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Diabéto-Cardio

Publié le 22 mar 2024Lecture 6 min

Optimiser l’observance des traitements hypolipémiants pour une prévention cardiovasculaire efficace

Propos recueillis par Sophie Carrillo

Le contrôle lipidique, parallèlement aux autres facteurs de risque cardiovasculaires, mais également la qualité de l’observance des traitements et le suivi d’une bonne hygiène de vie au long cours, sont les garants d’une prévention cardiovasculaire optimisée. Le Pr Franck Boccara, cardiologue à l’hôpital Saint-Antoine à Paris, nous fait part de son expérience clinique.

Cardiologie Pratique : Le bénéfice du traitement hypolipémiant n’est plus à prouver en prévention primaire et secondaire des événements cardiovasculaires. Est-ce que vous pouvez rappeler les seuils à atteindre en ce qui concerne les paramètres lipidiques en fonction des prols de risque CV des patients ? Franck Boccara : Oui, bien sûr. Il faut considérer les patients à très haut risque cardiovasculaire, en particulier ceux qui déjà ont présenté un infarctus du myocarde, un syndrome coronaire aigu ; l’objectif recommandé de LDL-cholestérol (LDL-C) est d’être à moins de 0,55 g/L et d’avoir également une baisse d’au moins 50 % par rapport au LDL-C de base. Ce seuil est encore plus bas jusqu’à 0,40 g/L de LDL-C si le patient refait un deuxième syndrome coronaire aigu dans les deux ans après le premier. Pour les patients à haut risque cardiovasculaire, qui n’ont pas fait d’événements cardiovasculaires mais qui ont un facteur de risque majeur (HTA sévère, hypercholestérolémie importante) ou une insuffisance rénale (DFG entre 30 et 60 mL/min) ou un diabète sans atteinte d’organe cible ou avec un autre facteur de risque cardiovasculaire ou une hypercholestérolémie familiale sans autre facteur de risque, l’objectif du LDL-C est à moins de 0,7 g/L, avec toujours cet objectif de baisse d’au moins 50 % par rapport au LDL-C de base.   Pouvez-vous nous rappeler la stratification thérapeutique de la prise en charge de l’hypercholestérolémie ? Il y a un algorithme recommandé par l’ESC en 2023 en plusieurs étapes : chez le patient qui a fait une maladie coronaire aiguë ou un infarctus du myocarde, la première étape est de savoir s’il est sous statines ou pas. En l’absence d’un traitement hypolipémiant par statines, un traitement par statines à forte intensité c’est-à-dire à la dose maximale tolérée est recommandé (recommandation Classe IA), cette statine forte dose pouvant être associée d’emblée à de l’ézétimibe (recommandation classe IIB) pour atteindre un objectif de LDL-C < 0,55 g/L et une baisse de plus de 50 % par rapport au LDL-C de base. Si le patient est sous statines, en fonction du LDL-C en soins intensifs, on rajoute d’emblée de l’ézétimibe ou on augmente l’intensité de la statine si elle était à faible intensité ou à intensité modérée. Deuxième étape au bout de 4 à 6 semaines après l’événement majeur cardiovasculaire, un dosage de LDL-C est réalisé. La question est de savoir si on est à l’objectif ou non. – si sous statine à forte intensité et ézétimibe, l’objectif est atteint, on ne fait rien d’autre, on continue le même traitement ; – si l’objectif n’est pas atteint, c’est-à-dire que le taux de LDL-C est > 0,7 g/L, on peut introduire un inhibiteur de PCSK9 (iPCSK9) qui sera remboursé en France. Probablement, dans le mois et demi qui suit l’événement coronaire aigu, il faut réduire le plus vite possible le niveau de LDL-C ; on peut s’aider en troisième intention, et dans un délai court, d’un iPCSK9.   Chez des patients à haut risque cardiovasculaire, présentant une hypercholestérolémie, sans événements CV majeurs, quelle est la stratégie thérapeutique ? Ce sont des personnes vues en consultation ou en hospitalisation qui, en principe, ne sont pas sous statines, à qui on prescrit une statine de forte intensité ; à 3 mois, si l’objectif n’est pas atteint (LDL-C < 0,7 g/L et baisse d’au moins 50 %), on associe à la statine, l’ézétimibe.   Et dans le cadre de l’hypercholestérolémie familiale hétérozygote ? L’indication et le remboursement en France d’un iPCSK9 en prévention primaire intéresse uniquement les patients qui ont une hypercholestérolémie familiale hétérozygote (ou homozygote) et qui gardent un LDL-C > 3 g/L malgré un traitement associant statine + ézétimibe et sous LDL-aphérèse. Cette situation concerne peu de patients avec une hypercholestérolémie familiale hétérozygote.   