Publié le 01 mai 2007Lecture 7 min
L'âge de nos artères
J. CHAPSAL, Paris
Les Journées Jean Lenègre
Ces journées Jean Lenègre, en partenariat avec l’HEGP, ont bénéficié du soutien traditionnel des laboratoires AstraZeneca. Dans son introduction, A. Castaigne, directeur médical d’AstraZeneca, s’est félicité que de telles journées de formation puissent avoir lieu officiellement grâce à l’aide de l’industrie pharmaceutique et au parrainage de la SFC. Le programme rédigé par un comité scientifique indépendant a été centré sur la pratique des cardiologues.
En introduction, un symposium coprésidé par S. Laurent et J. Chapman a fait le point sur l’action du vieillissement sur nos artères. Des flashs d’actualité ont alterné avec des vidéotransmissions des techniques interventionnelles diagnostiques et chirurgicales et des ateliers pratiques.
L'action du vieillissement sur nos artères
D'après F. Forette
Le défi de la longévité
La dépendance augmente avec l’âge
F. Forette a brillamment posé le problème du vieillissement : l’augmentation de la longévité est le privilège des nations développées, encore faut-il que cette population âgée soit active et autonome.
Actuellement, plus de 20 % de la population a plus de 60 ans et cette progression va continuer. On sait que la dépendance augmente avec l’âge et globalement, seulement 6,3 % de la population âgée > 60 ans est dépendante, ces chiffres augmentant, après 90 ans, 29 % chez l’homme et 46 % chez la femme. Ces données permettent de souligner que la dépendance n’intéresse qu’un faible pourcentage de la population en France. L’espérance de vie dépend également de la condition sociale (à l’âge de 60 ans, l’espérance de vie est de 12 ans pour un ouvrier et de 17 ans pour un cadre) et varie selon les régions.
Chiffres : 943 000 personnes sont dépendantes en France ce qui représente un coût de 15,5 milliards d’euros pour la collectivité, indépendamment des efforts personnels des familles.
L’équation est donc la suivante : la population âgée augmente dans tous les pays, mais si la dépendance augmente avec l’âge, les progrès constatés font que la dépendance recule pour chaque tranche d’âge.
L’augmentation de la proportion de la population âgée doit donc être contre-balancée par une diminution de la dépendance à chaque tranche d’âge : pour stabiliser, voire espérer faire régresser cette population dépendante. C’est dire combien sont essentielles les préventions médicale et sociale dans notre pays.
Une prévention tout au long de la vie
Les facteurs de dépendance de la population âgée sont représentés par :
- les maladies cardiovasculaires,
- les AVC,
- les cancers,
- puis l’arthrose, les fractures et les troubles sensoriels.
Il est très important de souligner qu’il n’est jamais, ni trop tôt, ni trop tard, pour assurer cette prévention primaire.
Par exemple, la corrélation connue entre les chiffres de pression artérielle et l’incidence des maladies cardiovasculaires persiste à tout âge et l’on sait que le traitement antihypertenseur est bénéfique ; l’étude HYVET (HYpertension in the Very Elderly Trial) est en cours pour savoir si le traitement de la population hypertendue > 80 ans est bénéfique.
Le système de santé est essentiel, se traduisant ainsi par une espérance de vie en Europe de l’Ouest supérieure de 6 ans par rapport à l’Europe Centrale et de 10 ans par rapport à l’Europe de l’Est. La mortalité cardiovasculaire est de 60 % en Europe de l’Est et de 35 % à l’Ouest.
Les démences : un véritable fléau
À l’échelle planétaire, on estime qu’un cas de démence survient toutes les 4 secondes et que la maladie d’Alzheimer représente en France 70 % des demandes de placement en long séjour, ce qui représente une charge majeure pour notre système de santé. Dans la genèse des démences interviennent l’âge, le sexe, le niveau d’éducation, la génétique, mais également des facteurs vasculaires et tout particulièrement l’hypertension artérielle.
Traiter l’HTA pour prévenir les démences est démontré
Il existe une corrélation entre les niveaux tensionnels et le niveau cognitif.
Le volume hippocampique est ainsi beaucoup moins diminué chez les hypertendus traités comparativement aux hypertendus non traités. Il existe également une corrélation entre la rigidité artérielle et les fonctions cognitives.
Si l’on s’est interrogé sur le rôle des œstrogènes, des anti-inflammatoires, des antioxydants ou encore des statines dans le traitement des démences, les agents antihypertenseurs ont, pour leur part, déjà démontré leur efficacité ; peut-être, les substances antiamyloïdes représenteront-elles, dans le futur, un progrès ?
Les études SYSTEUR (SYSTolic hypertension in EURope) et PROGRESS (Perindopril pROtection aGainst REcurrent Stroke Study) ont permis de démontrer qu’un contrôle tensionnel permettait de diminuer de façon significative les démences, et un travail de O. Hanon de 2006 montre que les fonctions cognitives des sujets âgés traités et d’âge moyen de 78 ans sont meilleures que les patients non traités. Faut-il privilégier certains antihypertenseurs ? Les fonctions cognitives seraient mieux améliorées par les anticalciques qu’avec les IEC, les bêtabloquants et les diurétiques ; et probablement, les ARAII auraient un effet favorable, mais nous ne disposons que de petites cohortes de patients.
