Cardiologie interventionnelle
Publié le 11 sep 2007Lecture 6 min
Angioplastie ou pontage aorto-coronarien : y a-t-il encore une controverse ?
N. AMABILE, CHU Nord, Marseille
Le traitement de la maladie coronarienne est en progrès constant depuis les 30 dernières années. Outre les avancées considérables réalisées dans le domaine pharmacologique, avec l’apparition et la généralisation des bêtabloquants, IEC, statines et les nouveaux antiagrégants plaquettaire, la révolution majeure a été réalisée dans le domaine de la revascularisation chirurgicale et médicale. L’essor de la cardiologie interventionnelle avec l’apparition successive de l’angioplastie au ballon, puis la mise en place des endoprothèses coronaires nues puis actives (avec libération de sirolimus, paclitaxel ou évérolimus) a ainsi modifié radicalement les possibilités de traitement de nos patients.
30 ans de progrès constants en termes de revascularisation coronarienne
Les deux approches, interventionnelle et chirurgicale sont, certes, très différentes et possèdent chacune leurs avantages et inconvénients. Il pourrait être tentant de les opposer et de parler de potentielles controverses. Elles sont pourtant loin d’être en concurrence ; l’analyse des données de la littérature disponible à ce jour illustrant la complémentarité des techniques qui, en dehors de certains cas particuliers, ont des indications bien définies.
Faut-il revasculariser ?
Les bénéfices prouvés dans la coronaropathie stable et instable
Le bénéfice des techniques de revascularisation est très différent selon les situations cliniques.
Dans la coronaropathie instable symptomatique (syndrome coronarien aigu {SCA}, avec ou sans sus-décalage du segment ST), le bénéfice d’une revascularisation versus un traitement médical conservateur est prouvé. Dans le SCA ST+, l’angioplastie primaire ou de sauvetage reste de très loin la technique de référence, le pontage aorto-coronarien (PAC) étant réservé aux échecs d’angioplastie (ACT) ou aux cas de rupture cardiaque associée. Dans le SCA ST- à haut risque, une stratégie invasive précoce (< 48 h) avec coronarographie et traitement des lésions coupables par stenting des lésions de novo, en association avec les anti-GPIIb/IIIa est actuellement préconisée (indication de classe I pour l’ESC), validée par plusieurs grandes études (TACTICS, FRISCII, RITA-3). La chirurgie sera une seconde option en cas de lésion complexe (tronc coronaire gauche, lésion de type C, tritronculaire), après une période de stabilisation des lésions coronaires par traitement médical.
Dans la coronaropathie stable, les résultats des différentes options sont sensiblement différents. En effet, l’angioplastie, même avec mise en place d’endoprothèses coronaires, n’a jamais prouvé sa supériorité sur la prise en charge pharmacologique seule. Katsiris a ainsi repris dans une métaanalyse, publiée en 2005 dans Circulation, les résultats de 11 études randomisées comparant ACT et traitement conservateur et regroupant 2 950 patients, sans mettre en évidence de différence en termes de mortalité globale, mortalité cardiovasculaire, infarctus du myocarde et SCA non mortels. Plus récemment, l’étude COURAGE, présentée à l’ACC 2007, n’a pas réussi à montrer d’amélioration pronostique des patients coronariens stables à bas risque traités par angioplastie + traitement médical intensif (IEC, statines à fortes doses, bêtabloquants) par rapport au traitement médical seul.
L’avantage de l’angioplastie dans la coronaropathie stable par rapport au traitement conservateur semble en fait résider en un meilleur contrôle de la symptomatologie angineuse et une amélioration de la qualité de vie du patient, même si celles-ci peuvent être considérablement améliorées par le réentraînement physique et la réadaptation cardiovasculaire.
Le pontage aorto-coronarien présente des résultats sensiblement différents, avec une amélioration pronostique nette en termes de mortalité globale, d’événements cardiovasculaires et de contrôle de la symptomatologie. Les études randomisées ECSS et CASS ont été les premières à démontrer la supériorité de l’approche chirurgicale, avec un bénéfice durable à 5 ans (se vérifiant même au-delà de 10 ans dans l’étude CASS) lorsqu’il est comparé avec le traitement médical. La métaanalyse de Yusuf, publiée en 1994, a montré que cet effet est significatif pour les lésions tritronculaires, bitronculaires et monotronculaires incluant l’IVA proximale, que la fonction du ventricule gauche soit conservée ou altérée.
