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Coronaires

Publié le 07 juin 2005Lecture 4 min

Canicule, eau glacée et infarctus myocardique

L. CABANES, hôpital Cochin, Paris

Cette observation illustre le problème du diagnostic différentiel des douleurs thoraciques : spasme œsophagien ou spasme coronaire ?

Une violente douleur thoracique Monsieur B., 64 ans, est hospitalisé à la 3e heure d’une douleur thoracique constrictive. Ses facteurs de risque comportent une hypertension artérielle traitée et un diabète de type 2 récemment découvert et en cours d’investigation. Accablé par la récente canicule, il boit rapidement pour étancher sa grande soif un verre d’eau « très » glacée… Dès l’ingestion du liquide glacé, il ressent une très violente douleur thoracique antéropostérieure avec sensation de « blocage complet de l’œsophage » ; cette symptomatologie initiale est hautement évocatrice d’un spasme œsophagien. Devant la persistance de cette symptomatologie hyperalgique, il consulte très rapidement ; l’examen clinique est sans particularité et l’électrocardiogramme percritique est rigoureusement normal. Un antispasmodique lui est administré et commence à faire rétrocéder progressivement cette douleur intense. Malheureusement, quelques dizaines de minutes plus tard, la douleur s’exacerbe à nouveau, mais ses caractéristiques sont cette fois-ci fort différentes : il s’agit d’une douleur thoracique constrictive typiquement angineuse, avec irradiation cervicale et brachiale gauche. Le tableau s’enrichit de signes vagaux et l’électrocardiogramme, effectué donc approximativement 2 heures après le premier tracé — qui était normal — objective cette fois-ci un sus-décalage du segment ST en D2, D3, VF. Le patient est adressé directement en salle de coronarographie. Le réseau gauche est indemne de sténoses significatives mais présente néanmoins quelques plaques athéromateuses non serrées. La coronaire droite est occluse. À la ventriculographie, il existe une zone, heureusement fort limitée, d’akinésie inférobasale. Une angioplastie de désocclusion est effectuée, comportant l’implantation de deux endoprothèses sur les segments 1 et 2 de la coronaire droite. L’évolution est simple et le patient regagne son domicile au 5e jour avec un traitement associant bêtabloquant, inhibiteur calcique de la famille des dihydropyridines, statine, aspirine et clopidogrel. Cette observation illustre bien les problèmes de diagnostic différentiel et de lien physiopathologique entre la pathologie du bas œsophage et la pathologie coronaire. Chez ce même patient se sont succédés dans le temps un authentique spasme œsophagien induit par l’ingestion d’eau glacée puis, 90 à 120 minutes plus tard, le déclenchement d’un infarctus myocardique inférieur lié à l’occlusion brutale de la coronaire droite.   Spasme œsophagien   Diagnostic différentiel du SCA Le spasme œsophagien est l’un des diagnostics différentiels des syndromes coronariens aigus ; la douleur du spasme œsophagien peut être intense, de siège rétrosternal et perçue comme constrictive par le patient ; les irradiations caractéristiques de la maladie coronaire sont cependant généralement absentes. Tout comme la douleur d’angine de poitrine, celle du spasme œsophagien peut être sensible à la trinitrine sublinguale, puisque cette molécule induit un relâchement de la fibre musculaire lisse, qu’elle soit vasculaire (coronaire) ou digestive (sphincter œsophagien). Dans le spasme œsophagien, l’électrocardiogramme percritique est bien entendu normal. En pratique clinique, lors d’explorations de douleurs thoraciques intermittentes, le spasme œsophagien est un diagnostic différentiel de la maladie coronaire ; lorsque l’enquête coronaire est négative (coronarographie et test de déclenchement du spasme coronaire par le méthergin compris), la recherche d’un spasme œsophagien s’impose, surtout lorsque les symptômes récidivent. L’exploration fonctionnelle, avec éventuellement test de provocation pharmacologique du bas œsophage, permet d’établir le diagnostic de spasme œsophagien et de mettre en route les thérapeutiques antispasmodiques correspondantes.   Facteur déclenchant du SCA Le spasme œsophagien peut être également non pas un diagnostic différentiel mais un facteur déclenchant de syndromes coronaires, comme l’illustre bien cette observation ; les connexions vasculonerveuses entre le bas œsophage et la phase inférieure du cœur — notamment le territoire de la coronaire droite — sont étroites. Chez certains patients, il est possible d’induire un vasospasme coronaire par stimulation acide du bas œsophage. Dans notre observation, deux mécanismes sont concevables : • la mise en œuvre, à partir de stimuli nociceptifs en provenance du bas œsophage, d’un réflexe vasoconstricteur artériel à médiation sympathique noradrénergique ; • la réaction vagale à la douleur œsophagienne : l’effet coronaire de l’acétylcholine libérée par la stimulation vagale étant vasoconstricteur sur un endothélium coronaire pathologique, comme l’était sans nul doute celui de notre patient porteur de deux facteurs de risque (HTA et diabète) et dont la coronarographie avait objectivé des plaques athéromateuses sur le réseau coronaire gauche.   En pratique La vasoconstriction brutale des premier et deuxième segments de la coronaire droite a probablement déclenché un phénomène de rupture de plaque et de thrombose, responsables de l’infarctus. Les retombées pratiques pour notre patient n’ont pas été l’interdiction formelle pour l’avenir de la consommation de glaces et de boissons froides, mais l’adjonction à son traitement, en plus du bêtabloquant, nécessaire en postinfarctus, d’une molécule vasodilatatrice coronaire de la famille des dihydropyridines.

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