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Congrès et symposiums

Publié le 06 nov 2012Lecture 8 min

Du post-infarctus à l’insuffisance cardiaque - Importance du blocage minéralocorticoïde

M. DEKER

Les Journées françaises de l'insuffisance cardiaque

Depuis sa découverte dans le cortex surrénal, l’aldostérone a pris une place de plus en plus importante dans la physiopathologie des maladies cardiaques, confortée par les données expérimentales et les résultats des essais cliniques des antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes (ARM). Cette hormone apparaît ainsi aujourd’hui comme le fil rouge qui relie la fibrose myocardique à ses complications majeures, l’insuffisance cardiaque et les arythmies ventriculaires.

Rôle de l’aldostérone dans la fibrose myocardique   La sécrétion d’aldostérone n’est pas le seul fait du cortex surrénal ; de nombreux tissus sont le lieu d’une synthèse endogène, tels l’endothélium, le cœur, le cerveau, sous l’influence de divers stimuli autres que le système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA), tels l’ACTH, la kaliémie, le facteur tissulaire adipeux et probablement le stress oxydatif. Les effets de l’aldostérone sont également multiples sur la coagulation, la volémie, l’ischémie cardiaque, la dysfonction ventriculaire gauche (DVG) et les arythmies cardiaques.   L’infarctus du myocarde (IDM) entraîne des modifications hémodynamiques générant une activation neurohormonale compensatoire avec la sécrétion d’aldostérone, parallèlement à une inflammation et un turn-over du collagène à visée réparatrice, processus également influencé par l’aldostérone. Lorsque ce processus cicatriciel est inadapté, il fait le lit de l’insuffisance cardiaque et des troubles du rythme.   De nombreux travaux expérimentaux, tous concordants, attestent de l’implication de l’aldostérone dans le processus de remodelage ventriculaire postinfarctus. Ce processus débute par un remodelage électrique suivi par le remodelage mécanique ; le blocage du récepteur minéralocorticoïde s’oppose au remodelage électrique.   Sur un modèle de rats génétiquement modifiés pour sécréter beaucoup d’aldostérone, en postinfarctus, les animaux hypersécréteurs ont une cicatrice fortement collagénique et fibrosante, alors que les hyposécréteurs développent une masse musculaire beaucoup plus importante dans la région infarcie. Ce travail est conforté par une autre expérimentation chez le rat : les animaux ayant reçu de l’éplérénone en post-infarctus ont une cicatrice plus musculaire et comportant un taux de collagène moindre, ainsi qu’une vascularisation plus importante dans la zone infarcie et à distance.   Chez le rat placé en hyperaldostéronisme et soumis à un infarctus, la taille de l’infarctus augmente ; le blocage du récepteur minéralocorticoïde s’oppose à l’extension de la taille de l’infarctus. Il en est de même chez l’animal placé en hypercortisolisme, ce qui vérifie la stimulation de ce récepteur par les glucocorticoïdes et renforce l’intérêt de le bloquer. En clinique, les taux d’aldostérone sont à leur maximum à la phase aiguë de l’IDM et se normalisent après quelques jours. Cette période est également celle où la mortalité par trouble du rythme et insuffisance cardiaque est la plus élevée. Il a également été montré que des taux élevés d’aldostérone sont associés à une surmortalité non seulement à court mais aussi à moyen et long termes.   L’aldostérone est associée au remodelage ventriculaire gauche par l’intermédiaire du collagène de type III (PIIINP), un marqueur de fibrose, dont les taux sériques sont abaissés chez les patients des groupes de traitement par ARM dans les études EPHESUS et RALES. D’autres travaux confirment que le blocage du processus de fibrose post-infarctus par un ARM diminue le remodelage ventriculaire, en corrélation avec une baisse d’activité de la métalloprotéinase 2 (MMP-2) impliquée dans le processus de cicatrisation. Enfin, les patients ayant les taux les plus élevés d’aldostérone mesurés après angioplastie primaire pour un syndrome coronaire aigu (SCA) ont un flux de reperfusion de moins bonne qualité avec un score blush plus faible, comparativement aux patients ayant des taux plus faibles d’aldostérone. Le blocage précoce par ARM améliore très nettement le blushmyocardique.   