Une prise en charge cardiovasculaire efficace se traduit par des chiffres spectaculaires sur la survenue des événements : diminution de 42 % de la mortalité par insuffisance cardiaque et de 57 % par AVC.
Si le vieillissement de la population se généralise, il faut continuer la prévention à chaque étape de façon à limiter la proportion de la population âgée dépendante.
Conséquences du viellissement artériel.
Le vieillissement cardiovasculaire
D'après A. Benetos, S. Laurent et J. Chapman
Qu’est-ce que le vieillissement normal ?
Il est difficile de faire la part de ce qui serait « normal », et « anormal », et il est plus facile de parler de distinguo entre vieillissement usuel et vieillissement accéléré.
Le vieillissement artériel se traduit par la rigidité artérielle et favorise l’athérosclérose.Le vieillissement se traduit par une dilatation du calibre artériel et une hypertrophie des parois essentiellement par modification de la matrice extracellulaire, dont l’élastine est l’un des composants majeurs : il y a formation de collagène qui devient rigide par création de ponts entre les fibrilles. Ces phénomènes etla survenue de calcifications aboutissent à la rigidité artérielle au niveau des gros troncs car ce sont eux qui sont les plus riches en matrice extracellulaire. Ceci conduit à l’hypertension artérielle systolique.
Cette rigidité artérielle, mesurée par une augmentation de la vitesse de l’onde de pouls aortique entraîne une majoration du risque de mortalité cardiovasculaire (figure) et, chez les patients > 75 ans, du risque de démence.
Cette rigidité artérielle, également influencée par des facteurs génétiques et environnementaux, se traduit par une augmentation de la PAS et de la pression pulsée.
Influence de la pression artérielle
L’HTA essentielle est un modèle de vieillissement accéléré et les artères de l’hypertendu ont un aspect comparable aux sujets normotendus âgés de plus de 10 à 15 ans. Ce vieillissement accéléré est la conséquence de l’augmentation de la rigidité et du diamètre des gros troncs par un mécanisme passif d’augmentation de la pression artérielle, mais également par une distension du calibre artériel comparativement aux normotendus par un mécanisme passif d’augmentation de la pression artérielle et un processus actif de remodelage vasculaire.
L’HTA essentielle est un modèle de vieillissement vasculaire essentiellement lié à l’augmentation de la pression artérielle.
En revanche, dans l’HTA secondaire réno-vasculaire, dans l’HTA du diabétique ou avec insuffisance rénale, il existe également des anomalies intrinsèques accélérant encore plus ce vieillissement.
Dans toutes les grilles de scores de risque, l’âge est le facteur déterminant et, par exemple, dans EURO-SCORE, le fait de vieillir de 40 à 70 ans multiplie par 40 le risque cardiovasculaire, alors qu’il n’est multiplié que par 4 lorsqu’on multiplie les facteurs de risque.
La rigidité artérielle apparaît ainsi une mesure de l’exposition cumulée aux facteurs de risque.
L’étude CAFE (Conduit Artery Function Evaluation) a montré l’intérêt de mesurer la pression aortique centrale, les antihypertenseurs pouvant avoir une action différente sur la pression centrale et un effet comparable au niveau de la pression humérale. Dans cette étude, on démontre la plus grande efficacité des vasodilatateurs : l’association amlodipine/perindopril diminue le risque de survenue d’événements cardiovasculaires que l’association bêtabloquants/diurétiques et on peut imaginer le schéma suivant :
Le rôle du cholestérol
L’HTA et la dysfonction endothéliale favorisent l’athérogenèse et beaucoup de facteurs contribuent à la constitution de la plaque. L’accumulation de cholestérol favorise l’inflammation, modifiant le génotype des macrophages, mais beaucoup d’autres facteurs interviennent également : cytokines proinflammatoires, apoptose, nécrose, facteurs tissulaires d’expression, stress oxydatif et métalloprotéases.
Peut-on faire régresser la plaque d’athérome ?
L’ensemble des études cliniques a montré l’effet favorable de la diminution du LDL-cholestérol et il faut tenter d’avoir un rapport LDL/HDL voisin de 1. La technologie d’échographie endovasculaire (IVUS) permet de quantifier la surface et le volume de la plaque et d’évaluer l’effet des traitements.
Ainsi, l’étude ASTEROID a montré qu’une dose de 40 mg de rosuvastatine très bien tolérée, permettait d’obtenir une régression de la plaque coronaire chez 80 % des patients quels que soient l’âge ou le sexe. Cette régression de la plaque s’accompagne d’une baisse du LDL de 53 % et du augmentation du HDL de 15 %.
L’étude ASTEROID a des résultats tout à fait cohérents avec ceux des autres essais similaires. L’analyse groupée de 4 études basées sur l’échographie endocoronaire a montré que pour obtenir une régression significative d’au moins 5 % du volume de la plaque, il fallait abaisser le taux de LDL-cholestérol au moins à 0,875 g/l et augmenter le taux HDL-cholestérol d’au moins 7,7 %.
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