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Congrès et symposiums

Publié le 01 mar 2022Lecture 5 min

Insuffisance cardiaque : faut-il y aller par quatre chemins ?

Michèle DEKER, Neuilly

L’insuffisance cardiaque reste une maladie très grave avec une survie au diagnostic plus courte que celle de nombreux cancers. La gravité de la maladie augmente avec les hospitalisations, tout particulièrement au décours d’hospitalisation, d’où la nécessité d’une prise en charge agressive à cette période. Les comorbidités sont fréquentes et majorent la gravité du pronostic. L’arsenal thérapeutique s’est notablement enrichi grâce aux iSGLT2 qui sont aujourd’hui positionnés en première ligne.

• Remodelage ventriculaire gauche : peut-on le corriger ? Le concept de remodelage ventriculaire a été initialement démontré dans le post-infarctus, dans lequel il est associé à un pronostic péjoratif. Le remodelage n’est pas limité aux quelques semaines ou mois suivant l’événement. Plusieurs stratégies de prise en charge peuvent moduler le remodelage : la revascularisation de l’insuffisance cardiaque (IC) ischémique quand il reste du myocarde viable ; le traitement standard de l’IC (bêtabloquants, IEC/ARA2) ; la resynchronisation ; d’autres techniques interventionnelles (chirurgie de la valve mitrale, plastie ventriculaire gauche, CorCap) ; les systèmes d’assistance ventriculaire ; d’autres thérapeutiques (ivabradine, sacubitril-valsartan, iSGLT2). Plusieurs études récentes concernent les gliflozines. SUGAR-DM-HF a évalué l’ajout d’empagliflozine chez des patients IC et diabétiques en sus d’un traitement associant BB, IEC/ARA2 ou sacubitril-valsartan et ARM, versus placebo ; 36 semaines après l’introduction de la gliflozine, une évaluation par IRM a montré une diminution significative des volumes télésystolique et télédiastolique. EMPA-TROPISM a confirmé un effet positif sur le remodelage ventriculaire dans l’IC à FE réduite chez des patients non diabétiques en sus du traitement de base de l’IC. Il existe probablement un effet additif des différentes thérapeutiques de l’IC ; le mécanisme d’action est probablement différent selon les traitements utilisés. Cependant nous disposons de peu de données sur l’impact à long terme de ces traitements. La notion de répondeur/non répondeur, mise en avant pour les études de resynchronisation, pourrait aussi s’appliquer pour les thérapeutiques médicamenteuses. • Bénéfices cardiaques et rénaux des gliflozines Tous les essais contrôlés réalisés avec les iSGLT2 chez les patients diabétiques sont concordants quant à l’effet de ces agents en prévention des hospitalisations pour IC. EMPEROR-Reduced et EMPEROR-Preserved ont été réalisées de manière conjointe, sans différence majeure. Les critères hospitalisation pour IC et mortalité cardiovasculaire ont diminué très significativement sous traitement par empagliflozine, chez les patients diabétiques et non diabétiques. En outre, l’empagliflozine ralentit le déclin de la fonction rénale. La baisse initiale du DFG est complètement réversible, sans impact clinique. Le risque d’insuffisance rénale terminale est diminué de moitié. Le bénéfice de l’empagliflozine est comparable chez les patients traités ou non par sacubitril-valsartan. La qualité de vie est améliorée. Tous ces bénéfices apparaissent précocement, les courbes d’événements divergeant moins de 2 semaines après le début du traitement. Il s’ensuit qu’il ne faut pas attendre pour introduire une gliflozine, d’autant plus que sa tolérance est remarquable (pas d’hypoglycémie, ni d’hyperkaliémie ni d’hypovolémie), hormis des infections génitales qu’il est facile de prévenir en éduquant le patient. Le traite- ment peut être débuté à l’hôpital comme l’a montré l’étude EMPULSE. Par ailleurs, l’étude EMPEROR-Reduced a montré que l’empagliflozine