DVG : un élément de pronostic majeur dans le post-infarctus   Le pronostic de l’IDM est fortement influencé par l’existence d’une dysfonction ventriculaire gauche (DVG,) situation fréquente (40 % dans les registres VALIANT et OPTIMIST) associée à une forte mortalité (x 4 en cas de DVG clinique ; surmortalité précoce en cas de FEVG abaissée). La surmortalité précoce associée à une FEVG ≤ 30 % est essentiellement corrélée à des morts subites. Le blocage précoce des récepteurs minéralocorticoïdes a démontré son efficacité pour diminuer les événements rythmiques ventriculaires, cliniques ou enregistrés.   Une diminution de la mortalité, de l’ordre de 30 % à 3 ans, avait été mise en évidence chez des patients en post-infarctus avec DVG sévère en association avec la prise de spironolactone dans l’étude RALES (RALES est une étude qui avait évalué la spironolactone chez des patients ayant une insuffisance cardiaque d’origine ischémique et non ischémique). L’étude EPHESUS, qui a évalué l’éplérénone dans le post-infarctus compliqué de DVG, a confirmé ces données, avec une diminution de la mortalité de 15 % à 16 mois et de 21 % des morts subites présumées rythmiques.   L’effet de l’éplérénone est très précoce : diminution de la mortalité toutes causes de 31 % à 30 jours et de 37 % des morts subites d’origine cardiaque, dans l’étude EPHESUS.   La prescription précoce d’un ARM est indispensable en cas de DVG   Une analyse post hoc de l’étude EPHESUS a stratifié les malades selon l’introduction précoce (J3 à J7) ou tardive (J8 à J14) de l’éplérénone et a montré les bénéfices d’une introduction précoce du traitement : réduction significative de 31 % de la mortalité globale (p = 0,001), de 24 % de la mortalité ou des hospitalisation cardiovasculaires (p < 0,0001) et de 33 % des morts subites (p < 0,0001) comparativement au groupe placebo ; ces bénéfices ne sont pas retrouvés chez les patients ayant débuté le traitement plus tardivement. Les éléments de preuves en faveur d’un bénéfice du blocage précoce des récepteurs minéralocorticoïdes dans le post-infarctus sont de plus en plus nombreux. En outre, le bénéfice ne concerne pas seulement les patients hyperaldostéronémiques. Malgré cela, la prescription des ARM reste insuffisante. Deux études en cours devraient renseigner sur les effets d’une utilisation très précoce d’un ARM en post-infarctus : • REMINDER est un essai multicentrique qui évalue l’administration d’éplérénone dans les 24 premières heures et de préférence les 12 premières heures versus placebo chez plus de 1 000 patients ayant un SCA ST+, troponine+, sans signes d’insuffisance cardiaque ni de DVG, sur un critère composite (troubles du rythme, DVG au 1er mois, signes cliniques ou biologiques d’insuffisance cardiaque, délai jusqu’au 1er événement) ; • ALBATROSS est un essai français chez des patients ayant un SCA ST+ ou bien un SCA ST- qui bénéficieront d’un blocage de l’aldostérone, par injection IV de canrénoate, suivi de spironolactone dans les trois premiers jours.   Les recommandations de la Société européenne de cardiologie attribuent aux ARM un niveau de recommandation très élevé dans le SCA : • SCA ST- avec DVG et des signes d’insuffisance cardiaque, une recommandation de niveau IA ; et de préférence l’eplérénone. • SCA ST+ avec insuffisance cardiaque modérée à sévère ou DVG, une recommandation de niveau IB pour l’éplérénone.   La prise en charge de l’insuffisance cardiaque en perspectives   Trois grands essais ont largement contribué à fonder la place du blocage des récepteurs minéralocorticoïdes dans la stratégie de prise en charge de l’insuffisance cardiaque et du post-infarctus : RALES (1999) avec la spironolactone, EPHESUS (2003) et EMPHASIS-HF (2011) avec l’éplérénone. Le contexte de ces trois études est toutefois très différent par les indications et le traitement de base reçu par les patients, ce qui ne devrait pas conduire à conclure que les médicaments de la classe des ARM peuvent être utilisés de manière indifférenciée.   