Publié le 28 mar 2006Lecture 5 min
IEC et insuffisance cardiaque : risques et bénéfices
G. JONDEAU, hôpital Ambroise Paré, Boulogne
XVIes Journées européennes de la SFC
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) sont la première classe thérapeutique ayant pu démontrer un effet bénéfique sur la mortalité chez les patients en insuffisance cardiaque (IC). Initialement développés comme des vasodilatateurs, ils se sont révélés bénéfiques du fait de leur effet anti-hormonal.
Les risques
Les effets secondaires ont été étudiés au cours de l’étude SOLVD, étude princeps qui a établi leur bénéfice au cours de l’insuffisance cardiaque systolique symptomatique ou non. Hypotension, toux, fatigue, hyperkaliémie et insuffisance rénale, angioeodème sont les risques principaux (figure 1).
Figure. Effets secondaires observés dans l’étude SOLVD.
L’hypotension, surtout orthostatique, est la conséquence de l’effet vasodilatateur, et ne s’accompagne pas de tachycardie réflexe, du fait de l’inhibition sympathique. L’effet vasodilateur permet une augmentation du débit cardiaque. Cet effet (et le risque d’hypotension) est d’autant plus marqué que le système rénine-angiotensine est activé, ce dont témoigne une baisse de la natrémie, en l’absence de diurétique. L’hyponatrémie est le facteur prédictif le plus fiable d’hypotension orthostatique symptomatique, plus fiable que le chiffre tensionnel de départ. Ceci étant, même si le risque d’hypotension est plus marqué en cas d’hyponatrémie, le bénéfice des IEC sur la mortalité est majeur chez ces patients et il ne faut pas leur refuser cette thérapeutique.
L’insuffisance rénale est la conséquence de la dilatation de l’artériole efférente. En effet, l’angiotensine II entraîne une constriction de cette artériole, ce qui élève la pression de perfusion rénale et donc la filtration glomérulaire. L’inhibition de l’angiotensine II a l’effet inverse et la dilatation de cette artère diminue, au contraire, la pression de perfusion rénale et la filtration glomérulaire. Cet effet est d’autant plus marqué que la pression de perfusion rénale est dépendante de la vasoconstriction de l’artèriole efférente, c'est-à-dire que la pression dans l’artère afférente est basse (hypotension artérielle, sténose de l’artère rénale bilatérale, néphroangiosclérose).
Le risque d’hyperkaliémie est directement dépendant du stock de néphron : il est augmenté en cas de réduction de la réserve néphronique, c'est-à-dire chez les sujets âgés et en cas d’insuffisance rénale préexistante. On sait maintenant que l’insuffisance rénale n’est pas une contre-indication aux IEC, qui ralentissent au contraire l’altération de la fonction rénale et sont donc indiqués dans ce cadre, même en dehors de l’insuffisance cardiaque. Mais les précautions d’emploi doivent être renforcées ainsi que la surveillance, avec évaluation biologique à chaque fois qu’un événement intercurrent risque d’altérer la fonction rénale (déshydratation, fièvre…). Le risque est bien sur majoré par l’utilisation conjointe d’aldactone.
La survenue de toux sous IEC a fait couler beaucoup d’encre, et fait la fortune des antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II. Chez un patient en insuffisance cardiaque elle doit d’abord faire évoquer une décompensation cardiaque a minima : ainsi, dans l’étude ATLAS, qui comparait faibles et fortes doses d’IEC chez des patients insuffisants cardiaques, la toux était plus fréquente chez ceux qui recevaient la faible dose. La toux survient chez environ 10 % des patients, comparés à la fréquence sous placebo (à titre d’exemple, dans l’étude SOLVD, la fréquence de la toux sous placebo était de 31 %, et de 37 % sous IEC, et l’arrêt du traitement était nécessaire chez 3,3 sous IEC et 1,4 % sous placebo). La toux survient généralement dans les premiers mois, mais peut survenir plus tardivement et il est donc possible qu’elle surviennent chez plus de patients qui prennent le traitement plus longtemps dans la vie réelle que dans les études cliniques.
L’angioœdème est une complication rare des IEC. Il se traduit par un gonflement généralement des mains, et est une contre-indication absolue et définitive aux IEC. Il est la conséquence de l’élévation des kinines.
Les bénéfices
Le bénéfice des IEC dans l’insuffisance cardiaque est établi à plusieurs niveaux.
La capacité fonctionnelle est augmentée par le traitement : cette amélioration est progressive, poursuivie au-delà de 3 mois, observé chez 80 % des patients, mais ne peut être prédite par les effets hémodynamiques aigus. Ce n’est pas parce que la mise en route du traitement n’a pas significativement diminué la pression artérielle que la tolérance fonctionnelle ne va pas s’améliorer. Il semble en fait qu’elle soit la conséquence d’une amélioration progressive de la fonction endothéliale qui permet une meilleure distribution du débit cardiaque au cours de l’effort.
Au niveau cardiaque, les IEC limitent le remodelage, et un modèle animal suggère qu’une partie importante de cet effet est la conséquence de l’augmentation des kinines, plus que du blocage du système rénine angiotensine. Si cela était également vrai chez l’homme, ce serait un avantage clair des IEC par rapport aux antagonistes des récepteurs de l’angiotensine. Mais le démontrer est très difficile.
Un effet anti-ischémique, avec une diminution du risque de récidive d’infarctus a été démontré dans les études SOLVD, et SAVE. Cet effet est à la base des études HOPE et EUROPA, montrant un bénéfice des IEC chez les patients coronariens, insuffisants cardiaques ou non, surtout s’ils sont hypertendus.
Une diminution de la fréquence de survenue d’une fibrillation auriculaire (étude TRACE et métaanalyse), effet qu’ils partagent avec les ARA II, tout comme leur effet protecteur sur la survenue d’un nouveau diabète de novo dans les populations à risque.
La conséquence logique est un effet protecteur global avec diminution de la mortalité globale, cardiovasculaire, des hospitalisations pour décompensation cardiaque…
Au total
Les IEC sont des médicaments anciens, dont on connaît bien les effets secondaires.
Leur bénéfice est bien établi sur tous les critères de suivi des patients insuffisants cardiaques.
Leurs risques sont limités si l’on suit des règles simples (introduction progressive, surveillance biologique) maintenant bien établies.
Ils restent donc logiquement le traitement de première intention de l’insuffisance cardiaque par dysfonction systolique.
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