publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Chirurgie

Publié le 01 fév 2011Lecture 7 min

Les complications de la chirurgie cardiaque et leur prise en charge

P. MEURIN et P. NATAF, Les Grands Prés, Villeneuve Saint Denis Hôpital Bichat, Paris

Les complications infectieuses sont les plus redoutables, au premier rang d’entre elles, la médiastinite qui complique environ 2 % des sternotomies et survient en moyenne 15 jours après l’intervention.

Complications infectieuses Les complications infectieuses sont les plus redoutables, au premier rang d’entre elles, la médiastinite qui complique environ 2 % des sternotomies et survient en moyenne 15 jours après l’intervention. Dans une étude portant sur 1 700 patients opérés, on a observé que près d’un tiers des médiastinites surviennent alors que le patient est déjà en centre de réadaptation(1). Dans notre expérience, le délai entre intervention et médiastinite peut atteindre jusqu’à 50 jours, c’est-à-dire parfois même après le retour à domicile. Le diagnostic est clinique Chez un patient dont la cicatrice sternale était jusque-là (le plus souvent) sans particularité, vont apparaître brutalement (en quelques heures, voire plus vite) des signes généraux (fièvre, altération majeure de l’état général avec parfois choc septique) et locaux : douleurs thoraciques, instabilité sternale, développement d’un grand placard thoracique inflammatoire ou (pas toujours) ouverture cutanée avec extériorisation d’un écoulement purulent. Les prélèvements bactériologiques locaux (ponction sternale) et généraux (hémocultures) sont indispensables, les germes les plus fréquemment retrouvés étant, par ordre de fréquence, staphylocoque doré (» 1/3), staphylocoque epidermidis (» 1/3) et bacilles à Gram négatif. Le scanner thoracique n’est pas utile (perte de temps, injection iodée néphrotoxique, images ne permettant pas de distinguer inflammation, hématome et infection). Finalement, le diagnostic est posé cliniquement et bactériologiquement (ponction) puis confirmé lors de la reprise chirurgicale qui est urgente. Le traitement est désormais assez codifié (lavage, drainage, fermeture sternale sur redons en aspiration, antibiothérapie adaptée et prolongée), ce qui a permis une nette diminution de mortalité, désormais inférieure à 10 %. Les facteurs favorisants Il faut avoir à l’esprit les facteurs favorisant la survenue d’une médiastinite : obésité, bronchite chronique, diabète, antécédent de radiothérapie, intervention en urgence ou avec utilisation des deux artères mammaires ou redux. Il ne faut pas considérer que toutes les médiastinites sont dues à une contamination peropératoire ; schématiquement, on peut distinguer deux modalités évolutives(2) : – contamination peropératoire (avec révélation plutôt précoce), – contamination postopératoire sur instabilité sternale chez l’obèse ou le bronchitique chronique ou en provenance d’un autre site (peau ou autre infection). Les autres complications infectieuses sont plus « banales » (urinaires post-sondages qui sont probablement la première cause de fièvre postopératoire, bronchopulmonaires, etc.), mais il faut insister sur la fréquence des retards de cicatrisation et infections superficielles de cicatrices qui nécessitent une bonne coordination chirurgien/centre de réadaptation cardiaque mais, dans l’immense majorité des cas, pas d’antibiothérapie. Figure 1. Relation entre le grade échographique péricardique post-opératoire plus de 7 jours après la chirurgie et le risque de tamponnade avant le 30e jour post-opératoire. Les épanchements péricardiques : banals mais dangereux L’existence d’un épanchement péricardique (Epe) après chirurgie cardiaque est une éventualité banale : 50 à 85 % des patients en sont porteurs en postopératoire immédiat, et ils régressent habituellement spontanément : 50 % (dont les deux tiers sont minimes) persistent à J7, 25 % à J15, 10 % à J30. Les tamponnades surviennent chez 1 à 2 % des patients opérés, 10 jours après l’intervention chirurgicale en moyenne. Elles sont de deux types très différents : – dans 40 % des cas environ, ces tamponnades sont précoces (au cours de la première semaine post-opératoire), de mécanisme habituellement hémorragique ; – dans 60 % des cas, elles sont tardives (plus de 7 jours après la chirurgie, et en moyenne à J22 ± 8) et surviennent donc dans les services de réadaptation cardiaque, ou pire (comme cela est fréquent aux USA), au domicile du patient. Facteurs prédictifs de tamponnade tardive Le principal facteur prédictif de tamponnade tardive est clairement le volume de l’épanchement péricardique persistant après le 7e jour postopératoire. Nous avons proposé puis validé dans 2 études cliniques une classification échographique des épanchements péricardiques postopératoires (tableau 1) : on divise les Epe en 4 grades en fonction de leur taille et de leur localisation (épanchement localisé ou circonférentiel). La figure 1 montre l’évolution de ces Epe au 30e jour postopératoire. Aucun des patients qui présentaient au 15e jour un Epe minime ou nul (grade 0 ou 1), c’est-à-dire 92 % du total patients opérés, n’a nécessité de drainage péricardique ultérieur. En revanche, 11 % des patients présentant un Epe de grade 2, 3 ou 4 ont nécessité un drainage avant le 30e jour postopératoire : il s’agit donc de patients à très haut risque. L’existence d’une anticoagulation excessive semble aussi corrélée au risque de tamponnade. Mais l’INR élevé est, dans cette situation, plus souvent dû au foie cardiaque de la tamponnade qu’à une erreur d’anticoagulation. Prise en charge : surveillance armée ; pas de traitement médicamenteux efficace à ce jour En prévention, l’aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ont fait l’objet d’études de petite taille, non