est également efficace dans l’IC à FE préservée. • Recommandations : un nouvel algorithme Les dernières recommandations de l’ESC ont profondément modifié la prise en charge de l’IC à FE réduite, qui est à présent basée sur une quadrithérapie : IEC/ARA2 (pouvant être remplacé par le sacubitril-valsartan), BB, ARM, iSGLT2 en première ligne, associés ou non à un diurétique de l’anse pour contrôler les symptômes congestifs. En deuxième ligne, vient le traitement électrique (stimulation multisite, défibrillateur automatique implantable). En troisième intention, différents traitements sont proposés selon les pathologies associées : FA, coronaropathie, carence martiale, sténose aortique, insuffisance mitrale, tachycardie. De plus, tous les patients devraient bénéficier d’une réadaptation à l’exercice. Récemment, la HAS a reconnu l’importance des iSGLT2 dans la stratégie thérapeutique des IC à FE réduite (ASMR IV). D’autres thérapeutiques sont disponibles en deuxième ligne, mais elles n’ont pas d’impact sur la mortalité : ivabradine, isosorbide dinitrate, digoxine. À la fin 2022, le vériciguat (activateur de la guanylate cyclase) sera disponible ; il agit sur la dysfonction endothéliale et devrait améliorer les patients les plus sévères. Comment utiliser les quatre classes thérapeutiques qui forment le socle du traitement ? Les recommandations sont peu précises à cet égard. Certains experts proposent une approche phénotypique dans l’ordre d’introduction des traitements, en tenant compte de la pression artérielle, de la fréquence cardiaque, de l’existence ou non d’une FA, de la fonction rénale, de l’existence d’une congestion. • Les ARM ont des effets diurétiques et préviennent l’hypokaliémie induite par le furosémide ; en présence d’une congestion, il faut rapidement les introduire. • Les ARM ont peu d’impact sur le niveau tensionnel dans l’IC à FEr. En revanche, les inhibiteurs de l’angiotensine et de la néprilysine (ARNI) sont de puissants hypotenseurs, qui ne peuvent être utilisés si la PA est < 100 mmHg. • En termes de fréquence cardiaque (FC), les BB doivent être augmentés si la FC est > 70 bpm et diminués si FC < 50 bpm. • Concernant la fonction rénale, les IEC et les ARNI peuvent réduire le DFG à l’introduction et ils améliorent le pronostic rénal. Les ARM sont susceptibles d’induire une hyperkaliémie. Ils ne peuvent pas être utilisés, de même que les ARNI, si le DFG est < 30 ml/min. • Les iSGLT2 ont des effets diurétiques, d’où un intérêt à les prescrire précocement en présence d’une congestion. Ils ont un effet modeste sur la FC (-2 mmHg). La baisse initiale du DFG est associée à une amélioration de la fonction rénale. Ils peuvent être utilisés jusqu’à une ClCr < 20 ml/min. En pratique, chez un malade congestif hospitalisé pour décompensation, la séquence d’administration des traitements pourrait être la suivante : à l’entrée, furosémide + ARM ; le lendemain, ajout d’un iSGLT2 après stabilisation ; introduction d’un ARNI si la PA est > 100 mmHg) ou d’un IEC chez le patient st bilisé ; ajout du BB avant la sortie de l’hôpital. Le patient quitte le service au bout de 8 jours avec les quatre classes de médicaments essentiels. Chez un patient ambulatoire vu pour une IC de novo, on peut prescrire aussi systématiquement un iSGLT2 dont l’efficacité est démontrée quels que soient la FE, les traitements antérieurs et les doses de ces derniers. Les autres thérapeutiques peuvent être prescrites simultanément en prévoyant un ajustement ultérieur des doses. D’après un symposium organisé avec le soutien de l’alliance Boehringer Ingelheim Lilly « L’insuffisance cardiaque : faut-il y aller par 4 chemins ? » avec la participation de R. Isnard, D. Logeart, F. Roubille, C. Bauters, F. Zannad et M. Galinier JESFC 2022

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