L’observance des traitements des maladies chroniques et en particulier des dyslipidémies est encore aujourd’hui le tendon d’Achille de la prise en charge. En effet, des registres et des études observationnelles (antihypertenseurs ou hypolipémiants confondus) ont montré combien l’observance du traitement reste insuffisante. Quel est votre constat, Pr Boccara, dans votre pratique clinique ? Dans toute maladie chronique silencieuse, comme l’hypertension artérielle, on observe peu de symptômes sauf à atteindre des chiffres de pression artérielle très élevés ou des complications viscérales. Et c’est encore pire pour le LDL-cholestérol. On n’a pas de signes d’alerte indiquant la présence de trop de LDL-C ; cela ne favorise pas l’observance : environ 50 % des patients ne prennent pas leur traitement de façon convenable. Alors comment y remédier ? Probablement éduquer les deux acteurs, c’est-à-dire le patient et le médecin, et faire prendre conscience que le risque résiduel existe après un infarctus du myocarde et un des facteurs importants de ce risque est l’augmentation du LDL-C. Plus il est bas, moins le risque de récidive d’infarctus du myocarde est important. Il faut vraiment que le médecin et le patient soient bien conscients et informés de cela. Et cette information va permettre aussi, je pense, d’améliorer l’observance du traitement ; la réalisation de bilans lipidiques pour que le patient voie que son LDL-C baisse et que son traitement est donc efficace, va aussi améliorer probablement la compliance et l’observance à ce traitement.   Des études ont évalué l’importance de la polypill dans l’observance thérapeutique. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ? Cela a été démontré. Toute simplification du nombre de prises et des combinaisons thérapeutiques dans un seul comprimé (combos) sont efficaces. Effectivement, il y a deux études publiées dans le post-infarctus, l’étude Secure dans le New England Journal of Medicine(1) qui montre qu’une polypill associant aspirine, IEC et une statine, faisait mieux pour réduire les événements cardiovasculaires qu’un traitement habituel. Même chose pour l’étude RACING (Randomized comparison of efficacy and safety of lipid-lowering with statin monotherapy versus statin/ezetimibe combination for high-risk cardiovascular diseases) réalisée en Corée du Sud, qui comparait une statine en monothérapie à une association statine + ézétimibe dans un seul comprimé. Les patients sous l’association en un comprimé ont une meilleure compliance, meilleure observance et atteignent plus l’objectif lipidique nécessaire que si on a une seule molécule par exemple. Donc la combinaison simplifie le traitement. Meilleure adhésion, meilleure efficacité. Le patient, en découvrant une efficacité importante, va devenir un acteur positif et privilégié de sa propre maladie.   Est-ce que ces observations sont également vraies pour les biothérapies telles que les iPCSK9 ? Oui. Ce sont des médicaments injectables, soit bimensuels, soit mensuels, avec une efficacité très importante : une baisse d’environ 50 % du LDL-C. Si on rajoute une statine, l’ézétimibe et un iPCSK9 injectable par voie sous-cutanée, on a des baisses de 80 à 85 % du LDL-C. Là encore, l’efficacité des iPCSK9 et l’absence d’effets indésirables (avec un recul de 5 à 7 ans aujourd’hui) ou EI mineurs sous-cutanés liés au point d’injection favorisent probablement l’observance du patient à son traitement, en faisant bien attention que le patient garde toujours per os la statine, plus ou moins l’ézétimibe parce que ça contribue encore davantage à faire baisser le LDL-cholestérol.   Un mot de conclusion ? Pour insister sur la pierre angulaire du risque résiduel, c’est aussi, mais pas seulement, le LDL-cholestérol ; la baisse du LDL-C s’obtient avec des traitements hypolipémiants qui ont prouvé leur efficacité en termes de réduction des événements cardiovasculaires dans des grands essais cliniques et en premier lieu les statines, l’association à l’ézétimibe et les iPCSK9 si on n’atteint pas l’objectif de LCL-C, ça me semble très important. À côté des traitements médicamenteux, il y a bien sûr la modification du mode de vie et en particulier, l’arrêt du tabac dans le post-infarctus, mais aussi la diminution du surpoids, l’augmentation de l’exercice physique. Donc c’est très positif pour les patients. On voit qu’il y a une grande évolution dans les thérapeutiques hypolipémiantes, en particulier dans le post-infarctus et chez les patients à très haut risque ou haut risque CV avec ces nouveaux médicaments qui sont efficaces, injectables et qui vont probablement favoriser une meilleure observance pour les patients qui deviennent, comme je l’ai déjà dit, un acteur de leur maladie. Réalisé avec le soutien institutionnel de    

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