Congrès et symposiums
Publié le 16 oct 2012Lecture 6 min
Prise en charge des valvulopathies - L’importance d’un « Heart Team »
J.-L. MONIN, CHU Henri Mondor, Créteil
ESC
La mise à jour des recommandations pour la prise en charge des valvulopathies est un des évènements marquants du congrès de l’ESC 2012. Ces nouvelles Guidelines(1) ont été présentées lors d’une session présidée par Alec Vahanian (Paris) et Ottavio Alfieri (Brescia), responsables de ces recommandations respectivement pour l’ESC et l’European Association for Cardio-Thoracic Surgery (EACTS). En effet, pour la première fois ces Guidelines sont communes ESC/EACTS afin d’entériner la prise en charge multidisciplinaire des valvulopathies en 2012, notamment compte tenu du développement rapide des thérapeutiques transcatheter (TAVI essentiellement). Cardiologues, imageurs, chirurgiens cardiaques, anesthésistes et gériatres sont donc amenés à collaborer au sein d’un « Heart Team » afin d’assurer une prise en charge optimale des patients valvulaires, souvent âgés et porteurs de comorbidités. Les principaux domaines dans lesquels des nouveautés importantes sont apparues en 2012 seront détaillés dans ce compte-rendu.
Recommandations générales
En préambule, les auteurs soulignent l’importance de l’interrogatoire et des données cliniques dont la cohérence avec les résultats d’examens complémentaires doit être vérifiée systématiquement. L’évaluation d’un patient valvulaire doit pouvoir répondre aux 7 questions suivantes :
1/ Existe-t-il une (ou plusieurs) valvulopathie(s) hémodynamiquement sévère(s) ?
2/ Le patient est-il symptomatique ?
3/ Peut-on relier les symptômes à la maladie valvulaire ?
4/ Quelle est l’espérance de vie et le potentiel d’amélioration de la qualité de vie du patient ?
5/ Le rapport bénéfice/risque est-il en faveur d’une intervention ?
6/ Quel est le souhait du patient dument informé ?
7/ Les ressources locales (infrastructures, équipes expérimentées) sont-elles compatibles avec une prise en charge optimale du patient ?
Les recommandations sont toujours déclinées en 4 classes :
Classe I : consensus général en faveur du fait que la procédure ou le traitement considéré est utile et/ou efficace; il est donc indiqué dans la situation présente.
Classe IIa : malgré des divergences d’opinion, le traitement est plutôt considéré comme utile/efficace ; il est donc conseillé dans la situation présente.
Classe IIb : manque de preuves solides en faveur de l’efficacité du traitement ; il peut éventuellement être considéré.
Classe III : consensus général en faveur d’une procédure/un traitement inefficace voire dangereux ; il est donc contre-indiqué dans la situation présente.
Insuffisance aortique/Dilatation de la racine aortique
Nouvelles recommandations :
- Dans la maladie de Marfan, au vu d’études observationnelles récentes dont la cohorte de l’hôpital Bichat (Paris) qui comportait plus de 700 patients suivis en moyenne pendant 6 ans(2), le diamètre au-delà duquel une chirurgie préventive de la racine aortique est indiquée (Classe I) a été relevé de 45 à 50 mm (tableau 1). Il est cependant précisé que des diamètres plus petits doivent être considérés en cas d’indication chirurgicale sur la valve aortique ; de même, le seuil de 45 mm doit faire envisager une chirurgie préventive en présence de facteurs de risque de dissection : antécédents familiaux de dissection, progression annuelle du diamètre aortique > 2 mm (même technique et même site de mesure), insuffisance aortique ou mitrale importante ou désir de grossesse (Classe IIa).
- En cas de bicuspidie, compte tenu du faible taux de dissections retrouvé dans 2 cohortes récentes suivies pendant 10 à 15 ans(3,4), le seuil considéré pour une chirurgie préventive de la racine aortique (patient asymptomatique sans indication chirurgicale valvulaire) est relevé de 50 à 55 mm, soit la même valeur que dans la population générale (Classe IIa). Le seuil de 50 mm reste valable en cas de bicuspidie associée à des facteurs de risque de dissection : coarctation associée, HTA, antécédents familiaux de dissection aortique ou progression annuelle du diamètre aortique > 2 mm (Classe IIa).
Rétrécissement aortique
Pas de changement pour le seuil de sévérité d’un RAC en termes de surface valvulaire brute (< 1,0 cm2). Il est cependant précisé dans le texte qu’en cas de petit gabarit, une surface aortique à 0,9 cm2 peut être compatible avec un RAC modéré ; il est donc recommandé d’indexer la surface aortique à la surface corporelle dans ce cas. À l’opposé, il est rappelé que l’indexation à la surface corporelle est à proscrire chez le patient obèse puisqu’elle tend à surestimer la sévérité du RAC dans ce cas.