Angiopastie vs PAC : les études comparatives publiées… et leurs limites
Des techniques en constante évolution
Les études comparant PAC et angioplastie sont nombreuses dans la littérature. Néanmoins, leur signification et leur impact dans la pratique quotidienne sont doublement limités :
- par l’évolution rapide des techniques, chirurgicale et interventionnelle, créant une « cible mouvante » difficile à atteindre (les résultats disponibles aujourd’hui portent sur des procédures parfois désuètes),
- par le manque de recul à très long terme des procédures d’angioplastie les plus récentes. En effet, si les premières comparaisons entre angioplastie au ballon et PAC révélaient une supériorité de la chirurgie en termes de survie à 1 et 3 ans, elles ne reflètent plus les pratiques actuelles.
La métaanalyse de Hoffman (7 964 patients), comparant PAC et ACT par stent conventionnel, a montré une survie équivalente à moyen terme (3 ans) dans les deux groupes, avec une nécessité de revascularisation plus importante chez les sujets porteurs de stents.
Le registre de New-York, incluant 59 000 sujets pluritronculaires, montre, lui, un bénéfice supérieur de la chirurgie sur la survie globale, la nécessité de revascularisation et l’apparition d’événements cardiovasculaires majeurs. Pourtant, cet effet était largement lié aux sujets avec lésions du tronc coronaire gauche, chez lesquels le traitement par stent nu donnait de mauvais résultats. On voit ainsi une autre limite de ces études : le grand nombre de patients inclus crée une certaine hétérogénéité dans les résultats et l’analyse par sous-groupes s’impose, surtout pour les sujets les plus « à risque ».
L’intérêt d’une revascularisation complète
Chez les patients pluritronculaires, les données les plus récentes proviennent de l’étude ARTS, qui ne montrait pas de différence entre chirurgie et ACT sur la mortalité à 5 ans (8,0 vs 8,9 %, p = ns), mais retrouvait une majoration des événements cardiovasculaires majeurs dans le bras ACT, principalement du fait d’une augmentation des procédures de revascularisation. Les mêmes tendances étaient retrouvées à 5 ans dans l’étude MASS II, mais dans ce dernier cas, on notera que seuls 41 % des patients stentés avaient bénéficié d’une revascularisation complète. Or, l’analyse des résultats précoces (12 mois) de l’étude ARTS montrait chez les patients complètement revascularisés que le pronostic en termes de mortalité + récidive d’infarctus + AVC n’était pas significativement différent entre la chirurgie et l’angioplastie.
En cas de dysfonction ventriculaire gauche (FEVG < 35 %), le facteur le plus important pour l’amélioration pronostique est, là aussi, le caractère complet de la revascularisation, celui-ci étant plus souvent atteint avec la chirurgie dans les premiers registres publiés. Pourtant, les résultats de l’étude randomisée AWESOME, plus tardive, ne mettaient pas en évidence de différence de survie à 36 mois entre les deux approches (72 vs 69 %).
Les sujets diabétiques
Les sujets diabétiques représentent également une population à risque, pour laquelle les données objectives manquent. En effet, si l’opinion communément admise est de favoriser la chirurgie sur l’angioplastie, surtout en cas d’atteinte pluritronculaire, elle se base sur l’analyse en sous-groupes d’études anciennes n’employant pas ou peu de stents (BARI, CABRI, EAST). Dans ces travaux, le PAC était supérieur en termes de mortalité et de nécessité de revascularisation. Pourtant, le bénéfice sur la mortalité n’est pas retrouvé dans les études randomisées utilisant les endoprothèses coronaires de façon large (ARTS, AWESOME).
L’impact des « nouveaux » traitements
Néanmoins, depuis l’inclusion des premiers patients dans ces travaux, les techniques ont sensiblement évolué. Les stents actifs (DES) remplacent de plus en plus les stents conventionnels, améliorant nettement le risque de resténose et la nécessité de revascularisation après ACT, notamment chez les sujets diabétiques. De plus, l’environnement pharmacologique entourant les procédures d’ACT s’est également modifié durant les 10 dernières années : la double antiagrégation plaquettaire prolongée par acide salicylique + clopidogrel (étude PCI-CURE), l’emploi plus large d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion et de statines à fortes doses (étude PROVE-IT) ont démontré un bénéfice dans les récidives d’événements cardiovasculaires après ACT. Parallèlement, les techniques chirurgicales se sont perfectionnées avec l’utilisation de revascularisation « tout artériel », utilisant les deux artères mammaires et diminuant le risque d’occlusion des ponts. De même, les progrès de la chirurgie mini-invasive et des procédures à cœur battant (« off pump ») ont réduit la mortalité périopératoire. L’impact de ces évolutions sur la survie, la nécessité de revascularisation ultérieure et les récidives ischémiques reste à définir. Plusieurs études randomisées sont actuellement réalisées (COMBAT, FREEDOM, SYNTAX) et devraient nous donner dans les prochaines années des éléments de réponses.
L’auteur n’ a pas déclaré de conflit d’intérêt.
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