procédure, la technique de fusion des images de scanner et de scopie peut être utile pour limiter la quantité de produits de contraste (figure 7). En postprocédure, le scanner permettra d’apprécier si nécessaire le déploiement de la bioprothèse, la mobilité des feuillets de la bioprothèse et la recherche de thrombus non ou peu obstructif (figures 8 et 9). Figure 6. Mesure de la surface de l’anneau valvulaire aortique en scanner avant une procédure de TAVI. Figure 7. Fusion des images de scopie et de scanner per-procédure TAVI (mise en place d’une CoreValve™). Figure 8. Contrôle par scanner après TAVI : défaut de déploiement d’une bioprothèse aortique CoreValve™ sur un amas calcaire valvulaire. Défaut visualisé (B, C, D) ou non (A) suivant l’incidence de vue. Figure 9. Contrôle par scanner après TAVI : thrombus incomplètement obstructif (flèche) d’une bioprothèse Edwards™. La reconstruction 3D de structures complexes comme l’auricule gauche est facile en scanner et une reproduction fiable par imprimante 3D peut être réalisée, permettant dans les cas complexes d’essayer différents types de prothèses d’occlusion d’auricule gauche ex vivo. Même en l’absence de reconstruction 3D, le choix du type et de la taille de la prothèse pourra être fait à partir des images de scanner. Le coroscanner est un outil aussi performant que l’ETO pour détecter la présence d’un thrombus dans l’auricule gauche, qualité indispensable avant d’envisager une occlusion de l’auricule gauche ou une ablation de fibrillation atriale. L’analyse en coroscanner des calcifications de l’anneau mitral et de la géométrie du ventricule gauche est très utile avant d’envisager la pose d’une bioprothèse mitrale percutanée. Coroscanner et rythmologie Le coroscanner avec injection de produit de contraste iodé et nouvelle acquisition des images à un temps tardif est au moins aussi efficace que l’ETO pour détecter la présence de thrombus dans l’auricule gauche. En plus de cette visibilité de l’auricule gauche, le coroscanner permet une bonne analyse de l’abouchement et de la distribution des veines pulmonaires ce qui en fait un outil très utile avant une ablation de fibrillation atriale. La reconstruction 3D du volume de l’oreillette gauche pourra être couplée à la cartographie électrique « peropératoire » pour localiser avec précision les tirs de radiofréquence. L’appréciation des rares sténoses de veine pulmonaire consécutives aux procédures d’ablation pourra être effectuée en coroscanner. Le coroscanner réalisé avant ablation de fibrillation atriale permettra par la même occasion de statuer sur le réseau coronaire du patient. La cartographie veineuse coronaire obtenue au cours d’un scanner cœur standard peut se révéler utile pour optimiser une procédure de resynchronisation ventriculaire. Conclusion ▸ Le coroscanner est un outil indispensable dans la panoplie du cardiologue moderne, à la fois pour l’évaluation du pronostic cardiovasculaire du patient, pour la compréhension de la maladie coronaire, la confirmation très souvent nécessaire de l’absence de lésions coronaires significatives chez un patient et un grand nombre de procédures de cardiolo gie interventionnelle structurales ou de rythmologie interventionnelle.

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