Diabéto-Cardio
Publié le 23 nov 2024Lecture 3 min
Suivi observationnel post-EMPA-KIDNEY : existe-t-il une mémoire des gliflozines ?
Patrice DARMON, Marseille
Toutes les recommandations internationales positionnent désormais les inhibiteurs de SGLT2 comme des traitements incontournables de la néphroprotection chez les patients présentant une maladie rénale chronique (MRC), qu’elle soit d’origine diabétique ou non. Parmi les essais fondateurs, on se souvient d’EMPA-KIDNEY mené chez des patients vivant ou non avec un diabète et présentant soit un débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) situé entre 20 et 45 mL/min/1,73 m2 soit un DFGe entre 45 et 90 mL/min/1,73 m2 et un rapport albuminurie sur créatininurie (RAC) ≥ 200 mg/g et montrant une diminution de 28 % du risque de survenue d’un critère composite associant progression significative de la MRC ou décès cardiovasculaire sous empagliflozine 10 mg/j versus placebo après une médiane de suivi de 2 ans. Les résultats étaient comparables chez les patients présentant ou non un diabète et quel que soit le niveau initial de DFGe mais l’empagliflozine ne semblait pas avoir de bénéfice sur le critère primaire chez les patients présentant un RAC ≤ 300 mg/g. Comme dans les autres essais conduits avec les inhibiteurs de SGLT2, on observait, après le traditionnel « dip » initial, un ralentissement significatif du déclin du DFGe sur la durée sous empagliflozine et une analyse exploratoire pré-spécifiée a montré que ce bénéfice était retrouvé dans tous les sous-groupes, y compris chez les patients présentant initialement un RAC ≤ 300 mg/g.
Compte tenu de son arrêt prématuré pour « bénéfice excessif » dans le groupe empagliflozine, le nombre d’événements du critère de jugement principal dans EMPA-KIDNEY n’était pas très élevé. Il est donc intéressant d’analyser les données du suivi observationnel post-essai, conçu pour évaluer si les bénéfices de l'empagliflozine pouvaient persister après l'arrêt de l'essai. Parmi les 6 253 survivants à la fin de la période active de l’étude, 4 891 (78,2 %) ont donné leur consentement pour deux années supplémentaires de suivi observationnel (âge moyen 63 ans, hommes 66 %, diabète 43 %, DFGe 36,9 mL/min/1,73 m2, valeur médiane du RAC 317 mg/g, bloqueur du SRAA 86 %). Pendant ces deux ans, les patients étaient suivis en soins courants ; les praticiens pouvaient bien évidemment leur prescrire un inhibiteur de SGLT2 et le recours à un produit de cette classe s’est avéré similaire dans les deux groupes (43 % parmi les patients initialement randomisés dans le groupe empagliflozine et 40 % parmi ceux issus du groupe placebo). Le critère de jugement principal était un critère composite incluant la progression significative de la MRC (insuffisance rénale terminale avec recours à la dialyse ou à la greffe, DFGe < 10 mL/min/1,73 m2, réduction du DFGe ≥ 40 %, décès d’origine rénale) et le décès d’origine cardiovasculaire. Au cours de la période active et de la période post-essai combinées, un événement du critère primaire est survenu chez 865 des 3304 patients (26,2 %) du groupe empagliflozine et chez 1 001 des 3 305 patients (30,3 %) du groupe placebo (hazard ratio 0,79 ; IC95% 0,72-0,87). Ce résultat était comparable dans tous les sous-groupes considérés (diabète ou non, niveau de DFGe, niveau de RAC, cause de la MRC). La réduction du risque de survenue du critère primaire était de 28 % lors de la période active de l’essai (HR 0,72 ; IC95% 0,64-0,82 ; 990 événements) et de 13 % lors de la période de suivi observationnel (HR 0,87 ; IC95% 0,76-0,99 ; 876 événements). Le bénéfice démontré après l’arrêt de l’étude est surtout retrouvé au cours de la première année de suivi observationnel. Durant les deux périodes combinées, le risque de progression de la MRC était diminué de 21 % (HR 0,79 ; IC95% 0,72-0,87) chez les patients issus du groupe empagliflozine alors que le risque d'insuffisance rénale terminale et le risque de décès cardiovasculaire étaient réduits de 26 % (HR 0,74 ; IC95% 0,64-0,87) et de 25 % (HR 0,75 ; IC95% 0,59-0,95), respectivement. A contrario, l'assignation initiale au groupe empagliflozine n'a pas eu d'effet significatif sur le risque de mortalité non cardiovasculaire.
Il semble donc que les bénéfices cardio- et néphroprotecteurs de l’empagliflozine persistent au moins une année après l’arrêt du traitement chez les patients présentant une MRC et qu’il existe donc une « mémoire » de l’effet des gliflozines dont il reste à élucider les mécanismes. Par analogie avec la « mémoire glycémique » dans le diabète, ces résultats nous incitent à mettre en place précocement et à conserver le plus longtemps possible un traitement par inhibiteur de SGLT2 chez les patients avec MRC.
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