concluantes et la colchicine semble prévenir le très rare syndrome post-péricardiotomie (péricardite inflammatoire auto-immune postopératoire, analogue du syndrome de Dressler parfois observé en postinfarctus) mais ni l’habituel Epe asymptomatique ni l’évolution vers une tamponnade. Lorsque l’Epe est présent, les AINS sont inefficaces, même s’il existe un syndrome inflammatoire. Ceci a été prouvé en 2009 par l’étude POPE (post-operative pericardial effusion) qui était une large étude (plus de 5 000 patients suivis en postopératoire, 196 patients porteurs d’un épanchement moyen à important inclus) prospective, randomisée, réalisée dans 5 centres en France (Cristofini et Iliou à Broussais, Pierre à Lyon, Fischbach à Bordeaux, Farrokhi à Bligny et l’équipe médicale des Grands Prés). L’efficacité de l’administration de diclofénac (100 mg/j pendant 14 jours) y était comparée en double aveugle à celle d’un placebo. L’AINS n’a pas permis d’accélérer la réduction du volume des Epe, ni de prévenir la survenue d’une tamponnade. Ces résultats négatifs doivent conduire à l’abandon des AINS dans cette situation. On connaît en effet leurs dangers chez ces patients fragiles et polymédicamentés (hémorragies digestives, insuffisance rénale, occlusions de pontage, etc.). Les autres traitements parfois utilisés, colchicine et/ou corticoïdes, n’ont pas été testés dans des études cliniques. La réalisation de péricardiotomie postérieure en peropératoire (incision longitudinale parallèle et postérieure au nerf phrénique gauche s’étendant de la veine pulmonaire inférieure gauche au diaphragme) pourrait diminuer le risque de tamponnade, mais cette pratique n’a pas été diffusée largement à notre connaissance. Modalités de surveillance L’objectif est de prévenir la tamponnade en drainant le patient lorsque l’épanchement devient échographiquement menaçant mais reste cliniquement muet ou discret. • Si un patient ne présente après le 7e jour postopératoire aucun Epe ou un Epe minime (grade 1), on peut estimer que le risque de développement ultérieur d’une tamponnade est quasi nul. Le suivi peut alors être assuré à domicile ou au mieux en centre de réadaptation cardiaque (hospitalisation de jour ou complète). • En revanche, si le patient présente après J7 un Epe de grade 2, 3 ou 4, le risque de tamponnade clinique (ou de prétamponnade échographique) est de plus de 10 %. Il faut alors garder le patient sous surveillance pour réaliser des échographies bihebdomadaires jusqu’à disparition ou diminution de l’Epe (en moyenne jusqu’au 30e jour postopératoire). Dans l’étude POPE, il a été montré que les centres de réadaptation cardiaque sont les structures idéales pour ces patients : surveillance échographique régulière et transfert au service de chirurgie en cas de pré tamponnade échographique ou tamponnade clinique. Autres complications cardiaques Les poussées d’insuffisance cardiaque sont très fréquentes. Il peut s’agir d’une inflation hydrosodée par dysfonction diastolique très fréquente, en particulier après chirurgie de rétrécissement aortique, ou d’une insuffisance cardiaque par dysfonction systolique ventriculaire gauche (par occlusion de pontage, dysfonction de prothèse valvulaire, infarctus péri-opératoire, ou le plus souvent, sur FEVG basse préexistante, etc.). Les complications rythmiques font l’objet d’un article dédié (J.Y. Tabet et J. Lacotte). Complications diverses (tableau 2) On sous-estime souvent l’importance des complications neurologiques postopératoires. • Les accidents vasculaires cérébraux (AVC ischémiques, hémorragiques ou rarement par embolie gazeuse) sont assez fréquents (2 à 3 % dans la majorité des séries), le plus souvent en postopératoire précoce. Ils sont parfois prévenus en centre de réadaptation (découverte d’un thrombus apical ventriculaire gauche, d’une fibrillation auriculaire paroxystique, etc.) et leur traitement ne repose quasiment que sur la rééducation. • Les troubles cognitifs (troubles mnésiques, difficultés de concentration, etc.) transitoires postopératoires sont quasi constants. Ils sont en général sans incidence clinique à long terme mais peuvent parfois être très invalidants. • Enfin, les compressions nerveuses périphériques peropératoires (cubital au coude avec paresthésie des deux derniers doigts, plus rarement sciatique poplité externe avec présence d’un steppage) touchent au moins 15 % des patients, sont quasiment toujours transitoires et ne nécessitent ni investigation ni traitement autre que la rééducation. • Les complications digestives sont rares (1 %) mais souvent graves (pancréatite, ischémie mésentérique) et de diagnostic trop tardif. L’utilisation quasi systématique des inhibiteurs de la pompe à protons dans les deux premières semaines postopératoires a nettement diminué l’incidence des hémorragies digestives. • Les complications respiratoires non infectieuses sont très fréquentes : pneumothorax, épanchement pleuraux liquidiens, atélectasies, embolie pulmonaire, dysphonie, etc. Les dysfonctions diaphragmatiques (le plus souvent à gauche) par atteinte phrénique sont source de complications (infection broncho-pulmonaire, difficulté d’extubation, insuffisance respiratoire restrictive). Elles sont le plus souvent réversibles en moins d’un mois, sauf s’il y a eu une section du nerf phrénique. La kinésithérapie respiratoire est fondamentale. Enfin, la lutte contre la douleur doit être une priorité. En pratique 15 à 25 % des patients opérés présentent une complication nécessitant une prise en charge hospitalière (prolongation de séjour ou réhospitalisation). Ceci justifie une surveillance hospitalière prolongée (en centre de réadaptation cardiaque), en particulier des malades les plus à risque.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 4 sur 10