Pour revenir sur l’étude RALES, réalisée chez des malades en insuffisance cardiaque classe III-IV NYHA, avec la spironolactone, 11 % seulement des patients inclus recevaient un traitement bêtabloquant et la spironolactone était prescrite à la dose de 25 à 50 mg/j. Le résultat démontré dans RALES avec la spironolactone ne doit pas être extrapolé à l’ensemble des patients souffrant d’insuffisance cardiaque ou de SCA. Un usage inapproprié de ces agents thérapeutiques a conduit à craindre la survenue d’hyperkaliémies, faisant douter de la tolérance de ces traitements. Rappelons que, si la spironolactone et l’éplé-rénone ont toutes deux pour effet de bloquer les récepteurs minéralocorticoïdes, leur sélectivité pour le récepteur est différente, comme leur efficacité sur la fonction endothéliale et leur tolérance chez le patient diabétique (médiocre avec la spironolactone).   La pratique doit être fondée sur les essais cliniques en s’appuyant sur leur validité interne qui permet de renforcer les résultats démontrés.   L’hyperkaliémie peut être prévenue, prévue et traitée   Toutes les analyses de sous-groupes réalisées à partir de l’étude EMPHASIS-HF démontrent une grande cohérence : les résultats obtenus chez les sujets âgés, comme chez les diabétiques ou les patients ayant une fonction rénale altérée (ClCr : 30-60 ml/min) démontrent le bénéfice de l’éplérénone. Les résultats en termes d’efficacité et de tolérance sont équivalents. Les sujets âgés se voient moins souvent prescrire un traitement par ARM par crainte d’effets secondaires, tout comme les sujets souffrant de diabète, alors que ce dernier est lui-même un facteur de risque d’hyperkaliémie. Or, l’hyperkaliémie est un facteur de risque inhérent au patient, et non au traitement, comme le démontre l’existence d’hyperkaliémies dans le groupe placebo. Si l’on excepte les sujets dont la clairance de la créatinine est < 30 ml/min, tous les patients peuvent bénéficier de la prescription d’un ARM sous réserve de précautions et d’une surveillance dont les modalités sont bien précisées (encadré). En outre, le bénéfice du traitement est observé quelle que soit l’optimisation du traitement de base IEC + bêtabloquant : la réduction du risque des événements cardiovasculaires majeurs est identique que les patients aient reçu ≤ ou ≥ 50 % de la dose cible des traitements IEC et bêtabloquant de base.     Tous les patients en insuffisance cardiaque ont un syndrome cardio-rénal ; en outre, l’exposition aux inhibiteurs du SRAA les expose au risque d’hyperkaliémie. Dans les essais cliniques, le risque d’hyperkaliémie biologique sous ARM est bien réel, mais celui d’hyperkaliémie clinique est parfaitement maîtrisé (encadré). Il n’a pas été mis en évidence de sur-risque de mortalité liée à une hyperkaliémie ; il n’y a pas d’interaction entre l’hyperkaliémie et le bénéfice clinique.   La mortalité par insuffisance cardiaque chronique a déjà été divisée par 3 mais, du fait de l’allongement de l’espérance de vie, l’entrée dans la maladie n’a pas diminué. Il est possible qu’un traitement par ARM aux stades initiaux de la maladie freine son évolution. Il reste aussi des domaines à explorer dans l’insuffisance cardiaque, en particulier à FEVG préservée, et dans l’insuffisance cardiaque aiguë ; les essais en cours tâcheront d’y apporter une réponse.   Aujourd’hui, nous disposons de preuves solides attestant de l’efficacité et de la tolérance des traitements par ARM dans l’insuffisance cardiaque et le post-infarctus. Les dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque ont bien précisé la place des ARM qui doivent être introduits, en plus du traitement de base IEC et bêtabloquant, chez les patients restant symptomatiques et dont la FEVG est ≤ 35 % et ce dès le stade II NYHA, avec une recommandation de Classe IA. Il reste donc à appliquer ces recommandations.   D’après un symposium, avec la participation de M. Galinier, F. Beygui, M. Elbaz, F. Zannad et R. Isnard.

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