Nouvelles recommandations
Le seuil de sévérité concernant le gradient de pression moyen est uniformisé avec les USA : il descend de 50 à 40 mmHg. L’index de perméabilité (< 25 %) fait son apparition parmi les critères de sévérité.
Patients symptomatiques (tableau 2) : la chirurgie doit être proposée chez les patients à haut risque opérables, initialement envisagés pour un TAVI mais pour lesquels l’équipe multidisciplinaire (Heart Team) considère que la meilleure option est chirurgicale sur les données anatomiques et le profil de risque individuel (Classe IIa). La chirurgie doit être envisagée en cas de bas débit/bas gradient paradoxal (gradient moyen < 40 mmHg malgré une FEVG conservée) si un faisceau d’arguments (calcification valvulaire, fibrose myocardique, altération de la fonction VG longitudinale) converge en faveur d’un RAC sévère.
Patients asymptomatiques (tableau 3) : le RAC très sévère (Vmax > 5,5 m/s) devient une indication opératoire de classe IIa ; l’élévation du gradient moyen > 20 mmHg en échographie d’effort et des taux de BNP/NT-pro BNP élevés lors de plusieurs dosages restent controversés (Classe IIb).
Implantation de prothèse aortique transcathéter (TAVI)
Dix ans après la première implantation chez l’homme et 5 ans après un développement exponentiel en Europe, le TAVI fait son entrée dans les Guidelines avec 3 indications de Classe I faisant explicitement référence au « Heart Team » et à la présence indispensable d’un service de chirurgie cardiaque
sur site. Une indication de classe IIa concerne les patients opérables à haut risque pour lesquels le Heart Team est en faveur du TAVI (tableau 4).
Les contre-indications au TAVI sont tout aussi importantes ; elles sont détaillées dans le tableau 5.
Insuffisance mitrale primitive (organique)
Le terme d’insuffisance mitrale (IM) « primitive » a été substitué à celui d’IM organique, par opposition à l’IM secondaire (fonctionnelle). Pas de changement notable concernant les indications opératoires dans l’IM primitive chez les patients symptomatiques (tableau 6).
Nouvelles recommandations chez les patients asymptomatiques
• Indication opératoire en cas de forte probabilité de plastie mitrale associée à un faible risque opératoire et un diamètre télésystolique > 40 mm (Classe IIa), suite aux résultats du registre MIDA(5),
• Du bout des lèvres (Classe IIb) : indication opératoire en cas d’HTAP d’effort (PAPS > 60 mmHg à l’échographie d’effort) ou de volume de l’oreillette gauche > 60 ml/m2 (tableau 6).
Prothèses valvulaires
Nouvelles recommandations : concernant le choix entre bioprothèse et prothèse mécanique :
- une prothèse valvulaire mécanique doit être envisagée avant 60 ans en position aortique et avant 65 ans en position mitrale (Classe IIa) ;
- une bioprothèse doit être envisagée après 65 ans en position aortique et après 70 ans en position mitrale (Classe IIa) ;
- on remarque qu’il existe une zone grise située entre 60-65 ans pour les prothèses aortiques et entre 65-70 ans pour les prothèses mitrales où le choix reste ouvert entre les 2 types de prothèses.
Concernant le traitement anticoagulant dans les 3 mois suivant l’implantation d’une bioprothèse, il est plutôt recommandé (Classe IIa) en position mitrale (idem pour les plasties mitrales) alors que seule l’aspirine peut être prescrite en position aortique (Classe IIa).
En pratique
Cette version 2012 des Guidelines pour les valvulopathies gagne donc en précision et aborde pour la première fois de nouveaux domaines comme le TAVI. La première impression qu’on peut avoir est que pratiquement tous les cas de figure sont envisagés, avec finalement une très faible marge de manœuvre du praticien par rapport à ces recommandations. Cependant, les auteurs soulignent que, malgré l’importance des Guidelines, les décisions prises pour un patient donné restent sous l’entière responsabilité du praticien (ou de l’équipe) qui l’a pris en charge. En d’autres termes, il est concevable de s’écarter des recommandations pour un patient donné à deux conditions essentielles :
- connaître précisément la (les) recommandation(s) correspondant au cas présent ;
- justifier les raisons pour lesquelles on s’écarte des recommandations, compte tenu de l’ensemble du dossier du patient.
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