Publié le 04 déc 2007Lecture 4 min
FA et IC : prévalence et conséquences
J.-Y. LE HEUZEY, hôpital européen Georges Pompidou, Paris
La fibrillation atriale (FA) tient une place actuellement de plus en plus grande dans les préoccupations quotidiennes des cardiologues. Comme l’avait souligné E. Braunwald il y a quelques années : « De nouvelles épidémies de maladies cardiovasculaires émergent : l’insuffisance cardiaque et la fibrillation atriale ».
Lorsque l’on examine, comme cela avait été fait dans l’étude COCAF (Cost Of Care in Atrial Fribrillation), les coûts du traitement de la FA, il apparaît que les hospitalisations représentent plus de la moitié des dépenses et qu’il s’agit très souvent d’hospitalisations en rapport avec la FA, qui peut souvent être gérée hors de l’hôpital, mais aussi avec l’insuffisance cardiaque (figure 1). Cette répartition des coûts est tout à fait voisine de celle que l’on observe dans l’insuffisance cardiaque.
Figure 1. Données de l’étude COCAF (Cost Of Care in Atrial Fribrillation). Plus de la moitié des dépenses faites pour le traitement de la fibrillation atriale concernent les hospitalisations.
Épidémiologie
La progression du nombre d’hospitalisations, que ce soit pour un diagnostic principal ou un diagnostic accessoire, est similaire ces dernières années en Europe de l’Ouest comme aux États-Unis. Le nombre de patients avec FA en France se situe actuellement aux alentours de 600 000 à 750 000 sujets. Aux États-Unis, le chiffre est d’environ 2,5 millions avec des projections sur les années 2050 qui dépassent les 5,5 millions. Bien entendu, le vieillissement de la population joue un grand rôle dans cette augmentation de l’incidence et de la prévalence.
Dans l’étude de Framingham, cette prévalence a crû de façon importante depuis les années 1970. Chez les patients de plus de 65 ans, la prévalence atteint 9,1 % chez les hommes et 4,7 % chez les femmes. Dans l’étude Euro Heart Survey, la proportion de patients ayant une insuffisance cardiaque (IC) qui ont été inclus dans ce registre était de 30 % lorsqu’il s’agissait d’une arythmie complète détectée pour la première fois, de 28 % dans les fibrillations atriales paroxystiques, de 39 % dans les fibrillations persistantes et enfin de 52 % dans les fibrillations permanentes. Parmi les sujets avec fibrillation atriale, l’incidence de l’IC, d’après l’étude de Wang qui provient de la cohorte de Framingham, peut être estimée à 33 pour 1 000 personnes/année.
Conséquences cardio- et cérébrovasculaires
Les conséquences de la FA sont bien connues en termes d’augmentation du risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) et de mortalité cardiovasculaire. Sur un plan analytique, la survenue d’une fibrillation atriale entraîne la perte de la systole auriculaire, d’où une diminution de 30 % du remplissage ventriculaire chez le sujet normal. Cette diminution peut dépasser 50 % si la relaxation est prolongée, comme par exemple dans l’hypertrophie ventriculaire gauche ou chez les sujets âgés. Il en résulte également une irrégularité et une tachycardie, d’où une diminution du débit cardiaque qui est plus marquée à l’exercice et qui peut atteindre jusqu’à 30 %.
Une analyse de la responsabilité de l’irrégularité des cycles sur la fonction ventriculaire en FA a été réalisée dans un travail mené par Clarck. Cette équipe a effectué des ablations du nœud auriculoventriculaire chez des sujets en FA rapide (aux alentours de 100/min). Trois groupes ont ensuite été analysés :
- le premier avait une stimulation VVI à 60/min,
- le second, une stimulation VVI à 102/min,
- le troisième, une stimulation VVI et une irrégularité des cycles à 102/min, irrégularité permise par le fait que le rythme qui était présent avant l’ablation avait été gardé en mémoire et « réinjecté » en stimulation.
Cette étude avait montré que le débit cardiaque chutait de 5,2 à 4,4 m/min, que la pression capillaire pulmonaire s’élevait de 14 à 17 mmHg et que la pression auriculaire droite augmentait de 8 à 10 mmHg.
Conséquences pronostiques
Les conséquences en termes de pronostic sont maintenant bien connues et l’on peut considérer que, d’une part, la survenue d’une FA aggrave le pronostic de l’insuffisance cardiaque et, d’autre part, que les patients ayant une fibrillation atriale qui se complique d’insuffisance cardiaque ont un pronostic plus mauvais que ceux qui ont une fibrillation sans être insuffisants cardiaques.
Chez un certain nombre de patients, il est toujours très difficile de savoir si c’est la fibrillation qui a entraîné l’insuffisance cardiaque ou l’inverse. La seule façon d’avoir la certitude qu’il s’agit d’une cardiomyopathie rythmique est d’effectuer une cardioversion et de voir si la fraction d’éjection s’améliore par la suite. Souvent, il ne s’agit que d’un diagnostic rétrospectif.
Les conséquences électrophysiologiques
Elles doivent également être soulignées. Lorsqu’une FA survient, on peut démontrer qu’il existe une diminution progressive des périodes réfractaires avec raccourcissement de la longueur d’onde. À ce remodelage électrique succède en général, un remodelage contractile avec une chute de la contractilité, une dilatation et un étirement. Il s’ensuit enfin un remodelage structural passant par les connexines, aboutissant à la constitution de fibrose, laquelle est responsable d’une anisotropie avec une conduction anormale qui, elle-même, peut entrer en ligne de compte dans la genèse de la fibrillation atriale (figure 2).
Figure 2. Remodelages électrique contractile et structurel dans la fibrillation atriale.
Le système rénine-angiotensine-aldostérone joue un rôle dans ce remodelage structurel et les bloqueurs du système peuvent avoir une efficacité thérapeutique de prévention de la fibrillation.
Un traitement complexe
Le traitement de la fibrillation atriale lorsqu’elle est associée à une insuffisance cardiaque est souvent complexe, du fait notamment, de l’impossibilité d’utiliser un certain nombre de médicaments inotropes négatifs comme les antiarythmiques de classe I.
Les seuls médicaments utilisables sont les bêtabloquants et l’amiodarone. L’ablation peut être proposée dans un certain nombre de cas.
Conclusion
Les schémas thérapeutiques seront peut-être mieux précisés grâce aux données de l’étude AF-CHF (Atrial Fibrillation in Congestive Heart Failure) qui a inclus près de 1 400 patients en randomisant les stratégies de contrôle du rythme et de la fréquence cardiaque et dont les résultats viennent d’être présentés à l’American Heart Association.
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