Publié le 06 sep 2005Lecture 4 min
Apnée du sommeil : un dépistage systématique chez l'insuffisant cardiaque ?
L. FAUCHIER et B. MAGDELAINE, CHU Trousseau, Tours
Le syndrome d’apnées du sommeil (SAS) est défini comme la répétition (plus de 10 fois par heure de sommeil) d’épisodes de diminution (hypopnées) ou d’arrêt (apnées) de la respiration conduisant à une réduction de la saturation en oxygène (de plus de 4 %) et à une fragmentation du sommeil.
Deux types de SAS
Deux types de SAS peuvent se rencontrer et s’associer dans l’insuffisance cardiaque :
- les apnées obstructives (SAOS) par collapsus des voies aériennes supérieures avec persistance de l’effort inspiratoire (prévalence de 11 à 32 % dans l’insuffisance cardiaque selon les études),
- les apnées liées à des anomalies de commande d’origine centrale (SACS) avec une respiration périodique de Cheyne-Stokes (prévalence de 29 à 61 %).
Les deux types de SAS peuvent parfois coexister chez un même patient durant le sommeil. Le dépistage des syndromes d’apnées du sommeil est aujourd’hui effectué à l’aide d’oxymètres ambulatoires peu encombrants qui ne troublent pas le sommeil des patients, ce qui permet une détection optimale des épisodes de désaturation.
Bien que les syndromes d’apnées du sommeil soient plus fréquemment rencontrés dans l’insuffisance cardiaque, ils ont été décrits, notamment pour le SAOS, au cours des principales pathologies cardiovasculaires : l’hypertension artérielle, les cardiopathies ischémiques, les troubles du rythme supraventriculaires et ventriculaires, les accidents vasculaires cérébraux et l’hypertension artérielle pulmonaire. Il est donc d’autant plus logique de rechercher un SAS dans ces circonstances associées à l’insuffisance cardiaque.
Facteurs de risque
Les facteurs de risque de SAOS sont :
- le surpoids avec une prévalence qui augmente avec l’index de masse corporelle,
- le sexe masculin (mais la prévalence du SAS est probablement sous-estimée chez les femmes),
- un âge entre 45 et 70 ans,
- des anomalies morphologiques crâniofaciales.
Les signes fonctionnels associés qui peuvent classiquement être évocateurs de SAS sont indiqués dans le tableau 1. La somnolence est au mieux évaluée par l’échelle d’Epworth (tableau 2). Ce sont les éléments les plus déterminants pour inciter à rechercher un SAS chez un patient insuffisant cardiaque mais certains critères (syndrome dépressif, dyspnée paroxystique nocturne) ont dans ce contexte une valeur sans doute moins importante que d’autres.
Pourquoi rechercher un SAS ?
Un intérêt théorique à diagnostiquer un SAS dans l’insuffisance cardiaque serait lié à l’hypothèse — actuellement non complètement démontrée — du bénéfice à le traiter efficacement et à éviter des phénomènes physiopathologiques délétères bien établis. La répétition des épisodes hypoxiques et hypercapniques ainsi que les éveils en fin d’apnée accentuent l’activation sympathique, déjà importante à l’état basal chez les patients insuffisants cardiaques. Cela majore la vasoconstriction périphérique, participe à l’élévation de la postcharge, ce qui conduit in fine à aggraver la dysfonction ventriculaire gauche chez ces patients. Les épisodes d’hypoxie durant l’apnée favorisent l’élévation de la pression artérielle, l’apparition d’une ischémie myocardique ou d’arythmies et la présence d’un SAS contribue de manière patente à l’aggravation du pronostic de ces patients insuffisants cardiaques.
Le traitement par ventilation en pression positive permet une amélioration des symptômes diurnes (fatigue, somnolence) ainsi qu’une amélioration de la fonction cardiaque.
Actuellement, à la lumière de la littérature, il faut plutôt considérer le SACS comme un marqueur de gravité supplémentaire de l’insuffisance cardiaque, capable d’accélérer le remodelage ventriculaire. La respiration périodique de Cheyne-Stokes est une forme particulière d’apnée centrale. La somnolence diurne et les ronflements sont moins souvent exprimés que dans le SAOS. Chez les patients avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche < 45 %, âgés > 60 ans, de sexe masculin et porteurs d’une cardiopathie ischémique, la probabilité de retrouver un SACS est d’environ 85 % et c’est sans doute chez ces patients qu’il serait le plus logique de rechercher assez systématiquement un SACS (Magdelaine et al. ESC 2005). Il ne semble pas qu’un traitement médical optimal de l’insuffisance cardiaque puisse diminuer significativement la prévalence du SAOS. À dysfonction systolique égale, le SACS est, en revanche, nettement plus rare dans la cardiomyopathie dilatée non ischémique, et il est sans doute moins « rentable » de rechercher un SAS systématiquement chez ces patients sauf en cas d’élément d’orientation.
Il n’y a à ce jour qu’une étude récente (Marin et al. Lancet 2005) montrant une réduction de mortalité cardiaque et/ou des événements cardiaques non mortels avec la ventilation en pression positive en cas de SAOS sévère.
En pratique
Actuellement, un dépistage et un traitement ne peuvent donc être largement recommandés que chez les patients symptomatiques (somnolence) et dans certaines circonstances associées particulières :
- troubles du rythme auriculaire ou de conduction à prédominance nocturne,
- hypertension associée résistante au traitement,
- présence de douleurs angineuses nocturnes ou matinales,
- patient non répondeur à une resynchronisation atriobiventriculaire, en particulier si, dans cette situation, des capteurs spécifiques de ventilation du pacemaker montrent des anomalies de fréquence ventilatoire.
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